« La chose inhumaine n'a rien à dire : d'où ce grand scandale que les sciences n'instruisent pas du tout », déclare le philosophe Alain. Expliquez et discutez.
Publié le 15/09/2014
Extrait du document
«
tient; l'expression évoque principalement un cœur fermé aux
peines des
autres et même une méchanceté foncière à ,leur
égard.
Cet adjectif, dont on n'use habituellement qu'à propos de
l'homme et de la conduite humaine, Alain l'applique aux choses,
et cette association insolite de mots nous heurte et nous fait
hésiter.
Mais, après un peu de réflexion, et surtout après avoir
lu la seconde partie du texte, l'hésitation semble se résorber :
" la chose inhumaine "· ce doit être " la chose ,, tout court, ce
qui s'oppose à
la personne, ce qui constitue l'objet des scien
ces de la nature par opposition à l'objet des sciences morales
ou humaines.
On aurait été plus clair, semble-t-il, en disant :
" Les choses n'ont rien à dire'" ou bien : "Ce qui n'est pas
humain n'a rien à
dire" ; mais on n'aurait pas provoqué l'éton
nement qui suscite la réflexion.
Une des prérogatives par lesquelles l'homme l'emporte sur
les choses est la faculté de parler : les choses ne parlent pas.
Mais ce n'est pas la privation du langage que signale Alain.
Cette privation n'est qu'un signe extérieur d'un vide plus im
portant : le manque de pensée, de sentiment, de vie psycho
logique.
Il
est des hommes qui ne peuvent ou ne savent rien
dire, mais qui auraient beaucoup à dire : on gagne à s'efforcer
de pénétrer dans le mystère de leur vie intérieure et à se dire
à soi-même ce qu'ils ne peuvent dire.
La chose, elle, n'a rien à
dire : ce serait sottise que de lui prêter un psychisme inca
pable
de s'exprimer.
B.
Discussion.
-a) A parler strictement, il est indiscutable
que la chose n'a rien à dire.
Pour avoir quelque chose à dire,
elle devrait penser et elle ne pense pas.
b) Mais Alain semble suggérer plus : que la chose ne peut
rien nous dire, rien nous apprendre, à nous qui
la regardons,
et qu'il est vain de l'interroger.
A son affirmation ainsi com
prise il est impossible d'accorder son assentiment.
Si la chose ne pense pas, elle n'en est pas moins une
pensée
concrétisée dans la matière.
On observe en elle un
ordre, un
plan, le règne de lois rigoureuses, et cela parle à
notre esprit.
Il est vrai qu'elle n'a rien à dire: elle n'a pas,
comme
l'être conscient; elle est seulement.
Mais ce qu'elle
est se révèle pour celui qui l'étudie aussi expressif qu'un
langage proprement dit.
Aussi, disons-nous couramment que la
nature parle au savant, que l'expérimentateur lui pose des ques
tions auxquelles elle fait souvent des réponses lumineuses..
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