La conscience et la vie
Publié le 28/03/2016
Extrait du document
«
Combien serait préférable une philosophie plus modeste, qui irait tout droit à l’objet sans s’inquiéter des
principes dont il parait dépendre! Elle n’ambitionnerait plus une certitude immédiate, qui ne peut être
qu’éphémère.
Elle prendrait son temps.
Ce serait une ascension graduelle à la lumière.
Portés par une
expérience de plus en plus vaste à des probabilités de plus en plus hautes, nous ten drions, comme à une
limite, vers la certitude définitive.
J’estime, pour ma part, qu’il n’y a pas de principe d’où la solu tion des grands problèmes puisse se déduire
mathématiquement.
Il est vrai que je ne vois pas non plus de fait décisif qui tranche la question, comme il
arrive en physique et en chimie.
Seulement, dans des régions diverses de l’expérience, je crois apercevoir des
groupes différents de faits, dont chacun, sans nous donner la connaissance désirée, nous montre une direction
où la trouver.
Or, c’est quelque chose que d’avoir une direction.
Et c’est beaucoup que d’en avoir plusieurs,
car ces directions doivent converger sur un même point, et ce point est justement celui que nous cherchons.
Bref, nous possédons dès à présent un certain nombre de lignes de faits , qui ne vont pas aussi loin qu’il
faudrait, mais que nous pouvons prolonger hypothétiquement.
Je voudrais suivre avec vous quelques-unes
d’entre elles.
Chacune, prise à part, nous conduira à une conclusion simplement probable; mais toutes
ensemble, par leur convergence, nous mettront en présence d’une telle accumula tion de probabilités que nous
nous sentirons, je l’espère, sur le che min de la certitude.
Nous nous en rapprocherons d’ailleurs indéfiniment,
par le commun effort des bonnes volontés associées.
Car la philosophie ne sera plus alors une construction, œuvre sys tématique d’un penseur unique.
Elle
comportera, elle appellera sans cesse des additions, des corrections, des retouches.
Elle progressera comme la
science positive.
Elle se fera, elle aussi, en collaboration.
[Conscience, mémoire et temps]
Voici la première direction où nous nous engagerons.
Qui dit esprit dit, avant tout, conscience.
Mais,
qu’est - ce que la conscience ? Vous pensez bien que je ne vais pas définir une chose aussi concrète, aussi
constamment présente à l’expérience de chacun de nous.
Mais sans donner de la conscience une définition
qui serait moins claire qu’elle, je puis la caractériser par son trait le plus apparent : conscience signifie
d’abord mémoire.
La mémoire peut manquer d’ampleur; elle peut n’embrasser qu’une faible partie du passé;
elle peut ne retenir que ce qui vient d’arriver; mais la mémoire est là, ou bien alors la conscience n’y est pas.
Une conscience qui ne conserverait rien de son passé, qui s’oublierait sans cesse elle - même, périrait et
renaîtrait à chaque instant : comment définir autrement l’inconscience ? Quand Leibniz disait de la matière
que c’est “ un esprit instantané ”, ne la déclarait - il pas, bon gré, mal gré, insensible ? Toute conscience est
donc mémoire - conservation et accu mulation du passé dans le présent.
Mais toute conscience est anticipation de l’avenir.
Considérez la direction de votre esprit à n’importe quel
moment : vous trouve rez qu’il s’occupe de ce qui est, mais en vue surtout de ce qui va être.
L’attention est
une attente, et il n’y a pas de conscience sans une certaine attention à la vie.
L’avenir est là; il nous appelle,
ou plutôt il nous tire à lui : cette traction ininterrompue, qui nous fait avancer sur la route du temps, est cause
aussi que nous agissons continuellement.
Toute action est un empiétement sur l’avenir.
Retenir ce qui n’est déjà plus, anticiper sur ce qui n’est pas encore, voilà donc la première fonction de la
conscience.
Il n’y aurait pas pour elle de présent, si le présent se réduisait à l’instant mathé matique.
Cet
instant n’est que la limite, purement théorique, qui sépare le passé de l’avenir; il peut à la rigueur être conçu,
il n’est jamais perçu; quand - nous croyons le surprendre, il est déjà loin de nous.
Ce que nous percevons en
fait, c’est une certaine épaisseur de durée qui se compose de deux parties: notre passé immédiat et notre
avenir imminent.
Sur ce passé nous sommes appuyés, sur cet ave nir nous sommes penchés; s’appuyer et se
pencher ainsi est le propre d’un être conscient.
Disons donc, si vous voulez, que la conscience est un trait
d’union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l’avenir.
Mais à quoi sert ce pont, et
qu’est - ce que la conscience est appelée à faire ?
[Comment sait-on de l’extérieur qu’un autre être est conscient ?]
Doc Travail _ Texte à option 2 / 9.
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