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La connaissance de la vérité entraîne-t-elle nécessairement La disparition de l'illusion ?

Publié le 16/02/2011

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illusion

• Le « Vocabulaire philosophique « de Lalande nous indique pour « illusion « : « Toute erreur, soit de perception, soit de jugement ou de raisonnement, pourvu qu'elle puisse être considérée comme naturelle, en ce que celui qui la commet est trompé par une apparence. « Il nous indique par ailleurs pour « erreur « « Au sens actif, acte d'un esprit qui juge vrai ce qui est faux, ou inversement, « commettre une erreur «. Au sens passif, état d'un esprit qui tient pour vrai ce qui est faux, ou inversement. « Être dans l'erreur «. Au sens impersonnel, assertion fausse. « • D'où premier problème : L'illusion est-elle l'erreur, une variété de l'erreur et en quoi? Remarquons que l'on peut dire : « être dans l'erreur « ainsi que « être dans l'illusion « (sens passif). « Commettre une erreur « mais non « commettre une illusion « (sens actif). Par contre on peut dire « se faire des illusions « (pronominal dit passif).

illusion

« Cependant l'illusion doit être distinguée de l'erreur.

L'erreur est d'ordre purement rationnel, c'est la raisonqui, prise en défaut, est susceptible de se tromper.

Aussi l'erreur est sinon réversible du moins soulignée lorsqu'on yporte une attention suffisante.

Or c'est là que l'illusion diverge : l'erreur est dévoilée par la raison et disparaît par làmême au profit de la vérité tandis que l'illusion, même si elle est dénoncée par la raison n'est pas pour autantdissipée. Dans la Critique de la raison pure Kant compare l'illusion des sens et l'illusion intellectuelle, elles sont d'une structure comparable.

L'astronome a beau savoir que la lune n'est pas plus grande à son lever, il ne pourras'empêcher de la voir telle.

De même la critique de la raison pure aura beau évaluer et mettre en évidence les limitesde la connaissance (on ne peut pas connaître la chose en soi), la raison ne cessera pas pour autant d'essayer deconnaître ce dont on ne peut faire l'expérience et de théoriser sur l'en soi de l'âme, du monde ou de Dieu.

L'illusionest sensible ou affective, bref comme elle n'équivaut pas à une erreur strictement rationnelle le pouvoir de la raisonet donc de la connaissance de la vérité est limitée face à elle.

La vérité de la raison est d'ailleurs comme le penseKant qu'elle abrite en son sein des « illusions constitutives » que même la critique aura du mal à contrôler. Le langage commun permet d'ailleurs de saisir la distinction entre erreur et illusion : on dit « commettre uneerreur » mais « être dans l'illusion » ; l'erreur est une faute ponctuelle, un incident spatio-temporel de notre intellecttandis que l'illusion implique un état .

Lorsque nous sommes trompés par le magicien c'est une atmosphère, une mise en scène, un tout qui nous abuse, nous ne commettons pas d'erreur intellectuelle.

L'illusion ne témoigne-t-elle pasen faveur d'une part humaine définitivement récalcitrante à la raison, n'est-elle pas le corrélat, négatif certes maisessentiel, du fait que nous ne sommes pas des êtres de pure raison ? III- L'illusion résiste à la vérité. Il faut donc distinguer le pôle rationnel d'un pôle affectif et sensible, non que leur séparation soit absolue, ily a des passages, des incidences de l'un sur l'autre, mais il n'y a pas d'efficacité radicale et garantie de la raison surl'affectivité.

On ne raisonne pas une illusion amoureuse.

La fin de l'illusion (si elle est possible, par exemple si c'estune illusion sentimentale) est bien souvent provoquée par la lassitude, par un mûrissement du sujet et non pas parl'acquisition d'une conviction rationnelle.

Le héro de A la recherche du temps perdu finit par se remettre d'une illusion amoureuse et se surprend à constater qu'en fait la personne sur laquelle il se fixait « n'était pas son genre »mais cette vérité, qui lui a été assénée par ses amis n'est pas ce qui a rendu son sentiment caduc ; c'est ladéception qui l'a vaincu.

Le complexe d'Œdipe, comme l'a montré Freud, est soit naturellement dépassé soit résorbépar un travail de suggestion ou un mûrissement tardif, mais son arrêt ne sera jamais provoqué par la connaissancede la vérité, bien plutôt celle-ci ne sera pas reconnue par le sujet ou alors elle le rendra fou tel Œdipe dans lemythe. L'exemple canonique tiré des Essais de Montaigne illustre la force de l'illusion : on suspend un philosophe dans une cage au dessus du vide, quoique assuré, rationnellement, de ne pas tomber, il ne pourra s'empêcher decraindre le vide et de ressentir un malaise dû à la vision du vide vertigineux qu'il surplombe.

On peut dire que cettedichotomie entre sensibilité et raison ne peut être réduit à une faiblesse du pouvoir de la raison.

Ne faut-il pasplutôt y voir la richesse de l'existence telle qu'elle ne se résume pas à des potentialités intellectuelles ? La connaissance de la vérité peut nous convaincre que nous sommes dans l'illusion mais elle ne sauraitdissiper autre chose que l'erreur.

L'illusion fane d'elle-même, ce n'est pas en se persuadant qu'il est en sécurité quel'homme suspendu dans sa cage va cesser d'être mal à l'aise, mais en s'habituant corporellement, affectivement, àla situation.

Lorsque j'assiste à un tour de magie, j'ai beau savoir qu'il s'agit d'une illusion, le plaisir du spectacle estprécisément dû à la persistance de celle-ci malgré le jugement de la raison, par laquelle je sais que ce tour n'est pas« vrai », au sens où son procédé réel m'échappe. Conclusion : La connaissance de la vérité entraîne la connaissance de l'illusion mais non pas sa disparition.

L'illusion estdonc irréductible à la rationalité, elle est une part du réel qui résiste à l'hégémonie de la raison.

Il semble dès lorsque la raison et les sens puissent nous délivrer en même temps deux thèses contradictoires sur un même objet : jesais que le bâton n'est pas brisé lorsque je le plonge dans l'eau mais je continue de le voir tel.

L'illusion a beau êtredévoilée elle ne disparaît pas.. »

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