La beauté est-elle dans le regard que l'on porte sur les choses ?
Publié le 20/09/2005
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BEAU (lat. bellus, charmant)
Adj. Désigne ce qui, dans un être ou un objet, est susceptible de procurer un sentiment de plaisir à celui qui le contemple. Cependant, selon Kant, contrairement au plaisir lié à ce qui est simplement agréable, le plaisir est désintéressé et universel. Dire qu'une chose est belle, ce n'est pas simplement dire qu'elle nous plaît, mais supposer au contraire que tout autre homme pourrait éprouver le même plaisir que nous, et appeler cette.universalité de ses voeux. Subst. Ainsi, le beau est la valeur à laquelle se réfère tout jugement. Il est défini par Kant comme « ce qui plaît universellement sans concept ». Voir sublime.
Gén. Tout ce dont on pose l'existence. Méta. Pour Kant, la « chose en soi » subsiste indépendamment du sujet qui se la représente. Ne pouvant être l'objet d'aucune Expérience , elle n'est pas un objet de connaissance. Mor. La chose s'oppose à la personne. Elle se définit comme un moyen, et la personne comme une fin. Ainsi, sa valeur est son prix : elle peut être possédée et échangée. La personne, au contraire, est inaliénable, n'a pas de prix mais une dignité.
La beauté est la norme sur laquelle prend appui l'appréciation positive du jugement de goût, que ce jugement porte sur des réalités naturelles ou sur des produits de l'art.. Quand on se demande si la beauté est dans le regard que l'on porte sur les choses, on affirme deux thèses :
1) que la beauté est dépendante en premier lieu, sinon exclusivement du regard qui la perçoit,
2) qu'il faut rechercher une définition de la beauté non pas dans les choses belles (comme un point commun entre elles) mais dans sa manifestation (comme un mode d'apparition).
Ces deux thèses ont une portée différente selon la signification des termes, en particulier pour le regard :
1) Le regard peut désigner aussi bien l'acte de regarder que la manière dont on regarde.
2) Le regard peut être sentiment (réceptivité et réaction à un objet) ou jugement (sur la nature et la valeur de l'objet).
3) Le regard peut être connaissance (d'une règle ou d'un concept qui rend compte de l'objet particulier) ou reconnaissance (de soi dans l'objet).
À cela s'ajoute le problème de l'extension que l'on donne :
1) au sujet du regard (« on «) : tout le monde, l'artiste, le critique, le public ;
2) à l'objet du regard (« les choses «) : les œuvres d'art, les choses naturelles, les idéalités, les actes ou encore des situations de la vie courante.
«
porte ce regard.
Assumer la subjectivité de l'expérience esthétique par l'activité qui la sous-tend3.
1) Les critiques de Hegel trouvent un écho significatif dans la remise en question au XXème siècle de l'idée d'une éducation à l'art, corollaire de la démocratisation de l'accès à l'art, comme le montre le texte de 1951de Jean Dubuffet ( Positions anticulturelles ) : « Le discernement de la beauté nécessiterait un sens spécial, dont beaucoup ne seraient pas dotés.
On croit aussi possible de développer ce sens, par le moyend'exercices, et même de le faire naître chez des gens qui en sont privés ».
Cette nouvelle critique implique dedonner un sens fort à l'idée que la beauté, si elle existe, ne peut résider que dans le regard que l'on porte surles choses.
La conséquence qu'en tire Dubuffet est que l'on peut abandonner l'idée de beauté, mais parceque « n'importe quel objet du monde est apte à constituer pour quiconque une base de fascination etd'illumination ». 2) On peut dire que si le concept de beauté conserve une validité, ce n'est que par la reconnaissance du fait qu'elle n'est rien d'autre qu'un certain regard porté sur des choses non déterminées à l'avance.
Si labeauté réside dans le regard c'est avant tout dans la manière dont l'artiste regarde d'une manière neuve lamême réalité que celle de notre quotidien : « C'est donc bien une vision plus directe de la réalité que noustrouvons dans les différents arts ; et c'est parce que l'artiste songe moins à utiliser sa perception qu'ilperçoit un plus grand nombre de chose », Bergson, La pensée et le mouvant .
L'idée est que le regard de l'artiste ne saisit plus les choses comme des outils, des moyens d'action, mais qu'il regarde les choses pourelles-mêmes. 3) Cette idée n'est cependant pas univoque, elle peut prendre trois significations distinctes : 1.
La distinction entre beauté libre et beauté adhérente (Kant, Critique de la faculté de juger ) : l'artiste vise une beauté détachée le plus possible de toute utilité pratique. 2.
L'art idéalise le réel (Hegel, Esthétique ) : l'art rend durable et signifiant ce qui a originairement vocation à échapper à notre attention. 3.
Le regard de l'artiste met en relief la contingence des choses (elles ne sont jamais justifiées par elles- mêmes mais toujours pour un usage et une fonction extrinsèques), et il se propose de renverser cettecontingence en une nécessité dont l'homme pourrait se reconnaître comme auteur : Sartre, Qu'est-ce que la littérature ? : « à notre certitude intérieure d'être dévoilants s'adjoint celle d'être inessentiels par rapport à la chose dévoilé.
Un des principaux motifs de la création artistique est certainement le besoinde nous sentir essentiels par rapport au monde ». Conclusion Quelle que soit la signification donnée au regard artistique sur les choses comme constitutif de labeauté, il n'en reste pas moins que sentiment et jugement sont dépassés dans une activité de reconnaissance :dans la beauté, c'est le sujet qui se reconnaît, que ce soit comme être libre, comme esprit, ou comme existencecontingente.
Cette expérience de reconnaissance est mobilisée au plus haut degré dans les œuvres d'art mais ellepeut s'appuyer sur toutes les réalités, non pas selon leur constitution interne, mais selon leur mode d'apparaitre.
Cette expérience de la beauté n'est donc pas la produit d'un calme équilibre des proportions dans unechose où la forme se réconcilie avec elle-même, c'est plutôt un élan qui porte le sujet à se réconcilier avec lui-même à travers le libre jeu de ces facultés.
Mais on peut aussi dire que cet élan de la beauté fait toujours déjàsigne vers la béance du sublime : dire que la beauté réside dans le regard que l'on porte sur les choses ne signifiepas que l'on transpose le calme des choses mesurées de l'extériorité vers l'intériorité..
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