KANT: L'adversité, la douleur, la pauvreté
Publié le 06/05/2005
Extrait du document
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pousserait à mal agir.
L'analyse qu'il produit ainsi paraît persuasive, et d'autant plus qu'il précise au passage que, dumoment que la constitution de mon bonheur n'implique pas de conduites immorales, nul ne peut me l'interdire.
Lelecteur peut ainsi se sentir justifié dans son désir de bonheur, pourvu qu'il ne bafoue pas les lois morales.Le problème que pose cependant ce texte concerne la capacité d'uneconscience ordinaire à vivre le bonheur dans le contexte où le situe Kant : rien ne prouve que celui qui ignorel'interprétation kantienne de la moralité soit amené à considérer que le bonheur n'est qu'un devoir indirect.
Bien aucontraire, l'individu peut être tenté – toujours pourvu qu'il respecte les bornes de la moralité – de considérer que lebonheur est auto-suffisant et constitue en lui-même une fin.
Ainsi, l'homme qui s'efforce d'être vertueux ne peut-ilespérer trouver son bonheur, soit comme couronnant son exercice de la vertu, soit dans l'exercice même de la vertu?On peut admettre que, dans le quotidien, cela n'a pas d'importance réelle : ce qui compte, c'est que l'hommerespecte les devoirs moraux.
Qu'il le fasse en croyant qu'il poursuit le bonheur en lui-même, ou, de manière plusphilosophiquement subtile et sans doute mieux fondée, en concevant que le bonheur dont il bénéficie n'est qu'undevoir indirect, sa conduite n'en sera pas modifiée, et il fera son devoir.
Il ne serait ainsi pas inconcevable que l'onpuisse agir correctement en s'illusionnant sur la fin que l'on poursuit.
Et l'on retrouve sur ce point, mais dans laconscience intérieure du sujet, une indécision qui caractérise l'appréciation que l'on peut porter, de l'extérieur, surune conduite qui, en apparence, respecte le devoir : le fait-elle par devoir, ou par simple conformisme ?
[Conclusion]
L'analyse philosophique, dont Kant fournit ici un modèle, révèle le sens profond des conduites, mais rien ne rendobligatoire, chez l'homme, la saisie de cette profondeur.
Le bonheur apparaît fréquemment comme la fin del'existence humaine ; le philosophe peut indiquer qu'il ne constitue en fait qu'un moyen, au service d'une fin plusélevée.
Mais dans la mesure où la recherche du bonheur ne devient pas obsessionnelle en soi, au point d'aboutir àdes conduites immorales, il semble difficile de reprocher à l'individu non kantien de s'illusionner sur ses propres buts.
KANT (Emmanuel). Né et mort à Königsberg (1724-1804).
Fils d'un sellier d'origine écossaise, il fit ses études à l'Université de Königsberg, et s'intéressa davantage à la physique et à la philosophie qu'à la théologie.
En 1755, ilest privat-dozent de l'Université de sa ville natale, puis il est nommé professeur extraordinaire de mathématiques etde philosophie.
En 1770, il devient titulaire de la chaire de logique et de métaphysique.
Il vécut dans une demi-retraite pendant onze ans ; puis, commença la publication de ses grands livres, les trois Critiques.
La Révolutionfrançaise l'enthousiasma, et l'on raconte qu'il ne se détournait de sa promenade, minutieusement réglée, que pouren aller apprendre les nouvelles.
Il fut, en 1793, réprimandé par Frédéric-Guillaume II pour deux ouvrages sur lapolitique et la religion.
A la mort du Roi, il reprit sa plume et dévoila l'affaire.
Kant mourut le 12 février 1804, aprèsune très longue agonie.
— A ses débuts, Kant fut un disciple de Leibniz et de Wolff.
Il considère la science commeun fait, dont la possibilité, plus que l'existence, doit nous préoccuper.
La lecture de Rousseau lui fait aussiconsidérer la moralité comme un fait.
Nous retrouvons, en conclusion du système kantien, comme postulats, lescroyances dont Kant a ruiné la valeur dogmatique.
Lui-même a défini son entreprise ainsi : « J'ai remplacé le savoirpar la foi.
» — Le monde sensible est seul donné à notre expérience et à notre connaissance : ce sont les faits, lesdonnées de la sensation.
Le monde intelligible est une« illusion théorique».
Le pouvoir de la raison pure est illusoire.Les principes de l'entendement pur ne sont pas applicables aux noumènes, mais seulement aux phénomènes ; c'estla dialectique transcendante.
La raison doit reconnaître ses propres limites ; limiter la raison, c'est réaliser sonobjectivité.
— La connaissance se ramène à deux éléments : le monde sensible, ou phénomènes liés à l'espace et autemps et le monde intelligible, ou chose en soi, noumènes, pur objet de pensée.
L'intuition et le concept sont lessources de la connaissance.
— Mais, intellectuellement, il nous est impossible de parvenir à la connaissance dumonde intelligible.
— L'espace et le temps sont les conditions de toute connaissance ; pour qu'un objet possède uneréalité objective, il faut qu'il soit placé dans l'espace et le temps.
L'espace et le temps sont les formes a priori detoutes les données empiriques.
C'est ce qu'analyse Kant dans son esthétique transcendantale ou analyse de lasensibilité.
Les représentations données par ces deux éléments sont liées entre elles par la raison finie, à l'aide descatégories, ou principes de l'entendement pur.
Les catégories (analytique transcendantale) qui dessinent les limitesde la vérité, sont les produits d'une force et non pas l'attribut d'une substance.
Elles sont posées à l'occasion del'expérience, mais la dépassent.
La quantité, la qualité, la relation et la modalité sont les classes de jugement ;chaque classe renferme trois catégories (concepts fondamentaux a priori de l'entendement pur).
Quantité : unité,totalité, pluralité.
Qualité : réalité, négation, limitation.
Relation : substance, causalité, réciprocité.
Modalité :possibilité, existence, nécessité.
— L'analytique et la dialectique constituent la logique transcendantale.
La raison aune destinée pratique, une faculté d'agir.
Si la raison pure théorique est illusoire, la raison pure pratique est infaillibleElle est liberté, elle se donne à elle-même ses propres règles morales, qui définissent son autonomie.
— Il y a enl'homme une tendance naturelle au désordre et au péché : cette tendance est servitude.
La liberté devient donc un.
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