La connaissance scientifique se distingue-t-elle de la connaissance vulgaire ?
Publié le 04/08/2009
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En nous demandant si la connaissance scientifique se distingue de la connaissance vulgaire, nous pouvons répondre par l’affirmative dans les deux sens du verbe « distinguer « : se différencier et s’illustrer. En effet, la connaissance scientifique est à la fois distincte et supérieure à la connaissance vulgaire. Cependant, nous verrons que dans toute connaissance scientifique il y a des éléments de connaissance vulgaire et que ces deux types de connaissance ne sont peut être pas si distincts que nous le pensions à première vue. En définitive, nous nous demanderons si la connaissance scientifique ne serait pas davantage assimilable à la connaissance vulgaire que nous le pensions d’abord, puisque la connaissance scientifique peut tomber dans le domaine de la connaissance vulgaire en raison de l’évolution des connaissances scientifiques.
La question au centre de notre travail sera donc de déterminer s’il y a lieu de distinguer conceptuellement et axiologiquement connaissance scientifique et connaissance vulgaire.
INTRODUCTION. - Le monde est le même pour tous et tous ont, pour l'observer, des sens d'une perspicacité semblable; pour l'expliquer, des principes identiques. Et cependant quelle différence entre la représentation que le savant se fait de ce monde et celle de l'individu sans culture! Cherchons à préciser ce qui caractérise ces deux représentations et à déterminer les marques distinctives de la connaissance scientifique et de la connaissance vulgaire. I. Le ressort de l'activité humaine est l'intérêt. Mais il est, suivant les individus, des intérêts d'ordre bien différent. A. Pour le vulgaire, il n'est guère que des intérêts matériels, c'est-à-dire qui se rapportent à la vie organique : alimentation, vêtement, habitation, argent permettant de se procurer ce qui est nécessaire à la vie, situation sociale entraînant des avantages économiques. B. L'homme cultivé est sensible aux intérêts spirituels et théoriques intérêts moraux, esthétiques, intellectuels. C'est par l'intérêt intellectuel que le savant est poussé : savoir et comprendre est son plus grand désir.
«
Cela signifie que la connaissance scientifique est une connaissance mise à jour par un individu précis, capable derépondre de sa découverte devant la communauté de ses pairs et devant les autres hommes.
Par ailleurs, laconnaissance scientifique est une connaissance parfaitement démontrable : c'est en reconstituant la démarche dusavant, en produisant des chiffres et des données, que l'on peut rendre raison de la connaissance scientifique, ceque la connaissance vulgaire est le plus souvent incapable de faire.
Nous dirons donc qu'effectivement, laconnaissance scientifique se distingue bien de la connaissance vulgaire sur des fondements conceptuels.
b.
La connaissance scientifique se distingue axiologiquement de la connaissance vulgaire
Mais il faut bien voir que lorsque nous parlons de « distinction », nous parlons autant d'une différenciationconceptuelle qu'axiologique.
En effet, lorsqu'une chose se distingue d'une autre, elle est non seulement différente,mais meilleure, plus réussie, plus digne d'estime.
Se distinguer n'est donc pas seulement se différencier, mais prouverun degré de valeur plus élevé.
A ce titre, nous pouvons dire qu'effectivement, la connaissance scientifique sedistingue de la connaissance vulgaire.
En effet, l'indignité de la connaissance vulgaire se manifeste déjà dans sonnom : ce qui est vulgaire, c'est ce qui est commun, médiocre en un sens statistique (au milieu, c'est-à-dire connude tous) mais aussi en un sens axiologique (ce dont la valeur est faible).
Cette connaissance n'est digne de l'estimede personne car elle appartient à tous et révèle très souvent ses insuffisances au point d'être réfutée.
Par ailleurs,la connaissance vulgaire a toujours un degré de complexité et d'intérêt moindre que la connaissance scientifique,puisque tout un chacun peut la comprendre.
A l'inverse, la connaissance scientifique est digne de la considérationdes hommes car elle est le résultat d'un effort de pensée puissant, parfois révolutionnaire (pensons aux cinq articlesd'Einstein écrits en 1905, dont l'un lui valut le Nobel de Physique, et l'autre fonda la relativité restreinte).
Nousdirons donc que c'est axiologiquement autant que conceptuellement que la connaissance scientifique se distingue dela connaissance vulgaire.
II.
Cependant, connaissance scientifique et connaissance vulgaire possèdent des points communsconsidérables a.
Connaissance scientifique et connaissance vulgaire sont toutes deux fondées sur l'expérience sensible
Cependant, il faut bien voir que la connaissance scientifique ne se distingue peut-être pas aussi radicalement quenous le pensions d'abord de la connaissance vulgaire.
En effet, l'une et l'autre se fondent sur l'expérience sensible,le fait d'avoir vu ce dont on parle.
C'est ce que fait Jean de Léry dans son Histoire d'un voyage faict en la terre du Brésil , qui défend le critère de l'autopsie (la vue d'une chose par soi même) : parler d'une chose avec le caractère du vrai, c'est d'abord l'avoir vue soi même.
« C'est ainsi parler de science, c'est-à-dire de vue et d'expérience » comme l'écrit Léry.
Le critère de l'expérience sensible a pu constituer un jalon sur le chemin du progrès scientifique,en tant qu'il se substitue à une vision cosmologique de l'univers, un jalon commun à la connaissance vulgaire autantqu'à la connaissance scientifique.
Nietzsche est celui qui a le mieux mis en évidence que le critère de l'expériencesensible est un préjugé populaire, que nous l'acceptons intuitivement, et qu'il a cours jusque dans le domainescientifique :
« [La physique] a pour alliés les yeux et les doigts, elle a pour alliée l'évidence visuelle et tactile : sur une époqueau goût fondamentalement plébéien, cela exerce une influence ensorcelante, persuasive, convaincante – cela seconforme en effet instinctivement au canon de la vérité qui est celui de l'éternel sensualisme populaire.
Qu'est-cequi est clair, qu'est-ce qui « explique » ? Seulement ce qu'on peut voir et toucher- c'est jusqu'à ce point que toutproblème doit être amené ».
(Par delà bien et mal, paragraphe 14).
D'après Nietzsche, les sciences doivent s'affranchir du préjugé dus à l'apparence sensible et douter de tout,conformément au principe du doute hyperbolique que Descartes a énoncé mais non appliqué.
Nous pouvons doncvoir que la connaissance scientifique ne se distingue pas aussi fondamentalement que nous le pensions de laconnaissance vulgaire, car les deux partagent ce que Nietzsche appelle « le préjugé des sens »..
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