Karl Heinrich MARX & l'histoire des luttes de classes
Publié le 05/01/2010
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A l'occasion de l'édition de 1883 du Manifeste du parti communiste, Friedrich Engels souligne, pour en attribuer d'ailleurs la paternité à Marx, ce qui avait été l'idée maîtresse de cet ouvrage. Puisque « la production économique et la structure sociale qui en résulte nécessairement forment, à chaque époque, la base de l'histoire politique et intellectuelle de l'époque «, le Manifeste affirme que « toute l'histoire a été une histoire de luttes de classes «. Mais la démonstration à laquelle se livre Marx ne s'arrête pas là : rendant intelligible le passé de l'humanité, elle en annonce également l'inéluctable avenir.
«
refuge, la conception de l'histoire ; une conception matérialiste de l'histoire était donnée et la voie était trouvéepour expliquer la conscience des hommes en partant de leur être, au lieu d'expliquer leur être en partant de leurconscience, comme on l'avait fait jusqu'alors.
»Se définissant ainsi comme matérialiste, la conception de Marx et Engels permet donc de jeter un regard rétrospectifsur l'histoire de l'humanité dans son ensemble et d'en découvrir la logique véritable.
Il devient possible d'en dégagerles différentes étapes ainsi que Marx et Engels s'y étaient d'ailleurs essayés dès L'Idéologie allemande.Dans le Manifeste du parti communiste, ceux-ci ne se penchent guère, cependant, sur le passé lointain.
Ils secontentent de l'évoquer rapidement avant de se consacrer à la lutte des classes telle qu'elle se déroule dans lasociété bourgeoise :« Dans les première étapes historiques, nous constatons presque partout une organisation complète de la société enclasses distinctes, une échelle graduée de conditions sociales.
Dans la Rome antique, nous trouvons des patriciens,des chevaliers, des plébéiens, des esclaves ; au Moyen Age, des seigneurs, des vassaux, des maîtresde corporation, des compagnons, des serfs, et, de plus, dans chacune de ces classes, une hiérarchie particulière.La société bourgeoise moderne, élevée sur les ruines de la société féodale, n'a pas aboli les antagonismes declasses.
Elle n'a fait que substituer de nouvelles classes, de nouvelles conditions d'oppression, de nouvelles formesde lutte à celles d'autrefois.Cependant, le caractère distinctif de notre époque, de l'époque de la bourgeoisie, est d'avoir simplifié lesantagonismes de classes.
La société se divise de plus en plus en deux vastes camps ennemis, en deux grandesclasses diamétralement opposées : la bourgeoisie et le prolétariat.
»La totalité de la première partie du Manifeste est consacrée à la lutte de ces deux grandes classes rivales : labourgeoisie et le prolétariat.Marx et Engels retracent l'histoire de ce que fut l'ascension de la bourgeoisie : celle-ci se développa grâce aucommerce et à l'industrie.
Ils n'hésitent pas à reconnaître le « rôle éminemment révolutionnaire » qu'elle joua dansl'histoire, mettant à bas la société féodale :« Tous les liens complexes et variés qui unissent l'homme féodal à ses supérieurs naturels, elle les a brisés sans pitiépour ne laisser subsister d'autre lien, entre l'homme et l'homme, que le froid intérêt, les dures exigences du"paiement au comptant ".
Elle a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, dela sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste.
Elle a fait de la dignité personnelle unesimple valeur d'échange ; elle a substitué aux nombreuses libertés si chèrement conquises, l'unique et impitoyableliberté du commerce.
En un mot,à la place de l'exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a mis une exploitation ouverte,éhontée, directe, brutale.
»Mais, poursuivent Marx et Engels, le rapport de force historique ne joue plus, désormais, en la faveur d'unebourgeoisie ressemblant au « magicien qui ne sait plus dominer les puissances infernales qu'il a évoquées ».Du fait du développement des forces productives, la bourgeoisie a grandi au sein d'un système féodal qu'elle a finipar renverser.
Aujourd'hui, affirment Marx et Engels, un processus analogue est en cours.
Une nouvelle étape estfranchie : le développement économique que la bourgeoisie a favorisé devient pour elle une menace car « lesystème bourgeois est devenu trop étroit pour contenir les richesses créées dans son sein ».
Du coup se dresse aucoeur même de la société une nouvelle classe qui va abattre le monde bourgeois tout comme la bourgeoisie a abattule monde féodal : cette classe, c'est le prolétariat.
Misérable, privé de tout, il n'a rien à perdre à se jeter tout entierdans le combat contre la classe possédante pour mettre fin au système de l'exploitation capitaliste.
En renversant labourgeoisie, le prolétariat réalisera la révolution ultime, la première à n'être pas faite pour le compte d'une minoritéoppressive mais pour celle de la majorité tout entière :« Tous les mouvements historiques ont été, jusqu'ici, accomplis par des minorités ou au profit des minorités.
Lemouvement prolétarien est le mouvement spontané de l'immense majorité au profit de l'immense majorité.
Leprolétariat, couche inférieure de la société actuelle, ne peut se soulever, se redresser, sans faire sauter toute lasuperstructure des couches qui constituent la société actuelle.
»La théorie de la lutte des classes telle qu'elle est exposée par Marx et Engels a été l'objet de toute une série decritiques.
Celles-ci s'expliquent par le fait que le schéma marxiste, s'il est incontestablement puissant et séduisant,apparaît très souvent réducteur et inapproprié lorsqu'on cherche à l'appliquer à des situations historiques autres quela société bourgeoise de la seconde moitié du XIXe siècle.Les historiens soulignent notamment le fait que l'idée de lutte des classes aide peu à l'intelligence de l'histoireancienne.
Marx en était d'ailleurs sans doute conscient car, s'il a affirmé avec force l'universalité de la lutte desclasses, il n'en a pas moins reconnu dans le Manifeste que c'est seulement à l'intérieur de la société bourgeoise quecelle-ci se manifeste dans toute son amplitude et dans toute son importance.Mais le problème le plus important concerne moins, en ce domaine, l'étude du passé que celle du présent.
L'évolutiondu monde contemporain a été telle qu'il est très difficile d'identifier .dans la société d'aujourd'hui une classe quiréponde à la définition que Marx propose du prolétariat : on a assisté davantage à un embourgeoisement de laclasse ouvrière qu'à une paupérisation de celle-ci.
Certes, les inégalités subsistent et quelquefois se développent,les phénomènes d'exclusion se multiplient, mais l'ensemble paraît s'inscrire sur un horizon qui est celui del'atténuation des conflits, de l'évanouissement des antagonismes.Doté de ressources que Marx ne lui soupçonnait pas, le système s'est révélé capable de désarmer ses adversairesen leur donnant l'illusion de les intégrer en son sein.
Ce qui ne signifie pas pour autant que la lutte des classes aitdisparu aujourd'hui : presque invisible car se donnant à lire sous un masque bien différent de celui sous lequel Marxet Engels avaient su la découvrir, rien n'interdit de penser qu'elle continue à constituer l'un des facteursdéterminants de l'histoire en cours..
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