Kant, Leçons d'éthique (2005 - Série ES)
Publié le 22/02/2012
Extrait du document


«
II.
La morale est a priori comme la géométrie
La morale est à l'action ce que la géométrie est à la connaissance, nous dit Kant : elle est entièrementindépendante de l'expérience, c'est-à-dire a priori, mais n'en légifère pas moins sur elle et n'est donc pas sansvaleur, même si aucun objet ne correspond à ses concepts.Il faut en effet remarquer avec notre auteur qu'aucun objet ne correspond aux concepts les plus élémentaires de lagéométrie, tels que ceux de point, de ligne ou de plan.
Si un point est par définition indivisible et dépourvu de toutedimension, sans longueur, largeur, ni profondeur, tous les corps ont dans la réalité une certaine épaisseur et le «point» des géomètres n'est donc pas celui dont nous parlons quotidiennement.
La remarque vaut aussi pour la ligne,qui est une longueur sans largeur, et pour tous les objets de la géométrie en général.Ces notions ne sont donc pas issues de l'expérience : elles ne lui doivent rien et en sont entièrementindépendantes.
Mais on aurait tort d'en conclure qu'elles sont par là même sans valeur.
Indépendantes del'expérience, elles permettent au contraire d'effectuer des constructions et de définir des lois qui s'avèrent êtrecelles de l'expérience.
Les principes de la géométrie sont constitutifs de l'expérience et permettent ainsi del'anticiper, bien qu'ils n'en soient pas issus.
Or, nous dit Kant, il en est de même de la morale : elle définitindépendamment de l'expérience et de la sensibilité propre à chacun ce qu'est la vertu.
Elle ne s'intéresse pas auxmobiles de nos actions, qui peuvent varier d'un individu à l'autre et ne considère que la loi, qui est la même pourtous.
Elle définit ainsi ce que nous devons nécessairement faire pour bien agir.
La «loi morale» est donc «pure»,parce qu'elle n'emprunte rien à l'expérience et au sensible comme la géométrie.
De même que cette dernière peutconnaître à partir de ses concepts et de ses lois les propriétés de nombreuses figures et déduire a priori ce que l'ondoit faire pour les construire, la morale peut définir «les règles de conduite de nos actions » et en déduire ce qu'estune action vertueuse, conforme à ces lois, c'est-à-dire ce qu'il faut faire ou ce qu'est notre devoir.
Ces principessont tout aussi nécessaires que ceux de la géométrie et déterminent l'action indépendamment de l'expérience.
Cen'est pas parce que rien ne leur correspond exactement et strictement dans l'expérience qu'ils sont sans valeur,puisqu'ils permettent au contraire de la constituer de façon « exacte » et « stricte».
Que faire donc? Quelle éthiquechoisir, s'il en est deux? Faut-il être indulgent, en tenant compte des inclinations et des mobiles de chacun ? Oufaut-il être strict, en les rejetant tous pour s'en tenir à la loi? Que peut-on espérer de l'humanité?
III.
Le privilège accordé à l'éthique est immoral
La réponse de Kant est à l'image de la morale qu'il définit : stricte et sans ambiguïté.
L'éthique de l'indulgence n'enest pas une en réalité, nous dit-il.
C'est même la fin ou la mort de la morale, car c'est la « corruption de la mesurede perfection morale de l'humanité ».
En nous invitant à tenir compte de la sensibilité de chacun, des mobiles etdes circonstances particulières qui entourent l'action, elle brise en effet l'universalité de la loi et rend le jugementpartial.
La loi n'est plus pure, séparée de chacun et identique pour tous.
Elle s'adapte au contraire aux casparticuliers et ne permet donc plus de formuler un jugement universellement valable.
C'est ainsi que l'éthique del'indulgence et des motifs ne donne plus la «mesure» de ce qui vaut pour «l'humanité » en général, ce qui estpourtant le but de la morale.
Ce n'est donc pas une autre morale, mais le contraire de la moral, c'est-à-direl'immoralité même.
Conclusion
La leçon que nous donne Kant dans cet extrait est donc ironique.
Il ne faut pas croire qu'il y ait deux éthiques, oudeux morales, également possibles : l'une indulgente, l'autre stricte.
Il n'en est qu'une pour deux raisons :premièrement parce que la seconde est « nécessaire» et non possible, si bien qu'elle s'impose absolument;deuxièmement parce que la première, qui est possible, n'en est pas une, mais en est au contraire la « corruption».Il n'y a donc pas de choix à faire en dépit des apparences : il faut faire ce que la loi morale commande sans selaisser guider par les sens et agir comme on construit des figures en géométrie, à partir de principes et non deperceptions sensibles.
Il n'est qu'une morale, universelle et nécessaire, a priori, qui est à l'action et à la pratique, ceque la géométrie est à la connaissance et à la théorie.
C'est la thèse de Kant, qui pose le problème de la nature etdu fondement de la loi morale.
rde.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Kant, Leçons d'éthique:
- Kant, Leçons d'éthique
- Texte de Kant sur la loi morale (l'éthique)
- kant annonce du programme des leçons
- Analyse Du Film "Loin Du Paradis" Avec L'éthique De Kant Et L'éthique Utilitariste