Kant : L’art est-il la représentation d’une belle chose ou la belle représentation d’une chose ?
Publié le 13/02/2021
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Kant : L’art est-il la représentation d’une belle chose ou la belle représentation d’une chose ? : I/ L’art est une plaisante imitation qui fait jouir l’homme tout en le faisant accéder à la connaissance de lui-même et du monde: 1) L’art fait partie de la nature humaine en tant que celle-ci est encline à imiter les choses du monde pour créer un autre monde plus dense et plus intense: D’emblée, il faut admettre que l’art est le fait de l’homme puisqu’il repose sur l’usage de la faculté naturelle de l’imitation : « en effet, écrit Aristote au début de Poétique, imiter est naturel aux hommes, dès leur enfance ; ils diffèrent des autres animaux en ce qu’ils sont très enclins à l’imitation (…) ». Il ajoute que les hommes « acquièrent leurs premières connaissances par l’imitation, et ils trouvent tous plaisir aux imitations. ». Ainsi les arts « imitent beaucoup de choses en reproduisant leurs images par des couleurs et des figures de même que d’autres font des imitations vocales. ». Le Stagirite considère ainsi que l’art est une activité technique et artisanale qui reproduit les choses en usant du procédé de la représentation. Mais pour Aristote cette représentation n’est pas une copie par duplication des objets du monde puisque il précise que l’art réalise une sorte de distanciation qui instaure un recul critique qui permet à l’homme de regarder avec plaisir ce qui a l’habitude de le rebuter dans le réel : « nous prenons du plaisir, dit-il, à contempler la représentation la plus précise des choses dont la vue nous est pénible dans la réalité, comme les formes des animaux es plus hideux et des cadavres. ». Donc, Aristote établit une équivalence entre l’imitation et la représentation et ce grâce à l’imagination. Cette équivalence n’est pas due au trait commun de la beauté qui caractérise à a fois le monde et sa représentation artistique. En effet, la beauté n’est pas ce qui fait la différence car l’artiste ne peut pas égaler ou surpasser la beauté du monde même s’il imite la nature : le beau dans la nature n‘a pas besoin de l’art pour exister, mais ce dernier a le pouvoir de le célébrer, quand il est réel ou de le créer, quand il est absent ou caché. Par ailleurs, la beauté du monde existe et vaut sans l’art et l’art ne saurait l’égaler ou la dépasser. C’est pour cela qu’il faut penser qu’Aristote entend par le fait d’imiter l’acte de déployer par l’artiste une vision claire qui perçoit le monde tel qu’il est sans le transfigurer ou le défigurer par le prisme des représentations humaines qui sont nécessairement particularisantes et réductrices. Il convient de souligner que sous l’effet de l’habitude et des déterminismes culturels collectifs, les hommes regardent le monde sans le voir et lui impriment souvent des significations triviales ou utilitaristes alors que le fait de l’imiter, par le moyen de l’art, permet de le mettre à distance pour le regarder différemment. L’art serait, en vérité, le moyen d’opérer une reconversion du regard qui rend de nouveau le monde visible, spectaculaire et étonnant.
«
2) Ainsi parce qu’imiter c’est aussi voir le monde avec recul, l’art agit comme un moyen de
connaissance :
Parlant de l’art Aristote déclare que « l‘on se plaît à regarder des images parce qu’en les regardant
on peut apprendre et raisonner (…) ».
En effet, l’habitude est génératrice d’indifférence, elle
annule la distance qui existe en principe entre l’homme et le monde et rend ce dernier à la fois
désirable et questionnable.
Par contre, mettre à distance le réel c’est l’objectiver, c’est-à-dire le
poser devant le regard et l’offrir à l’attention comme un sujet digne d’être questionné et pensé.
Pour que cela ait lieu, il faut que l’homme puisse médiatiser son rapport avec le monde par le
biais d’un moyen technique ou artistique qui engendre l’espace de séparation où peut se
déployer la relation entre le sujet et son objet.
L’art accomplit cette mise en rapport car, pour
imiter le réel selon le mode de la vision lucide et participative, il utilise des signes et des formes
par lesquels il le représente.
Or, l’objet ainsi représenté n’est pas le réel lui-même, mais son
double symbolique.
Par ce processus de dédoublement, l’homme pose le réel devant lui et le
constitue ce faisant en objet d’étonnement, de méditation et de connaissance et ce faisant il
l’institue en sujet de la pensée puisque celle-ci commence toujours, selon Aristote, dans
l’étonnement.
Or, l’étonnement, pur tous les penseurs de la Grèce antique, est un art de la vision
puisqu’ils l’entendent et le pratiquent comme un rapport au monde et une méthode de
connaissance.
En effet, pour le penseur grec, s’étonner consiste à déterminer l’esprit à rechercher
dans le monde la présence effective du divin qui prouve la perfection de l’être.
Il va de soi que
l’homme ne peut rien ajouter à ce monde qui ne manque de rien.
La seule action que sa nature
l’autorise à accomplir est celle de constater l’excellence du monde en témoignant de ses qualités.
Par conséquent, l’art est le mode d’une vision qualitative et bonne qui fait bien voir le monde et
participe de ce fait de la théorie entendue dans le sens de l’art de prendre conscience du
caractère divin du cosmos.
En effet, pour la culture grecque à laquelle appartient Aristote, le
monde est perçu et vécu comme un cosmos organisé, harmonieux, immuable rationnel, parfait et
éternel.
Il s’ensuit que le monde est un modèle de perfection qui tient son excellence des dieux.
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