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La beauté est-elle dans le regard ou dans la chose regardée ?

Publié le 03/01/2004

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Soit, en face de moi, un objet qui me procure une jouissance esthétique. Je dirai par exemple: "cette fleur est belle" ou "ce tableau est beau". Ce jugement, par lequel j'attribue la beauté à un objet, est moins clair qu'il n'y paraît. Dois-je penser que la beauté est une propriété intrinsèque à cette fleur regardée ? La beauté est-elle dans la chose Mais alors, comment expliquer que cette fleur (ou ce tableau) peut très bien ne pas plaire à un autre que moi ? La beauté n'aurait-elle qu'une existence pour moi, se réduirait-elle à ce que je sens en face de la fleur ? La beauté juillerait du regard que je pose sur la chose ? Peut-être, mais cependant, je ne dis pas: "cette fleur m'est agréable", mais bien: "cette fleur est belle".  Ces contradiction révèlent que nous ne savons pas si le jugement: "Ceci est beau" a ou non une valeur objective. Pour le savoir, il faudra analyser le sentiment du beau et se demander s'il autorise à accorder au jugement esthétique une valeur objective.

  • I) La beauté est dans le regard du spectateur.

a) Le goût est subjectif. b) Le regard comme le goût se cultive. c) Une scène banale de la vie quotidienne devient belle grâce à l'oeil de l'artiste.

  • II) La beauté est dans la chose regardée.

a) On peut définir objectiement la beauté. b) Le beauté n'est pas l'agréable (Kant). c) La beauté est indéniable.

.../...

« Dans les faits, le jugement esthétique est frappé au contraire d'une grande relativité : ce qui est beau pour moipeut laisser mon voisin parfaitement insensible ; il y a en matière de goût des différences de cultures, d'époques ;moi-même, je peux très bien cesser de trouver belles des choses qui m'ont autrefois plues.

Comment la beautépourrait-elle se trouver dans l'objet et être si difficilement reconnue ?Certes, lorsque je cherche à faire partager l'expérience de la beauté, j'argumente (comme si j'espérais convaincreautrui d'une vérité).

Mais je suis bien incapable de trouver des raisons démontrant de façon irréfutable que tel objetest beau; le beau ne s'impose pas comme le vrai par des démonstrations.

La critique d'art, par exemple, n'est jamaisparvenue à faire trouver belle une oeuvre à ceux qui ne la goûtaient pas.Kant explique d'où vient cette impossibilité d'assimiler le beau au vrai quant à l'objectivité.

C'est que le jugement : «C'est beau » est toujours singulier; il ne concerne jamais que cet objet, que je perçois ici et maintenant, ou que jepourrais percevoir.

Lorsque je dis la beauté sous la forme de l'universalité :'« Les roses sont belles », je ne faisqu'étendre logiquement un jugement singulier.Il y a là une différence capitale avec le jugement scientifique, qui est toujours général.

Dans la fleur, le savants'intéresse aux caractéristiques générales, propres à l'espèce qu'il étudie, non à l'objet singulier.

C'est Aristote quidisait : « Il n'y a de science que du général.

» Dans les sciences, cette généralité se trouve dans les concepts, maisle jugement esthétique ne se situe pas au niveau du concept.

C'est pourquoi Kant définit le beau : « ce qui plaîtuniversellement sans concept ».Il paraît donc impossible d'attribuer au jugement esthétique une quelconque valeur objective.N'y a-t-il pas cependant des cas où l'accord unanime ne fait aucune difficulté ? Ne sommes-nous pas en possessionde critères qui définissent un bel homme, une belle femme, un « beau bébé b, ou encore une belle action? Personnene qualifierait de « beau » un bossu (plus exactement, personne ne dirait d'un bossu que c'est un bel homme) ;personne n'appellerait belle l'action criminelle.Certes, dans tous ces cas, la beauté semble bien être une qualité inhérente à l'objet lui-même.

Mais sous le nom debeauté, il s'agit en fait d'autre chose, qui n'a que peu à voir avec le sentiment esthétique.

Qu'est-ce qu'un belhomme? C'est l'homme réel qui se rapproche de l'idéal de l'homme.

Ce que nous appelons beauté n'est autre, dansce cas, que la perfection.

Pour l'homme, pour la femme, mais aussi pour le cheval ou le berger allemand, il y a ceque Kant appelle une « idée normale », une sorte de « moyenne idéale » qui définit la perfection ; nous appellerons« beau » l'objet qui s'approche (sans nécessairement l'atteindre) de cette norme.

Mais cette beauté est relative,subordonnée au concept d'un objet (l'homme, le cheval, etc.).

Un « beau berger allemand » me paraîtra très laid siles chiens en général me déplaisent.

On ne peut donc pas parler ici de beau « en soi », de beauté libre de touteattache. Quant à la belle action, c'est l'action morale, qu'on devrait plutôt appeler bonne.

Elle n'est à la source d'aucuneémotion esthétique, mais plutôt d'un sentiment de respect, qui n'est pas nécessairement agréable.Les seuls cas où nous pouvons attribuer à la beauté une réalité objective sont donc ceux où le mot de beauté estutilisé pour désigner autre chose, par exemple la perfection.

Mais si le jugement esthétique n'a pas de portéeobjective, d'où vient que nous voulons à tout prix lui conférer une valeur universelle (comme nous le faisons pour lejugement scientifique qui, lui, est objectif) ? Quelle est la racine de cette illusion qui nous fait voir la beauté dans lachose même? Rien d'autre, répond Kant, qu'une communauté de facultés avec les autres hommes.

Il existe (il le fautbien, sans quoi l'expérience du beau serait incompréhensible) un « sens esthétique commun » à tous les hommes.

Sije désire faire partager à l'autre ma jouissance esthétique, ce n'est pas parce que je le suppose capable dereconnaître dans l'objet une beauté objective (qui ne s'y trouve pas) ; c'est parce que je sais que ses facultéssensibles et intellectuelles - identiques aux miennes dans leur essence - lui permettront de réagir identiquement à laperception d'un objet donné.. »

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