Kant, Métaphysique des moeurs : Doctrine de la vertu, introduction, IV, trad. A. Philonenko, Vrin, Paris, 1968, p. 56.
Publié le 23/03/2015
                            
                        
Extrait du document
                                « Quelles sont les fins qui sont en même temps des devoirs ?
Ces fins sont : ma perfection propre et le bonheur d'autrui. On ne peut inverser la relation de ces termes et faire du bonheur personnel d'une part, lié à la perfection d'autrui d'autre part, des fins qui seraient en elles-mêmes des devoirs pour la même personne.
Le bonheur personnel, en effet, est une fin propre à tous les hommes (en raison de l'inclination de leur nature), mais cette fin ne peut jamais être regardée comme un devoir, sans que l'on se contredise. Ce que chacun inévitablement veut déjà de soi-même ne peut appartenir au concept du devoir ; en effet le devoir est une contrainte en vue d'une fin qui n'est pas voulue de bon gré. C'est donc se contredire que de dire qu'on est obligé de réaliser de toutes ses forces son propre bonheur.
C'est également une contradiction que de me prescrire comme fin la perfection d'autrui et que de me tenir comme obligé de la réaliser. En effet la perfection d'un autre homme, en tant que personne, consiste en ce qu'il est capable de se proposer lui-même sa fin d'après son concept du devoir, et c'est donc une contradiction que d'exiger (que de me poser comme devoir) que je doive faire à l'égard d'autrui une chose que lui seul peut faire. «
Kant, Métaphysique des moeurs : Doctrine de la vertu, introduction, IV, trad. A. Philonenko, Vrin, Paris, 1968, p. 56.
                                «
                                                                                                                            Textes commentés 
Dans son souci  d'agir  moralement,  la raison  pratique  doit déterminer  la 
nature  des fins  qui,  en tant  que buts  de ses  actions,  peuvent  être considérées 
comme  des devoirs,  universellement  valables.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
On 	peut ainsi  être amené  à 
distinguer  les fins 	
subjectives, 	qui  reposent  sur des 	mobiles, 	et sont 
particulières,  et les  fins 	
objectives, 	qui  tiennent  à des 	motifî 	valables  pour 
tout  être raisonnable.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
Une 	fin objective  nous est imposée  par la simple 
raison.
                                                            
                                                                                
                                                                     Kant  distingue  ici deux  fins susceptibles  de constituer  des devoirs  : ma 	
perfection  propre 	et le 	bonheur  d'autrui.
                                                            
                                                                                
                                                                    	L'inversion  de ces  termes  serait 
contradictoire  eu égard 	
au 	caractère  désintéressé,  mais aussi  contraignant  par 
rapport  à l'affectivité,  de l'action  morale.
                                                            
                                                                                
                                                                     Le bonheur  personnel  ne peut 
s'offrir  comme  fin morale  dans la mesure  où la nature  humaine 	
le recherche 
spontanément: 	
il n'y  a pas  de sens  à présenter  comme 	un 	devoir, c'est-à-dire 
un  commandement  de la raison  pratique,  une contrainte  de la volonté 
soumettant  les penchants,  la tendance  irréductible  de la nature  humaine  à 
rechercher  le bonheur.
                                                            
                                                                        
                                                                     Le bonheur  personnel  ne saurait  donc être considéré 
comme  une fin qui  soit  en même  temps un devoir.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
Par 	contre, 	le 	bonheur 
d'autrui  est un devoir  : comme  le montre  Kant dans la deuxième  section 	
de 	la 	
Métaphysique  des mœurs, 	le 	respect  de l'humanité  comme fin en soi,  qui 
s'impose  à moi  au titre  d'impératif  catégorique,  me prescrit  absolument  de 
m'efforcer  à favoriser,  autant qu'il m'est  possible,  les fins  morales  des autres 
hommes.
                                                            
                                                                                
                                                                    
De  la même  manière,  autant le souci  de mon  propre  perfectionnement,  dans 
l'ordre  de la culture,  c'est-à-dire  le développement  de mes  facultés 
(l'entendement  et la volonté  morale)  constitue 	
un 	devoir, autant la perfection 
d'autrui 	
ne 	relève  que de sa propre  volonté,  et ne  saurait,  à ce  titre,  s'imposer 
à  moi  en tant  que  devoir.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
Le 	caractère  d'obligation,  propre 	au 	devoir, 	ne 	peut 
valoir  à propos  d'une fin par  nature  inaccessible.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
Prendre 	pour fin la 
perfection  d'autrui et s'en  faire 	
un 	devoir  constitue  ainsi une contradiction.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
37.
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