La conscience est un phénomène culturel ou naturel ?
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
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Quelle est la nature de cette voix ? Rousseau emploie l'expression a instinct divin ».
Le mot « instinct » est engénéral utilisé pour caractériser les conduites animales ou ce qui, en l'homme, relève de son aspect « animal » ets'oppose à la raison.
Or, ici, Rousseau l'emploie au contraire pour nommer ce qui va diriger l'homme vers uneconduite non animale (« sans toi je ne sens rien qui m'élève au dessus des bêtes »).Parler d'instinct à propos de la conscience permet de ne pas l'identifier à la raison.
Comme l'instinct animal, laconscience n'est pas le résultat d'un apprentissage ou d'une réflexion, le fruit de connaissances : elle estspontanée, « innée ».
Mais, en même temps, l'adjectif « divin » différencie la conscience de l'instinct animal ensoulignant son caractère éminemment spirituel.Pourquoi sommes-nous « sourds » ? Si la conscience était à nos actions ce que l'instinct est à la conduite animale,nous ne pourrions lui résister.
Mais, précisément, « tout » nous fait oublier cette voix de la nature.
a Tout », c'est-à-dire l'éducation que nous recevons dans la société et qui, dès l'enfance, inculque des préjugés.
La voix de laconscience n'est ni celle de la raison instruite, ni celle du fanatisme nourri dès l'enfance.
D'où le projet de Rousseaudans l'Émile d'expliquer ce que pourrait être une éducation --qui préserve, pour l'enfant, la possibilité d'entendrecette voix à la fois naturelle et divine.
• Rapprochements possibles et intérêt philosophique du texteOn retrouvera chez Kant la même idée selon laquelle le sens moral est à la portée de tout homme, même non instruit: chacun sait immédiatement où est son devoir.
Mais cette universalité même de la moralité est pour Kant le signeque la conscience morale est l'oeuvre de la raison : non pas une raison « théorique » ou « savante », mais uneraison pratique.
Contrairement à Rousseau, Kant ne fait pas de la morale un sentiment qui s'éprouve mais une loi quis'impose à tout être raisonnable.
La différence entre Kant et Rousseau n'est pourtant pas si grande : lorsqueRousseau dissocie conscience et raison, c'est à la « raison savante » qu'il pense, et le sentiment moral, dans saspiritualité, est pour lui hautement raisonnable.
-Leibniz : dès lors, pour concilier cette naturalité de la conscience et l'écart qui subsiste néanmoins entre la naturehumaine et la nature des autres êtres de la Création, il faut concevoir une nature à plusieurs degrés, en elle-mêmediverse, unifiée par l'action créatrice d'un Dieu tout-puissant.
C'est ce que fait Leibniz dans La Monadologie : les hommes sont décrits comme des monades (individus créés par Dieu) qui ont cette spécificité d'être dotées deconscience.
C'est ce qui leur accorde selon Leibniz cette vertu qui est la responsabilité et qui les intègre au"royaume de Dieu", qui est une partie singulière de la nature tout entière.
III Penser la naturalité de la conscience sans Dieu : la culture comme nature symbolisée et critique, Freudà nouveau et Nietzsche -Freud : la pensée de Freud évolue notamment dans Le ça et le moi , où la second topique décrivant le fonctionnement de l'appareil psychique dépasse la stricte naturalité psycho-somatique de la première topique(L'Interprétation des rêves ).
La topique est structurée autour du ça, du moi et du surmoi.
Cette dernière instance permet au sujet, en se confrontant à celle du moi, d'intérioriser les normes sociales et symboliques de la sociétéhumaine.
La conscience possède donc toujours une origine naturelle, ancrée dans les pulsions inconscientes du ça,mais elle doit composer avec la production culturelle du surmoi.
Le moi de la conscience est donc cette instancecritique qui vient actualiser la nature de l'homme en la confrontant à cette production culturelle.
-Nietzsche va plus loin que Freud : non seulement la conscience fait émerger une production de symboles (sensconventionnels établis entre les hommes) qui vient réactualiser la nature humaine, la transformer, mais cetteréactualisation peut apparaître comme un affaiblissement de cette nature.
La conscience, comme création desymboles, peut ainsi niveler la singularité naturelle de l'individu, pour les besoins de communication qui sont ceux dela société humaine ( Le gai savoir ). Conclusion -La conscience est naturelle : elle provient nécessairement de la nature physiologique et sociale de l'homme.
-Mais cette nature de la conscience est à distinguer de la nature du monde extérieur : elle est une nature critique,qui a un pouvoir de transformation sur elle-même.
-Par conséquent, on peut penser la conscience comme une production naturelle de culture, dans le sens où laculture est précisément cette tâche critique d'actualisation de la nature humaine.
Cette tâche critique estsusceptible d'un affaiblissement (illusion d'un donné naturel de valeurs, en fait culturelles), ou d'un trop granddéveloppement (suprématie alors illusoire de la culture comme maîtresse de la nature, alors qu'elle n'est que ledéveloppement humain et critique de cette dernière)..
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