Kant sur les philosophes
Publié le 26/01/2024
Extrait du document
«
PRÉSENTATION MÉTHODIQUE DE L’EXPLICATION DE TEXTE
De façon générale, nul ne peut se nommer philosophe s'il ne peut philosopher.
Mais on n'apprend à philosopher
que par l'exercice et par l'usage qu'on fait soi-même de sa propre raison.
Comment la philosophie se pourrait-elle,
même à proprement parler, apprendre? En philosophie, chaque penseur bâtit son oeuvre pour ainsi dire sur les
ruines d'une autre ; mais jamais aucune n'est parvenue à devenir inébranlable en toutes ses parties.
De là vient
qu'on ne peut apprendre à fond la philosophie, puisqu'elle n'existe pas encore.
Mais à supposer même qu'il en
existât une effectivement, nul de ceux qui l'apprendraient, ne pourraient se dire philosophe, car la connaissance
qu'il en aurait demeurerait subjectivement historique.
Il en va autrement en mathématiques.
Cette science peut,
dans une certaine mesure, être apprise ; car ici, les preuves sont tellement évidentes que chacun peut en être
convaincu ; et en outre, en raison de son évidence, elle peut être retenue comme une doctrine certaine et stable.
KANT.
Exemple de découpage du texte-travail de brouillon !
1) Position d’une thèse paradoxale : on ne peut apprendre la philosophie
« De façon générale, nul ne peut se nommer philosophe s'il ne peut philosopher.
Mais on n'apprend à philosopher que par l'exercice et
par l'usage qu'on fait soi-même de sa propre raison.
Comment la philosophie se pourrait-elle, même à proprement parler, apprendre? En
philosophie, chaque penseur bâtit son oeuvre pour ainsi dire sur les ruines d'une autre ; mais jamais aucune n'est parvenue à devenir
inébranlable en toutes ses parties.
De là vient qu'on ne peut apprendre à fond la philosophie, puisqu'elle n'existe pas encore.
Mais à
supposer même qu'il en existât une effectivement, nul de ceux qui l'apprendraient, ne pourraient se dire philosophe, car la connaissance
qu'il en aurait demeurerait subjectivement historique.
»
1a- Élément de définition : la philosophie n’existe que comme pratique de la raison.
« Mais on n'apprend à philosopher que par l'exercice et par l'usage qu'on fait soi-même de sa propre raison.»
1b- 1ère justification du paradoxe : on ne peut apprendre la philosophie car la philosophie n’existe pas.
« De là vient qu'on ne peut apprendre à fond la philosophie, puisqu'elle n'existe pas encore.
»
2) 2ème justification du paradoxe : Même si la philosophie existait, on ne pourrait pas l’apprendre.
« Mais à supposer même qu'il en existât une effectivement, nul de ceux qui l'apprendraient, ne pourraient se dire philosophe, car la
connaissance qu'il en aurait demeurerait subjectivement historique.
»
3) Différence avec les mathématiques.
« Il en va autrement en mathématiques.
Cette science peut, dans une certaine mesure, être apprise ; car ici, les preuves sont
tellement évidentes que chacun peut en être convaincu ; et en outre, en raison de son évidence, elle peut être retenue comme une doctrine
certaine et stable.
»
Expliquer un texte signifie rendre explicite ce qui n’est qu’implicite, Ainsi pour comprendre et faire comprendre
l’intérêt du texte étudié, il faut expliquer en quoi celui-ci invite à dépasser un préjugé.
C’est ce que l’on peut
appeler le « para-doxe » du texte, c’est-à-dire que tout texte s’oppose à une doxa (opinion).
D’où 3 formulations d’une même idée :
Tout texte est écrit CONTRE un préjugé
Tout texte est position d’un problème.
La thèse d’un texte est toujours l’antithèse d’une thèse autre implicite ou explicite.
Donc : Trouver ce à quoi le texte s’oppose.
Ex d’application : Dans le texte proposé la « phrase choc » est : « on ne peut apprendre à fond la philosophie,
puisqu'elle n'existe pas encore.
»
Comment repère-t-on cette phrase ?
On la repère par le côté surprenant de ce qu’elle dit, mais aussi pour des raisons formelles.
C’est à elle que mènent
toutes les considérations qui précèdent.
Elle est introduite comme leur conséquence, par la formule « de là ».
Et le
reste du texte en est un commentaire.
On ne comprendrait pas ce qui suit si cette phrase n’avait pas été énoncée.
En quoi cette phrase est-elle paradoxale ?
Elle présente deux paradoxes conjoints : d’une part que l’on ne peut pas apprendre la philosophie, ce qui sous la
plume d’un philosophe peut paraître surprenant.
Cela appelle des questions : Pourquoi ne peut-on pas l’apprendre ?
