KANT: le grand et sublime devoir
Publié le 15/12/2009
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Les caractéristiques du devoir moral marquent bien la condition particulière de l'homme dans le monde. Il n'a rien d'agréable, et cependant nous lui obéissons, quelquefois contre nos intérêts. L'origine du devoir, qui manifeste la dignité de l'homme, c'est sa liberté, son pouvoir de dépasser les influences de la nature. L'instrument et la source de ce pouvoir est la raison, qui nous dicte ses exigences.
«
car autrement une volonté libre serait un pur rien ».
On doit donc distinguer radicalement la causalité commemécanique de la nature et la causalité comme liberté.
La première régit le monde sensible ou monde desphénomènes et c'est dans le temps que s'écoulent les phénomènes.
La détermination mécaniste consiste pour unphénomène à être causé par un phénomène antérieur.
Or un phénomène passé est irrévocable, de sorte que lephénomène actuel est déterminé par quelque chose que personne n'a le pouvoir de modifier.
Dépendre du passé,c'est donc être incapable de se déterminer librement, car la forme du temps s'applique aussi bien au moi empiriquequ'à la perception.
Donc, puisque l'inhérence du temps aux phénomènes rend la liberté impossible, l'acte libre doitnécessairement être conçu comme en dehors du temps.
Les actions humaines doivent par conséquent êtreconsidérées de deux points de vue.
En tant que phénomènes, situées dans l'espace et le temps, elles sontdéterminées de façon nécessaire par leurs antécédents dans le temps, comme les mouvements d'un corps matériel.Mais en tant qu'elles procèdent d'un être appartenant à un monde intemporel ou monde intelligible, d'un noumène,elles peuvent être conçues comme libres.
Ainsi s'unissent les deux causalités quoique entièrement distinctes « dansun seul et même sujet, dans l'homme ».Kant répète à maintes reprises qu'il ne saurait être question d'abandonner la causalité comme mécanisme de lanature au profit de la liberté, car sinon ce serait renoncer à toute possibilité de connaissance objective.
N'est-cepas cette crainte qui lui fait écrire : « S'il était possible pour nous d'avoir de la manière de penser d'un homme, tellequ'elle se montre par des actions internes, aussi bien qu'externes, une connaissance assez profonde pour quechacun de ses mobiles, même le moindre, fût connu en même temps que toutes les occasions extérieures quiagissent sur ces derniers, on pourrait calculer la conduite future d'un homme avec autant de certitude qu'uneéclipse de lune ou de soleil, et cependant soutenir en même temps que l'homme est libre ».
Ou encore quand ilsemble admettre que le choix intemporel du caractère, qui a été libre, engage ensuite l'homme pour tout l'avenir.Quoi qu'il en soit, la liberté, ou, comme Kant la nomme dans notre texte, la personnalité se présente, négativement,comme la « causalité de pouvoir agir indépendamment de causes étrangères qui la déterminent », et, positivement,comme liberté de la volonté ou autonomie, « c'est-à-dire dans la propriété qu'elle a d'être à elle-même sa loi ».
Celarevient à dire qu'« il ne faut agir que d'après une maxime qui puisse aussi se prendrepour objet à titre de loi universelle ».
Or c'est là précisément le principe de la moralité.
« Une volonté libre et unevolonté soumise à des lois morales sont par conséquent une seule et même chose ».A première vue, il semble qu'il y ait un cercle vicieux à fonder la liberté sur la loi morale et, d'autre part, la loi moralesur la liberté.
Mais c'est confondre « raison d'être» et « moyen de connaître », et Kant précise bien que « la libertéest sans doute la ratio essendi de la loi morale, mais que la loi morale est la ratio cognoscendi de la liberté.
Car si laloi morale n'était pas d'abord clairement conçue dans notre raison, nous ne nous croirions jamais autorisés àadmettre une chose telle que la liberté (quoiqu'elle n'implique pas contraditcion).
Mais s'il n'y avait pas de liberté, laloi morale ne se trouverait nullement en nous ».
La liberté « est la condition de la loi morale, que nous connaissons».
On comprend ainsi ce que signifie la célèbre formule : « Tu dois, donc tu peux», qui pour n'être pas de Kant n'enexprime pas moins de façon heureuse le paradoxe de la morale kantienne.
C'est la nécessité impérative du devoir quifait apparaître la réalité de la liberté qu'il implique.
Ainsi la loi morale, par la conscience du devoir, « nous fait sentirla sublimité de notre propre existence supra-sensible» et « subjectivement, dans des hommes qui ont conscience enmême temps de leur existence sensible et de la dépendance qui en résulte pour eux relativement à leur nature [...],produit du respect pour leur plus haute détermination ».
Telle est la majesté du devoir.« La liberté n'en reste pas moins une simple idée, dont la réalité objective ne peut en aucune façon être mise enévidence d'après les lois de la nature ».
Mais la morale n'a pas besoin de cette explication.
«Tout être qui ne peutagir autrement que sous l'idée de la liberté est par cela même, au point de vue pratique, réellement libre, c'est-à-dire que toutes les lois qui sont inséparablement liées à la liberté valent pour lui exactement de la même façon quesi sa volonté eût été aussi reconnue libre en elle-même et par des raisons valables au regard de la philosophiethéorique ».
KANT (Emmanuel). Né et mort à Königsberg (1724-1804).
Fils d'un sellier d'origine écossaise, il fit ses études à l'Université de Königsberg, et s'intéressa davantage à la physique et à la philosophie qu'à la théologie.
En 1755, ilest privat-dozent de l'Université de sa ville natale, puis il est nommé professeur extraordinaire de mathématiques etde philosophie.
En 1770, il devient titulaire de la chaire de logique et de métaphysique.
Il vécut dans une demi-retraite pendant onze ans ; puis, commença la publication de ses grands livres, les trois Critiques.
La Révolutionfrançaise l'enthousiasma, et l'on raconte qu'il ne se détournait de sa promenade, minutieusement réglée, que pouren aller apprendre les nouvelles.
Il fut, en 1793, réprimandé par Frédéric-Guillaume II pour deux ouvrages sur lapolitique et la religion.
A la mort du Roi, il reprit sa plume et dévoila l'affaire.
Kant mourut le 12 février 1804, aprèsune très longue agonie.
— A ses débuts, Kant fut un disciple de Leibniz et de Wolff.
Il considère la science commeun fait, dont la possibilité, plus que l'existence, doit nous préoccuper.
La lecture de Rousseau lui fait aussi.
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