KANT: les rois, des philosophes ?
Publié le 02/05/2005
Extrait du document
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identique.
Alors que chaque personne est tenue, pour son propre compte, à penser selon les principes de la raison, ily a pour les philosophes un devoir plus grand : dire la raison, ce qui correspond à une position sociale, liée à leurconstitution comme classe.D'autre part, pour les rois.
Autant Kant est peu explicite en ce qui concerne les philosophes, autant il dit clairementl'intérêt de l'expression publique des philosophes.
Ceux-ci ont refusé d'être les conseillers secrets du prince (ce quialiénerait leur liberté en général, et leur liberté de parole en particulier).
Mais en tant que philosophes, s'exprimantau nom de la raison, ils disent — en toute indépendance — ce qui est raisonnable.
Moyen d'éclairer les rois, puisqueles philosophes, s'ils sont laissés libres de parler, brandissent les torches des Lumières.Et puis les rois feront comme il leur semblera bon, sinon juste.
Puisque les philosophes n'ont aucun pouvoir, sur quiou quoi que ce soit.La séparation des fonctions est pour Kant la condition de ce qu'on appellera le despotisme éclairé.
Le pouvoir dumonarque (despotique, puisque c'est le pouvoir d'un seul) est éclairé par la raison du philosophe autorisé às'exprimer publiquement.
Cela, on l'a vu, non pas tant par un conseil privé, que par la médiation d'une parolepublique.Enfin, Kant souhaite écarter le « soupçon » que le pouvoir, victime de mauvais conseillers, pourrait avoir contre lesphilosophes.
Exprimer publiquement le point de vue rationnel, ce n'est pas, pour autant, se constituer en faction.
Laposition de Kant ne revendique aucune prise de parti, qui consisterait à s'organiser (par des « clubs ») pourdéfendre un point de vue, et par là même attaquer un point de vue contraire.
Organisation polémique qui viserait àrecruter des partisans (« former des rassemblements »), et du même coup non plus seulement à faire connaître,mais plutôt à propager autour de soi son point de vue.
Espace particulier, qui est celui du politique, contre (ou pour)le pouvoir, et que Kant refuse d'investir.Car propager son point de vue, c'est gagner du pouvoir, c'est donc, selon la thèse même de Kant, risquer de secorrompre.
Kant l'affirme à nouveau : il est de la nature du philosophe, de n'être ni pour, ni contre, les pouvoirs,mais d'être hors du pouvoir.
Un « ailleurs » qui, rompant avec la temporalité de l'histoire, a rapport avec l'éternité dela raison.
Intérêt du texte
La position de Kant ne saurait plaire strictement à ceux qui détiennent le pouvoir.
Ceux-ci sont, sans doute,toujours enclins à vouloir la totalité du pouvoir, et préfèrent ne concéder à personne l'expression indépendanted'opinions différentes de celles qu'ils autorisent, parce qu'ils les contrôlent.Il y a donc chez Kant l'expression nette de la revendication de la liberté de penser, et du même coup de la libertéd'expression.
Mais en limitant cependant la puissance des penseurs qui, pour Kant, n'ont pas à intervenir dans la viepublique, autrement dit à faire de la politique.
Mise en question
L'intervention de Kant, quoi qu'il en dise, est pourtant de type politique, puisqu'il dicte au politique (aux rois) cequ'ils doivent faire : permettre à la classe des philosophes de se maintenir et de s'exprimer librement.C'est que, pour Kant, il y a quelque chose de supérieur aux rois (et qui commande la philosophie) : le libredéveloppement de la raison, qui doit, peu à peu, permettre à une société des Nations de se constituer.
Mais cevoeu de Kant, son intention secrète, aura-t-il jamais la possibilité de se réaliser ? Et, surtout, comment lespolitiques pourraient-ils se soumettre au devoir de la raison, eux qui, puisqu'ils ont une partie du pouvoir, veulenttoujours plus du pouvoir, le pouvoir en totalité ?
Conclusion
Ce texte invite les hommes politiques au respect de la liberté de penser et de s'exprimer.
Celle-ci, s'exerçantindividuellement, ne saurait, affirme Kant, nuire au pouvoir politique.
Cette position affirme, en fait, la supériorité desphilosophes sur les gouvernants dans le domaine de l'exercice de la raison.
KANT (Emmanuel). Né et mort à Königsberg (1724-1804).
Fils d'un sellier d'origine écossaise, il fit ses études à l'Université de Königsberg, et s'intéressa davantage à la physique et à la philosophie qu'à la théologie.
En 1755, ilest privat-dozent de l'Université de sa ville natale, puis il est nommé professeur extraordinaire de mathématiques etde philosophie.
En 1770, il devient titulaire de la chaire de logique et de métaphysique.
Il vécut dans une demi-retraite pendant onze ans ; puis, commença la publication de ses grands livres, les trois Critiques.
La Révolution.
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