Kuhn la révolution scientifique
Publié le 15/08/2014
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Cet ouvrage n’est paru pour la première fois (nous avons étudié la seconde et dernière édition) qu’à
la fin de l’année 1962, mais l’auteur avait déjà, quinze ans auparavant, le conviction qu’un livre de
ce type (concernant l’Histoire et le développement des sciences) devait être écrit : il était alors
étudiant en doctorat et rédigeait sa thèse de physique.
Peu de temps après, il quittait les sciences
pour leur histoire en recevant une bourse de la Society of Fellows de l’université de Harvard.
Pendant plusieurs années, les résultats de ses recherches furent publiés sous la forme d’articles
historiques, le plus souvent narratifs, concernant l’émergence d’une nouvelle théorie ou découverte.
L’idée lui vint en 1947, quand on lui demanda d’interrompre pour un temps son programme de
physique en cours pour préparer un ensemble de conférences sur les origines de la mécanique du
XVIIème siècle.
Pour cela, il dut d’abord se familiariser avec ce que savaient sur le sujet les
prédécesseurs de Galilée et de Newton, et ces études préliminaires le menèrent rapidement à la
Physique d’Aristote, où est discuté le mouvement, et aux travaux antérieurs qui en ont dérivé.
Comme la plupart des historiens des sciences l’avaient fait avant lui, il entrait dans ces textes en
connaissant la mécanique et la physique newtonienne.
Tout comme eux, il se posait à la lecture de
ces textes les questions suivantes : que connaissait de la mécanique la tradition aristotélicienne ?
Que restait-il à en découvrir pour les savants du XVIIème siècle ? Posées dans le vocabulaire
newtonien, ces questions demandent du coup une réponse dans le même langage.
Et cette réponse
est tout à fait claire : même au niveau apparemment descriptif, les aristotéliciens ne connaissaient
rien à la mécanique.
Cette tradition ne pouvait donc pas fournir un fondement pour le travail de
Galilée et de ses contemporains.
Ceux-ci la rejetèrent donc par nécessité et recommencèrent au
début l’étude de la mécanique.
Ce type de généralisation, très répandu, ne manquait pas de
surprendre l’auteur.
En effet, Aristote a été un observateur précis de la nature.
Dans les domaines
tels que la biologie ou la politique, ses interprétations des phénomènes ont, de plus, souvent été
profondes et pénétrantes.
Kuhn en vint donc à se demander comment il se faisait que les talents qui
le caractérisaient lui aient failli lorsqu’il se penchait sur le mouvement.
Comment a-t-il pu dire tant
de choses qui apparaissent aujourd’hui comme des absurdités ? Et plus encore, pourquoi ses vues
furent-elles prises au sérieux si longtemps par tant et tant de successeurs ?
En essayant de répondre à ces questions, l’auteur fit la découverte d’une nouvelle manière de lire un
ensemble de textes, notamment en se replaçant dans le contexte historique et les connaissances
scientifiques acquises de l’époque.
Appliquant cette méthode, les textes d’Aristote ne lui parurent
plus aussi absurdes.
Il ne s’agissait notamment pas de grossières erreurs de la part d’un être réputé
intelligent, mais simplement de la généralisation d’un cas particulier : la théorie aristotélicienne
n’était pas fausse, mais une généralisation trop importante d’un cas particulier.
Pourtant la
conception aristotélicienne a dominé durant une longue période les recherches scientifiques, avant
d’être remplacée (car il ne s’agissait pas d’une modification), par la théorie newtonienne.
Kuhn mit
à profit les leçons que lui avait enseignées la lecture d’Aristote pour étudier d’autres auteurs comme
Boyle et Newton, Lavoisier et Dalton, ou Boltzmann et Planck.
Afin de mieux comprendre la domination d’une conception et l’émergence de nouvelles théories qui
viennent la remplacer, Kuhn s’est également intéressé aux disciplines telles que la psychologie,
notamment gestaltiste, le langage, la philosophie, la sociologie et bien évidemment l’histoire des
sciences.
A partir de ces études, il en arrive à la conclusion que le développement scientifique dépend en
partie d’un processus de changement qui n’est pas une simple croissance, mais une révolution.
Il y a
de grandes révolutions comme celles qui sont associées aux noms de Copernic, de Newton ou de
Darwin, mais la plupart sont beaucoup plus petites, comme la découverte de l’oxygène ou celle de
la planète Uranus.
Ce qui prélude ordinairement ce changement, d’après l’auteur, c’est la prise de
conscience d’une anomalie, d’un événement ou d’un ensemble d’événements qui n’entrent pas dans
les cadres existants pour l’ordonnancement des phénomènes.
Le changement qui en résulte est donc
de "se coiffer d’un type différent de chapeau pensant", un chapeau qui fait entrer l’anomalie dans la
loi, mais qui, du même coup, transforme aussi l’ordre que présentent d’autres phénomènes, ordre
autrefois sans problèmes.
C’est donc ainsi que la conception de la nature du changement
révolutionnaire de l’auteur a émergé..
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