Karl MARX: Le Capital, livre III
Publié le 22/04/2010
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« En fait, le royaume de la liberté commence seulement là où l'on cesse de travailler par nécessité et opportunité imposée de l'extérieur ; il se situe donc, par nature, au-delà de la sphère de production matérielle proprement dite. De même que l'homme primitif doit lutter contre la nature pour pourvoir à ses besoins, se maintenir en vie et se reproduire, l'homme civilisé est forcé, lui aussi, de le faire et de le faire quels que soient la structure de la société et le mode de la production. Avec son développement s'étend également le domaine de la nécessité naturelle, parce que les besoins augmentent ; mais en même temps s'élargissent les forces productives pour les satisfaire. En ce domaine, la seule liberté possible est que l'homme social, les producteurs associés règlent traditionnellement leurs échanges avec la nature, qu'ils la contrôlent ensemble au lieu d'être dominés par sa puissance aveugle et qu'ils accomplissent ces échanges en dépensant le minimum de force et dans les conditions les plus dignes, les plus conformes à leur nature humaine. Mais cette activité constituera toujours le royaume de la nécessité. C'est au-delà que commence le développement des forces humaines comme fin en soi, le véritable royaume de la liberté qui ne peut s'épanouir qu'en se fondant sur l'autre royaume, sur l'autre base, celle de la nécessité. «
Marx nous montre dans son texte que le travail est aliénation, contraire à la liberté, quels que soient les modes de production. La seule liberté est de pouvoir effectuer un travail libérateur, mais néanmoins la véritable liberté est activité qui prend en compte comme fin les forces humaines. Nous analyserons d'abord en quoi le travail est aliénation, contraire à la liberté. La deuxième partie montrera que l'homme doit retrouver un mode d'échange plus proche de l'essence du travail et de la nature humaine. Marx nous dit que la liberté ne peut être que là où il n'y a pas l'obligation du travail. En quel sens l'obligation de travailler est-elle une contrainte ?
«
Hegel définit le travail comme production de l'homme par lui-même.
C'est la dialectique du maître et de l'esclave quimontre l'essence libératrice du travail.
En effet, ce que désire un être humain c'est d'être reconnu comme hommepar un autre homme.
La réalité humaine est donc sociale car les hommes sont obligés d'avoir des rapports avecd'autres hommes.
Dans cette rencontre s'engage une lutte à mort pour la reconnaissance, mais il ne peut y avoir demort car la reconnaissance serait alors impossible.
Dès lors l'un va être réduit en esclavage par l'autre.
Celui qui n'apas peur de la mort est vainqueur et devient le maître, l'autre devient son esclave et travaille pour lui.
Mais cettesituation d'asservissement va se renverser.
Par son travail, l'esclave s'affranchit, il crée, il produit, il humanise lanature, « le travail forme » et surtout il change sa propre nature, il s'humanise.
Il extériorise sa conscience, ilmarque les choses extérieures du sceau de son intériorité.
Le travail est donc instrument de libération.
Le travailsignifie donc une double libération.
L'esclave se libère de la nature et du maître.
Ainsi l'essence du travail est liberté.Mais cette dialectique nous apprend que le travail est une relation d'homme à homme, c'est donc une activitésociale.
Le sens du travail peut-il toujours être libérateur si nous le pensons dans sa dimension sociale ?Le travail n'est pas libérateur dans sa dimension sociale c'est ce que nous a indiqué Marx dès le premier mouvementdu texte, il ne s'agit pas non plus de retrouver une essence du travail, il s'agit de transformer le rapport au monde.Comment se délivrer de la contrainte du travail ? Faut-il ne pas travailler ?Le travail est considéré comme une activité contraignante par ses horaires, ses obligations hiérarchiques.
Ilsemblerait que l'homme ne travaille que pour subvenir à ses besoins et supporte les contraintes parce qu'il retire del'argent de son travail.
Le taux du salaire ou du profit compensant les obligations.
Mais le sentiment de la contraintene nous délivre pas la nature de cette contrainte.
De plus si le travail représente un effort pour l'homme, effortparfois pénible, on peut vouloir rechercher un tel travail si on en perçoit la finalité.Par conséquent il faut rechercher le sens du travail pour l'homme au-delà des événements, des impressions et desexpériences des uns et des autres.
En effet, la difficulté, la souffrance ou le plaisir de telle ou telle activité peuventvarier d'un individu à l'autre.
Le travail est une activité en vue de produire quelque chose ; cette production peutêtre celle d'objets, de denrées alimentaires, de services, mais elle peut être aussi intellectuelle.
Aucune société nepeut se passer du travail.
Ainsi le travail représente pour l'homme une participation active au bien-être de lacommunauté.
De plus le travail est un facteur de socialisation et donc de réduction de la violence.
Il est doncfacteur de paix pour l'homme.
Le travail crée, produit, socialise, pacifie.
Le travail semble représenter une activitéplus ou moins contraignante, mais nécessaire et valorisée.
Le travail n'est donc pas particulièrement libérateur ; onpeut se demander si l'homme n'est pas dans l'erreur lorsqu'il fait du travail une valeur, et de la peine de l'effort unevertu.
Ainsi Nietzsche considère le travail comme ce qui détourne l'homme de la véritable humanité, il compare lanécessité du mouvement chez l'animal et l'affairement des hommes.
L'animal suit des instincts, répond à desexigences biologiques.
L'homme en vient à oublier sa destination véritable et sa vie devient un tourbillon occupé à laseule survie, faisant de sa vie un esclavage.
Le travail ainsi entendu est aliénation à une animalité.
L'homme resteprisonnier d'un mouvement incessant et la peur de l'ennui le conduit à s'affairer sans discontinuer.
C'est ainsi queNietzsche montre (§ 42 du Gai Savoir) que travail et ennui vont de pair.
L'homme, dans cet affairement incessant,réclame un repos qui ne signifie plus qu'arrêt du travail et non la possibilité d'oeuvrer à sa véritable nature.
Dans cetaffairement l'homme s'oublie lui-même, il oublie sa véritable humanité qui est spirituelle.
Toute la vie de l'hommeporte la marque de cet affairement.
Ainsi l'amour, le mariage, toute la vie d'un homme se transforme en affaire, pouréchapper à l'ennui : « il faut même qu'ils s'ennuient beaucoup pour que leur travail réussisse » (Nietzsche).
Cetteanalyse nous montre que le travail peut se dire sur le mode de la contrainte, sur le mode de la nécessité sociale, surle mode de l'ennui.
On peut à la fois remettre en cause sa nécessité et être obligé de reconnaître qu'aucune sociéténe peut se passer du travail.
Excepté, nous dit Marx, si nous parvenons à échapper au royaume de la nécessité,pour réaliser les fins proprement humaines.Il faut combattre toutes les formes dévoyées du travail, où la dimension humaine est oubliée au profit de la volontétyrannique d'un seul ou d'un groupe d'intérêts économiques et/ou politiques.
Si l'homme se met au service del'enrichissement d'un seul, si le but de son travail est uniquement l'accroissement du capital, alors la significationprofonde du travail comme accès à une plus grande humanité est obsolète.
C'est à ce prix que le travail peut ne pasêtre qu'une contrainte.
D'une certaine manière les contraintes disparaîtront si entre l'essence du travail et lesconditions sociales du travail il y a le moins d'écart possible.
De plus nous voudrions croire au royaume proposé parMarx..
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