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Kant: Le fait de tenir quelqu'un pour responsable prouve-t-il qu'il est libre ?

Publié le 01/07/2015

Extrait du document

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Il y a des cas où des hommes, même avec une éducation qui a été profitable à d'autres, montrent cependant dès l'enfance une méchanceté si précoce, et y font des progrès si continus dans leur âge mûr qu'on les prend pour des scélérats de naissance et qu'on les tient, en ce qui s concerne leur façon de penser, pour tout à fait incorrigibles ; et toutefois on les juge pour ce qu'ils font et ce qu'ils ne font pas, on leur reproche leurs crimes comme des fautes, bien plus, eux-mêmes (les enfants) trou­vent ces reproches tout à fait fondés, exactement comme si en dépit de la nature désespérante du caractère qu'on leur attribue, ils demeuraient 10 aussi responsables que tout autre homme. Cela ne pourrait arriver si nous ne supposions pas que tout ce qui sort du libre choix d'un homme (comme sans doute toute action faite à dessein) a pour fondement une causalité par liberté, qui, dès la plus tendre jeunesse, exprime son carac­tère dans ses actions.

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QUESTIONS

1. Dégagez l'idée principale du texte et les étapes de son argumentation.

2. Expliquez :

a.  « on leur reproche leurs crimes comme des fautes « ;

b.  « en dépit de la nature désespérante du caractère qu'on leur attri­bue «.

 

3. Le fait de tenir quelqu'un pour responsable prouve-t-il qu'il est libre ?

n  Citations

·  L'homme « est entièrement coupable à l'instant où il ment ; par conséquent, malgré toutes les conditions empiriques de l'action, la raison était pleinement libre, et cet acte doit être attribué entièrement à sa négli­gence « (Kant, Critique de la raison pure).

·  «Le sentiment de culpabilité [...] est la même chose que la sévérité de la conscience morale « (Freud, Malaise dans la civilisation).

· « Quiconque possède une conscience morale doit trouver en lui-même la justification d'une condamnation, doit être poussé par une force intérieure à se reprocher et à reprocher aux autres certains actes commis « (Freud, Totem et Tabou).

 

·  «Partout où l'on cherche des responsabilités, c'est généralement l'instinct de punir et de juger qui est à l'oeuvre « (Nietzsche, Le Crépus­cule des idoles).

De là la formulation de la troisième question, qui nous pousse à interro­ger le lien unissant la liberté à la responsabilité. Mais attention : on ne nous demande pas s'il faut être libre pour être responsable. On nous inter­roge, plus précisément, sur le lien unissant la considération de la respon­sabilité et la liberté. On a envie de répondre spontanément que le fait de « tenir quelqu'un pour « responsable de ses actes ne prouve pas qu'il est libre, mais qu'on le « tient pour « libre. Derrière cette formulation appa­remment anodine, c'est la question du respect de la dignité et de la liberté de l'autre qui se joue. La liberté d'autrui n'est pas un donné : elle doit être considérée, c'est-à-dire remarquée et respectée. Si on élève bien autrui au rang de personne libre, alors on doit le considérer comme responsable de ses actes ou comme majeur, capable de décider seul de ce qui est bon pour lui. Mais inversement, si on estime qu'autrui n'est pas en pleine posses­sion de ses facultés rationnelles (on pense au fou, à l'ivrogne, etc.), il y a danger à lui imputer ses actes. La justice décide en ce cas de soigner plu­tôt que de punir. Où est alors la frontière ? Kant a-t-il raison de faire pas­ser tous nos actes du côté de la liberté ? 

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« 76 LA LIBERTÉ • méchanceté : il faut lui donner son sens moral fort de propension au mal.

Car le problème de Kant est de savoir si 1' on peut, oui ou non, rendre les hommes responsables de leurs mauvaises actions.

Cela permettrait de montrer que la vertu ou la bonne volonté est au pouvoir de chacun, donc que personne n'est exclu de la moralité.

Le mal procède bien de la liberté.

• causalité par liberté : Kant la distingue de la causalité naturelle.

Dans la nature, en effet, tout est déterminé à se produire selon des lois que l'es­ prit humain impose aux phénomènes : une pierre tombe toujours en sui­ vant la loi de la chute des corps.

L'homme fait exception à la nature par sa liberté, c'est-à-dire par sa capacité à être cause absolue et inconditionnée de ses actes.

Cette liberté pratique se nomme aussi « autonomie de la volonté ».

Elle désigne la capacité de chacun d'être à l'initiative de ses actes en suivant la raison, et donc, dans le registre moral, le bien.

C'est pourquoi nul ne peut être déclaré irresponsable de ses actes.

• Intérêt philosophique du texte On le comprend : l'intérêt philosophique de ce texte consiste à montrer qu'aucune excuse au monde, pas même une grande précocité de la méchanceté, ne peut faire oublier que l'homme est responsable de ses actes.

Responsable, c'est-à-dire qu'il en est l'instigateur (c'est lui qui a choisi d'agir ainsi et personne d'autre) et qu'il doit en répondre, rendre des comptes.

• Problématique de la question 3 De là la formulation de la troisième question, qui nous pousse à interro­ ger le lien unissant la liberté à la responsabilité.

Mais attention : on ne nous demande pas s'il faut être libre pour être responsable.

On nous inter­ roge, plus précisément, sur le lien unissant la considération de la respon­ sabilité et la liberté.

On a envie de répondre spontanément que le fait de «tenir quelqu'un pour» responsable de ses actes ne prouve pas qu'il est libre, mais qu'on le « tient pour » libre.

Derrière cette formulation appa­ remment anodine, c'est la question du respect de la dignité et de la liberté de 1' autre qui se joue.

La liberté d'autrui n'est pas un donné : elle doit être considérée, c'est-à-dire remarquée et respectée.

Si on élève bien autrui au rang de personne libre, alors on doit le considérer comme responsable de ses actes ou comme majeur, capable de décider seul de ce qui est bon pour lui.

Mais inversement, si on estime qu'autrui n'est pas en pleine posses­ sion de ses facultés rationnelles (on pense au fou, à l'ivrogne, etc.), il y a danger à lui imputer ses actes.

La justice décide en ce cas de soigner plu­ tôt que de punir.

Où est alors la frontière ? Kant a-t-il raison de faire pas­ ser tous nos actes du côté de la liberté ? Et n'y-a-t-il pas quelque danger à ). »

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