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KANT: l'homme et la société

Publié le 05/05/2005

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kant
L'homme est un être destiné à la société (bien qu'il soit aussi, pourtant, insociable), et en cultivant l'état de société il éprouve puissamment le besoin de s'ouvrir à d'autres (même sans viser par là quelque but) ; mais d'un autre côté, embarrassé et averti par la crainte du mauvais usage que d'autres pourraient faire du dévoilement de ses pensées, il se voit contraint de renfermer en lui-même une bonne partie de ses jugements (particulièrement quand ils portent sur d'autres hommes). C'est volontiers qu'il s'entretiendrait avec quelqu'un de ce qu'il pense des hommes qu'il fréquente, de même que de ses idées sur le gouvernement, la religion, etc. ; mais il ne peut avoir cette audace, d'une part parce que l'autre, qui retient en lui-même prudemment son jugement, pourrait s'en servir à son détriment, d'autre part, parce que, concernant la révélation de ses propres fautes, l'autre pourrait bien dissimuler les siennes et qu'il perdrait ainsi le respect de ce dernier s'il exposait à son regard, ouvertement, tout son coeur. KANT
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« [1.

Le jugement est affaire personnelle et non sociale]C'est une constante de la philosophie que d'opposer la pensée autonome et personnelle à l'opinion reçued'autrui ou au jugement « hétéronome ».Dès sa naissance, l'homme est en effet soumis à l'influence, voire à la dictature du jugement d'autrui.

Sesnourrices, parents et précepteurs lui indiquent ce qu'il doit penser et comment il convient de secomporter.

Son esprit est ainsi rempli de préjugés, compris au sens d'opinions reçues d'autrui et dont onn'a pas pris la peine d'examiner le bien-fondé.

La preuve de leur particularité est qu'ils peuvent différerselon les cultures, les familles et les époques.

Afin de s'émanciper d'une telle tutelle sociale, l'homme doitremettre en question ces idées reçues afin de savoir s'il les conserve ou non.

Il doit les faire passer dustatut de simples opinions à celui de jugements fermes et assurés : c'est le rôle de l'entreprisecartésienne du doute, qui requiert, au moins dans un premier temps, le retrait de l'homme au plus profondde sa conscience. [2.

La société pervertit la moralité]La réflexion cartésienne concerne essentiellement la connaissance théorique.

Car si on doutait de tout etde chacun dans toutes « les actions de la vie », on ne pourrait plus continuer à vivre.

On peut cependantsouligner l'influence néfaste de la vie sociale sur la moralité elle-même.

Car l'entrée en société inauguretoute une série de rapports : « Celui qui ne voit qu'un seul objet n'a point de comparaison à faire »(Rousseau, Essai sur l'origine des langues).

L'homme compare ses idées et sa situation (son apparencephysique, ses biens...) à celles d'autrui.

Il ne se considère plus seul, mais à travers le regard de l'autre.

Ilest ainsi tenté de donner de lui-même, extérieurement au moins, une image plaisante et respectable, et ilest constamment influencé par le jugement et les moeurs d'autrui.

On peut en voir une illustrationparadigmatique dans l'influence de la mode dans nos sociétés : on ne cherche plus à savoir si l'on se sentbien dans son corps et dans ses vêtements.

Ce qui importe c'est de paraître tel que les autres noussouhaitent et de se rapprocher le plus près possible de ce que la société considère comme étant « le »canon du beau, de l'élégant ou de la « tendance ».La vie en société aliène donc l'homme au sens où elle fait dépendre ses pensées et ses comportementsdu regard d'autrui et, surtout, au sens où l'image renvoyée finit par prendre le pas sur l'intériorité.

On abien affaire à ce que P.

Bayle appelait, au XVII siècle et dans un autre registre, « le forcement desconsciences ».

Et ce « forcement » est d'autant plus efficace qu'il est le plus souvent inconscient.Peut-on cependant concevoir une vie pleinement humaine dans l'isolement complet ? La relation avecautrui ne nous apporte-t-elle vraiment que du négatif ? Ne peut-on concevoir une autre forme dedépendance sociale, permettant à l'homme de s'acheminer vers davantage d'autonomie ? [II.

Le jugement d'autrui est nécessaire pour permettre à chacun de devenir autonome] [1.

L'intersubjectivité stimule le jugement]Ce qui est condamnable, dans la relation avec autrui, c'est la passivité.

Cette passivité définit un sensfort de l'aliénation et de la dépendance.

Mais comment concevoir la relation entre deux ou plusieursconsciences d'un point de vue purement passif ? Merleau-Ponty prend l'exemple du dialogue : « ...

il seconstitue entre autrui et moi un terrain commun, ma pensée et la sienne ne font qu'un seul tissu, mespropos et ceux de l'inter-locuteur sont appelés par l'état de la discussion, ils s'insèrent dans uneopération commune dont aucun de nous n'est le créateur.

Il y a là un être à deux » (Husserl,Phénoménologie de la perception).

Autrement dit, l'« intersubjectivité », ou la relation entre deuxsubjectivités échangeant honnêtement leurs jugements, a des effets créatifs sur l'une et sur l'autre :chacune s'ouvre à l'autre et est amenée à modifier son jugement en fonction des arguments découverts.Or c'est bien par une telle « dialectique » que Socrate amenait ses interlocuteurs à la vérité. [2.

Le jeu social ne pervertit pas le jugement personnel]On pourrait légitimement rétorquer qu'en société, rares sont ceux qui se risquent à dialoguer sincèrementavec autrui.

C'est ce qui fait la rareté des « vrais » débats.

Comme le montre le texte de Kant, chacun seméfie d'autrui : de l'image qu'il lui renvoie de lui-même, mais aussi de l'usage qui pourrait être fait d'unetelle image.Mais personne n'est vraiment dupe de ce jeu social.

Kant l'explique par ailleurs : « Considérésglobalement, les hommes sont d'autant plus des comédiens qu'ils sont davantage civilisés ; ils prennentl'apparence de la sympathie, du respect des autres, de la décence, de l'altruisme, sans pour autanttromper qui que ce soit, parce qu'il est entendu pour tout le monde que rien n'est ici conçu du fond ducoeur » (Anthropologie du point de vue pragmatique, § 14). [3.

La relation à autrui comme source d'autonomie]Mais cela ne doit pas nous faire désespérer de la relation avec autrui, au contraire.

Car l'apparence de lavertu finit par éveiller chez certains une véritable disposition à la moralité.

A force d'être traité avecégards, on en prend pour autrui, et on finit par en faire un principe de conduite.

Kant prend l'exemple dela décence ou de la pudeur, qui dissimule la passion amoureuse.

Il conclut qu'« en tant qu'illusion », elleconstitue « un élément très salutaire pour produire entre l'un et l'autre sexe la distance nécessaire afinque l'un ne soit pas dégradé au rang de simple instrument en vue de la jouissance de l'autre » (idem).Dans ce cas précis, la relation à autrui, même illusoire, peut être source de moralité et donc, pour Kant,d'autonomie.. »

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