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La chirurgie aujourd'hui : le règne de l'image

Publié le 22/02/2012

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En chirurgie, des progrès éclatants ont été réalisés en moins de vingt ans. Mais ceux-ci soulèvent des problèmes moraux et humains délicats à résoudre pour les médecins. Prenons deux dates : 1964, la première transplantation cardiaque au Cap, par le professeur Barnard, et 1981, l'imagerie par résonance magnétique (IRM). Il a suffit de moins de vingt ans pour que la chirurgie change totalement de visage. La plus grande évolution de cette discipline, c'est sa "simplification", la réduction de son caractère agressif pour l'organisme du malade. Cette évolution passe par l'imagerie : le scanner (1971), l'imagerie par résonance magnétique (1981), l'artériographie, l'exploration endoscopique, la chirurgie sous microscope et la chirurgie assistée par ordinateur… Ces possibilités d'exploration de tout le corps humain permettent d'affiner avec un maximum de précisions les conditions d'interventions : tout est visible, tout est explorable ou presque.

« médecin prescrit une résonance magnétique et on lui trouve un énorme méningiome 4 cm de diamètre sous lecerveau.

Ces petits chatouillis avaient duré vingt-quatre heures à peine.

Heureusement, son médecin avait pensé àl'IRM. Ce dépistage, beaucoup plus développé qu'autrefois, rend plus difficiles les relations médecin/patient.

Sacralisée parles médias, la médecine a aujourd'hui une sorte d'"obligation de réussite".

Les patients s'informent plus, ils sont plusexigeants, ils exigent de leur médecin un succès total.

Or, chaque intervention comporte un risque, que le médecins'efforce d'évaluer, puis d'énoncer clairement au patient.

On pourrait penser que ce nouveau type de relation vadans le sens d'une amélioration.

Or ce n'est pas toujours le cas.

Si la plupart du temps, une meilleure communicationcontribue à la réussite du traitement, dans certains cas, cette exigence d'information voire de résultat peut parfoisdonner lieu à des drames, des procès, comme aux États-Unis.

Cette transformation de la relation patient/médecinva-t-elle réellement dans le sens du progrès ? Toutes ces évolutions, techniques ou "relationnelles", posent maintenant des problèmes d'éthique et des problèmesfinanciers.

Ainsi, en chirurgie néo-natale, les malformations se traitent de mieux en mieux, et certaines erreurs de lanature sont, en quelque sorte, corrigeables.

Mais certains cas suscitent des interrogations, voire des cas deconscience.

Un exemple : un enfant à naître est atteint de spina-bifida, une malformation grave dont le pronosticpeut être épouvantable.

Dans le meilleur des cas, il faudra plusieurs interventions après la naissance pour tenterl'impossible, réclamé par les parents, mais dont le chirurgien sait qu'il est irréaliste.

Le rôle du chirurgien est alors del'expliquer aux parents, afin de les aider à faire un choix.

Démarche d'autant plus délicate que ce choix dépend desinformations données et de la manière dont elles sont comprises. En dehors de la chirurgie néo-natale, les options d'interventions dans des domaines très pointus se compliquent d'unchoix financier.

Nous avons, dans le service public, un budget à respecter chaque année.

Il est arrivé dans monservice que le crédit pour l'année soit épuisé début novembre.

Comment faire pour les patients prévus en novembreet décembre ? Autre exemple : l'équipement pour la chirurgie assistée par ordinateur, dont nous savons lesavantages réels qu'elle procure, coûte trois millions.

Or, le budget d'investissement pour mon service est bieninférieur.

Comment faire pour s'équiper ? Certes, la chirurgie est une spécialité onéreuse mais ces questions, qui nous forcent à faire des choix éthiques àpartir de critères financiers pénibles, n'existent que depuis quelques années seulement. Parce que l'exigence de résultat est de plus en plus élevée, que la survie des malades plus fréquente heureusement-, est aussi plus coûteuse (convalescence, soins, retraite etc.), plus que jamais se pose dans les services d'urgenceou de neurochirurgie la question du choix de vie, ou plutôt de survie.

Aux États-Unis, on peut définir ce choix avantd'y être confronté, en spécifiant dans un document officiel qu'on ne souhaite pas survivre diminué.

En casd'accident, le médecin arrêtera la réanimation lorsqu'il aura constaté que le patient n'a aucune chance de survivrenormalement.

En France, ce type de démarche n'existe pas, sinon à titre privé.

C'est la famille qui fait ce choix,dans des conditions psychologiques terribles, sans toujours mesurer les conséquences qu'il implique.

Choisir de fairesurvivre quelqu'un avec un cerveau mort, est-ce un progrès ? Techniquement oui, c'est indiscutable, mais pour lereste ? Résumons.

Nous sommes parvenus dans un laps de temps très bref à une connaissance médicale technique telle quenous pouvons donner le meilleur, même s'il reste, bien entendu, toujours des progrès à faire.

Le changement,l'évolution en cours mais non encore achevée dans la pratique de la médecine se situe dans la relation entre patientet médecin.

Les progrès à venir maintenant seront donc autant psychologiques voire réglementaires que techniques.. »

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