Quelle est donc la différence entre la philosophie et les autres disciplines ? À quoi bon écrire de la philosophie si
personne ne peut l’apprendre ? Kant n’est-il pas en contradiction avec lui même : si son texte est un texte de
« philosophie » que peut-il nous « apprendre » dans ces conditions ?
Or la réponse de Kant au premier paradoxe en est un second encore plus étonnant : la philosophie n’existe pas
encore.
D’où, là encore, d’autres questions ? En quoi n’existe-t-elle pas ? Cela signifie-t-il qu’elle ne peut pas
exister, ou bien qu’elle existera un jour ?
A quoi s’oppose cette thèse ?
Elle s’oppose à la fois au bon sens du lecteur : nous sommes surpris en lisant cela puisque nous croyions être en
train de lire de la philosophie et de chercher à apprendre quelque chose, et Kant nous dit que ce n’est pas le cas.
Elle s’oppose aussi à tous les philosophes qui ont cru pouvoir dire que leur philosophie était LA philosophie.
Par
exemple Descartes (ici mieux vaut choisir un auteur antérieur à Kant) qui, avec sa méthode et la vérité première du
« cogito » pensait avoir posé les bases solides d’une philosophie nouvelle et définitivement valable.
Cette attitude
s’appelle le dogmatisme.
Cela consiste à croire que l’on détient LA vérité et qu’il ne reste plus aux disciples qu’à
apprendre par cœur.
C’est faire de la philosophie une sorte de nouvelle religion.
D’où une autre question : le texte
de Kant est-il un texte sceptique ? On peut tout de suite indiquer que non, Kant n’est pas un philosophe sceptique.
Le travail d’analyse du texte va consister à essayer de comprendre comment est définie la philosophie pour n’être
ni dogmatique, ni sceptique.
Le texte du philosophe critique une certaine position dogmatique (une croyance religieuse par ex) : aussi, il donne
pendant un moment l’impression d’être sceptique.
Il vous faut ensuite montrer qu’il ne l’est pas, mais qu’il propose
une définition nouvelle de concepts anciens.
A de rares exceptions près, on peut donc dire que :
Un texte philosophique propose toujours une solution médiane entre dogmatisme et scepticisme
Analyse du texte.
Préalable
Il s’agit d’une explication linéaire.
Le travail d’analyse peut être très varié.
On peut toutefois déterminer
les cas les plus fréquents :
Expliquer le caractère paradoxal d’une thèse ou d’une de ses variantes.
Définir un concept utilisé « en passant »
Réciproquement nommer explicitement un concept dont l’auteur utilise la définition sans le
nommer.
Illustrer d’un exemple une thèse générale
Réciproquement déduire la thèse visée par l’auteur à partir de la situation concrète qu’il
décrit
(plus difficile) identifier un auteur ou une thèse philosophique implicitement mentionnée par
l’auteur.
Illustrer le propos de l’auteur par référence à un autre auteur
Expliciter un sous-entendu de l’auteur
Qualifier le ton du texte (ironique, indigné…)
Expliciter une connotation
Il est permis de faire part de ses difficultés à comprendre une expression en essayant
d’approfondir les raisons de cette difficulté.
Il y a ainsi toute une gamme, qui va des analyses les plus conceptuelles à des remarques d’ordre plus
« littéraire ».
Tout est permis à condition d’éviter les remarques gratuites qui tombent « comme un cheveu
sur la soupe.
»
Vous êtes l’avocat du texte.
Votre but est de montrer l’intérêt du texte et de justifier ses arguments,
pour bien les faire comprendre au lecteur.
Exemple d’analyse.
De façon générale, nul ne peut se nommer philosophe s'il ne peut philosopher.
Dans sa première phrase, Kant semble énoncer une tautologie, mais il nous donne un élément important de la
définition de ce qu’est « être philosophe » : cela ne consiste pas à « savoir de la philosophie » mais à
« philosopher.
» La philosophie n’est donc pas un savoir c’est d’abord une activité.
Mais on n'apprend à philosopher que par l'exercice et par l'usage qu'on fait soi-même de sa propre raison.
La seconde phrase précise le sens de cette activité : philosopher c’est faire usage de sa raison.
Cela s’oppose donc
au fait de suivre un dogme imposé par autrui (dogme religieux par ex) ou les raisonnements d’un autre.
Toute
« raison » n’est pas philosophique ; seule l’est celle que l’on pratique soi-même.
Cette pratique est double.
Kant
distingue « l’exercice » et « l’usage » : par le premier on forme sa raison, par le second on l’applique une fois
formée, à des objets de réflexion.
La raison n’est pas là en nous toute faite, comme s’il n’y avait qu’à l’utiliser : elle
doit être exercée comme on exerce le corps.
L’expression « sa propre raison » ne signifie pas « sa propre
opinion » : philosopher c’est chercher des vérités valables universellement pour tout homme.
Comment....
»
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