La connaissance de la vérité entraîne-t-elle nécessairement la disparation de l'illusion ?
Publié le 25/03/2004
Extrait du document
«
que nous ne sommes pas des êtres de pure raison ?
III- L'illusion résiste à la vérité.
Il faut donc distinguer le pôle rationnel d'un pôle affectif et sensible, non que leur séparation soit absolue, ily a des passages, des incidences de l'un sur l'autre, mais il n'y a pas d'efficacité radicale et garantie de la raison surl'affectivité.
On ne raisonne pas une illusion amoureuse.
La fin de l'illusion (si elle est possible, par exemple si c'estune illusion sentimentale) est bien souvent provoquée par la lassitude, par un mûrissement du sujet et non pas parl'acquisition d'une conviction rationnelle.
Le héro de A la recherche du temps perdu finit par se remettre d'une illusion amoureuse et se surprend à constater qu'en fait la personne sur laquelle il se fixait « n'était pas son genre »mais cette vérité, qui lui a été assénée par ses amis n'est pas ce qui a rendu son sentiment caduc ; c'est ladéception qui l'a vaincu.
Le complexe d'Œdipe, comme l'a montré Freud, est soit naturellement dépassé soit résorbépar un travail de suggestion ou un mûrissement tardif, mais son arrêt ne sera jamais provoqué par la connaissancede la vérité, bien plutôt celle-ci ne sera pas reconnue par le sujet ou alors elle le rendra fou tel Œdipe dans lemythe.
L'exemple canonique tiré des Essais de Montaigne illustre la force de l'illusion : on suspend un philosophe dans une cage au dessus du vide, quoique assuré, rationnellement, de ne pas tomber, il ne pourra s'empêcher decraindre le vide et de ressentir un malaise dû à la vision du vide vertigineux qu'il surplombe.
On peut dire que cettedichotomie entre sensibilité et raison ne peut être réduit à une faiblesse du pouvoir de la raison.
Ne faut-il pasplutôt y voir la richesse de l'existence telle qu'elle ne se résume pas à des potentialités intellectuelles ?
La connaissance de la vérité peut nous convaincre que nous sommes dans l'illusion mais elle ne sauraitdissiper autre chose que l'erreur.
L'illusion fane d'elle-même, ce n'est pas en se persuadant qu'il est en sécurité quel'homme suspendu dans sa cage va cesser d'être mal à l'aise, mais en s'habituant corporellement, affectivement, àla situation.
Lorsque j'assiste à un tour de magie, j'ai beau savoir qu'il s'agit d'une illusion, le plaisir du spectacle estprécisément dû à la persistance de celle-ci malgré le jugement de la raison, par laquelle je sais que ce tour n'est pas« vrai », au sens où son procédé réel m'échappe.
Conclusion :
La connaissance de la vérité entraîne la connaissance de l'illusion mais non pas sa disparition.
L'illusion estdonc irréductible à la rationalité, elle est une part du réel qui résiste à l'hégémonie de la raison.
Il semble dès lorsque la raison et les sens puissent nous délivrer en même temps deux thèses contradictoires sur un même objet : jesais que le bâton n'est pas brisé lorsque je le plonge dans l'eau mais je continue de le voir tel.
L'illusion a beau êtredévoilée elle ne disparaît pas..
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