Kant: la conscience morale est innée
Publié le 22/09/2018
Extrait du document
Tout homme a une conscience et se trouve observé, menacé, de manière générale tenu en respect (respect lié à la crainte) par un juge intérieur et cette puissance qui veille en lui sur les lois n’est pas quelque chose de forgé (arbitrairement) par lui-même, mais elle est inhérente à son être. Elle le suit comme son ombre quand il pense lui échapper. Il peut sans doute par des plaisirs ou des distractions s’étourdir ou s’endormir, mais il ne saurait éviter parfois de revenir à soi ou de se réveiller, dès lors qu’il en perçoit la voix terrible. Il est bien possible à l’homme de tomber dans la plus extrême abjection où il ne se soucie plus de cette voix, mais il ne peut jamais éviter de l’entendre.
Kant
QUESTIONS
1. Dégagez l'idée générale du texte et les étapes de son argumentation.
2. Expliquez : « il ne saurait éviter parfois de revenir à soi ou de se réveiller ».
3. Peut-on s'affranchir de la conscience morale ?
Kant montre que la conscience morale est un principe inné en tout homme, et non le fruit d’une éducation. Elle est identique et parle le même langage pour tous : le jeune et le plus âgé, l’homme et la femme, le cadre supérieur et l’ouvrier, le Blanc et le Noir. .. Il y a donc un bien et un mal en soi, et la construction d’une moralité universelle est possible. Et il n’y a pas d’excuses à ne pas agir par vertu. Chacun est pleinement responsable de ses actes et nul ne peut faire « comme si » il ignorait la voie du bien.
Le texte procède en deux moments : la formulation de la thèse (première phrase), puis la réponse aux objections éventuelles.
Il en résulte (deuxième moment du texte) qu’on ne peut y échapper, et qu’il faudra rendre des comptes de sa mauvaise conduite, à un moment donné. On peut toujours se distraire, faire « comme si » on ne l’entendait pas : c’est en toute rigueur impossible. L’argument selon lequel on a mal agi parce qu’on ignorait la voie du bien est donc un faux argument.
«
un mal en"soi, identique pour tous.
C'est pourquoi les impératifs de la rai
son pratique sont «catégoriques ».
L'interdiction du men songe, par
exem ple, ne tolère aucune exception.
• extrême abjection : elle désigne un profond état d'avi lissement.
L' homme qui a sombré dans « la plus extrême abjection » est donc
l' homme qui s'est rabai ssé à un état indigne de l'humanité .
Il a décid é de
ne plus se soucier du bien et du mal et d'agir à sa guise, «comme si» la
voix de la conscience morale était incapable de lui indiquer le chemin de
la vertu .
• Intérêt philosophique du texte
Kant veut montrer que la conscience morale est innée et non pas
acqui se.
Elle est univers elle et présente en tout homme de la même façon.
Les différe nces que l'on remarque entre les hommes tiennent donc à la
façon dont ils se « soucient », chacun, de cette petite voix.
On pourrait
dr esse r une analogie avec le « bon sens » carté sien, qui est « la chose du
monde la mieux partagée » mais dont chacun ne se sert pas identiquement
ni à bon escient.
L'enjeu est la const itution d'une moralité qui puisse
valoir pour tous, et non seulem ent pour quelques-uns .
Il s'agit du même
coup de montrer que personne n'a d'excuse pour contrarier la moral ité.
Peu importe sa condition : l'homme a tou jours , au fond de lui, la res
source d'agir par vertu.
• Problématique de la question 3
De là la problématique de la question 3.
Ca r si la conscience morale est
bien innée et identique chez tous les homm es, alors aucun ne peut, en
toute rigueur, s'en «a ffranchir ».
On peut seulement, comme l'explique
Kant, se divertir et faire semblant de ne pas l'entendre .
Mais l'affr anchi s
sement marque une libération : l'e scla ve affranchi est délivré de son asse r
viss ement et peut s'émanciper.
En quoi la conscience morale pourrait-elle
alors con stituer un carcan, une entrave à la liberté ? Est-il non seulement
pos sible mais souhaitable de s'en «a ffran chir» ? On pourra notamment
s' aider des analy ses nietzsch éennes.
Elles font de cet affra nchissement un
devoir, car la conscience morale a été forgée par une certaine caste
d' hommes dans le but de soumettre les autre s.
• Citations
• « Conscience, conscience, instinct divin, immorte lle et céleste voix,
guide assuré du bien et du mal [ ...
] » (Rou sseau, Émile, livre IV.)
• «I l est [ ...
] au fond des âmes un principe inné de justice et de vertu ,
sur lequel, malgré nos propres maximes, nous jugeons nos actions et
celles d'autrui comme bonnes ou mauva ises, et c'est à ce principe que je
donne le nom de conscience» (Rousseau, ibid.)..
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