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La balance de Zeus

Publié le 19/03/2015

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La balance de Zeus

Tel un homme rêvant qu'il fait de vains efforts pour saisir un fuyard qui, vainement aussi, s'efforce d'échapper à la folle poursuite : Achille ainsi ne peut joindre Hector à la course, et le Troyen non plus ne peut se dérober.

Comment Hector eût-il évité le trépas, si Phoebos, cette fois encore — la dernière —ne s'était approché pour stimuler sa fougue et ses genoux rapides ? Cependant le divin Achille aux Achéens fait un signe de tête, pour les dissuader de lancer sur Hector leurs cruels javelots : il craint que de l'atteindre un autre n'ait la gloire et ne lui laisse, à lui, qu'un rôle de comparse.

La quatrième fois qu'ils passent dans leur course à côté des fontaines, Zeus, le père des dieux, fait pendre les plateaux de sa balance d'or : de l'horrible trépas il y met deux génies, ceux d'Achille et d'Hector aux chevaux bien domptés. Il prend par le milieu la balance, la lève, et c'est le jour fatal d'Hector qui soudain penche et des­cend vers l'Hadès.

Lors Phoebos abandonne Hector à son destin...

 

Homère, Iliade, XXII, trad. R. Flacelière, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade.

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« La balance de ZRus 69 désir de vivre intact, mais que le sens déserte.

L'affrontement des hommes est lancé, selon sa mécanique propre, comme réglé de l'intérieur.

Les trois Parques, étranges déesses transdivines, avaient tissé les vies et l'histoire qui les mêle.

Elles-mêmes filles de la déesse Nécessité furent engendrées de la nuit.

Clotho tient le fuseau d'où se dévide le fil de la vie.

Lachésis, celle qui mesure le fil, ajuste chaque destinée à ce qui est prévu pour elle.

Atropos, celle à qui nul ne peut échapper, tient les ciseaux fatidiques, et coupe le fil quand le moment est venu.

En attendant, la vie se déroule et s'accomplit, instant après instant.

Les dieux doivent-ils -peuvent-ils ? - intervenir encore, pour produire un effet non prévu ? vont-ils réécrire l'histoire à venir ? Cela ne se peut.

Le travail des Parques est irrévocable, et les Dieux eux-mêmes ne peuvent faire appel : l'ordre du monde et des êtres qui y nouent leurs vies et leurs morts a sa logique.

Le destin ne permet pas à ses ouvrières de se dédire, ni au dieu d'invalider le roman du monde.

Hector triomphant d'Achille, ou lui échappant, dérangerait à l'évidence le scé­ nario, dont la mort prochaine d'Achille lui-même sera l'épi­ sode suivant.

Le lecteur au spectacle prend spontanément Hector en sym­ pathie : c'est que la mort s'apprête autour de lui, et que les moments présents sont lourds déjà de sa souffrance finale.

On ira donc vérifier, auprès de Zeus, ce qu'il en est.

La balance est prête, dont les deux plateaux forment l'alternative drama­ tique.

Ce n'est pas à Zeus de décider, selon son bon vouloir.

Il consulte la balance, et cette pesée attentive dit bien ce qui échappe au père des dieux lui-même.

Qui pèsera plus lourd ? Qui rejoindra la terre alors béante pour s'y engloutir, passant dans le séjour de l'ombre? Zeus n'apprend rien lorsque le fléau s'incline vers la mort d'Hector.

L'évidence propre du symbole ne fait que rappeler comment l'entrelacs des vies règle le devenir.

La flèche de la balance, droite par l'équilibre qui fixe l'équinoxe, s'est inclinée.

La pesée des actes est pesée des vies, et pesée c!es âmes des morts, comme le faisait Osiris, divine justice en Egypte ancienne.

La balance païenne sera reprise par les trois religions du Livre, mais aussi sur les fron­ tons de la République.

Le temps ne nous appartient pas, qui coule de nos actions combinées.

Il trace son sillage dans la fragilité de nos corps, et par elle.

Destin.

La mort d'Hector devait suivre celle de. »

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