KIERKEGAARD: Le sérieux comprend que si la mort est une nuit, la vie est le jour
Publié le 13/11/2011
Extrait du document
«Le sérieux comprend que si la mort est une nuit, la vie est le jour, que si l'on ne peut travailler la nuit, on peut agir le jour, et comme le mot bref de la mort, l'appel concis, mais stimulant de la vie, c'est : aujourd'hui mdme. Car la mort envisagée dans le sérieux est une source d'énergie comme nulle autre ; elle rend vigilant comme rien d'autre. La mort incite l'homme charnel à dire : «Mangeons et buvons, car demain, nous mourrons'.« Mais c'est là le lâche désir de vivre de la sensualité, ce méprisable ordre de choses où l'on vit pour manger et boire, et où l'on ne mange ni ne boit pour vivre. L'idée de la mort amène peut être l'esprit plus profond à un sentiment d'impuissance où il succombe sans aucun ressort ; mais à l'homme animé de sérieux, la pensée de la mort donne l'exacte vitesse à observer dans la vie, et elle lui indique le but où diriger sa course. Et nul arc ne saurait être tendu ni communiquer à la flèche sa vitesse comme la pensée de la mort stimule le vivant dont le sérieux tend l'énergie. Alors le sérieux s'empare de l'actuel aujourd'hui même ; il ne dédaigne aucune tâche comme insignifiante ; il n'écarte aucun moment comme trop court.«
KIERKEGAARD.
A. Le thème :
Il s'agit dans ce texte d'une réflexion sur la mort et sur l'existence considérée à partir de l'idée de la mort.
B. Question implicite à laquelle le texte répond :
Quelles sont les attitudes possibles de l'homme face à l'idée de la mort, en quoi une réflexion sur la mort entraîne-t-elle une réflexion sur la vie et détermine-t-elle une façon de vivre?
«
C.
Réponse à la question :
a) Idée générale :
Par opposition aux autres, l'homme sérieux qui pense à la
mort prend conscience de ce qu'est la vie, de sa mesure
exacte et l'idée de la mort devient une source d'énergie
vitale.
b) Structure logique du texte :
«L'homme charnel» n'a qu'un «lâche désir de vivre de la sensualité».
L'homme plus profond mais pessimiste· est aliéné par l'idée
de la
mort car elle lui donne le sentiment de son impuis sance.
L'homme sérieux est stimulé par l'idée de la
mort, elle le
fait vivre intensément et, comprenant la mort, il comprend d'autant mieux la vie.
Analyse du texte
A.
Explication commentée :
a) «La mort incite l'homme charnel...
car demain · nous mourrons.» L'homme charnel est celui dont l'esprit est
entièrement au service de
ses désirs, de ses passions, qui
recherche par-dessus
tout la satisfaction immédiate.
Sa vie n'a d'autres sens que celui de «vivre de la sensualité».
C'est une vie simplement biologique où seule compte la
satisfaction des besoins ; la seule valeur de la
vie est
d'accomplir les fonctions vitales ; elle n'a pas de sens en
elle-même.
L'objet du désir n'est pas vraiment la vie mais
la jouissance qu'elle procure :
«ce méprisable ordre de
choses où l'on vit pour manger et boire, et où l'on ne mange
ni ne boit pour vivre», L'homme est relégué au rang de la
bête.
Pour la conscience de l'homme charnel, la' perspective
de la
mort, terme de la vie individuelle, est désagréable en
soi, il s'agit donc de l'oublier, de se divertir, de la considérer
avec frivolité, en ne voyant comme seul intérêt à la vie
que de la maintenir dans le présent par la satisfaction des
besoins biologiques, satisfaction qui procure un plaisir
à renouveler à chaque instant et qui devient une fin en soi.
92.
»
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