Kant: jugement de goût et raison
Publié le 17/04/2009
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ENJEU :Par le jugement esthétique tout homme est l'égal d'un autre, il n'y a dans ce domaine ni autorité, ni lois.Chacun fait l'expérience de sa liberté de jugement.
C'est pourquoi il y a une parenté indiscutable entre lejugement esthétique et le jugement moral.
Dans l'expérience du beau, comme dans l'expérience morale,l'homme est seul juge.
Il ne peut prendre appui sur un savoir préalable, et tout à la fois ce jugement peut êtreprononcé avec certitude, et n'être admis par personne d'autre.
Le jugement esthétique s'éprouve, il ne seprouve pas.
COMPOSITION :Le texte est une réfutation successive de deux théories — dont la seconde est rejetée encore plusradicalement que la première.La première théorie affirme que le jugement esthétique est déterminé par un accord général qui fait juger beaucertains objets.
Elle affirme donc indirectement que la beauté est une propriété objective des choses :comment expliquer sinon que des générations entières s'accordent pour trouver beaux les poèmes d'Homère,tels temples grecs ou cathédrales? Sans doute est-il impossible de démontrer, au sens strict, que de telsobjets sont beaux ; mais ceux qui en douteraient seraient aussi ridicules que s'ils s'avisaient de comparer unemare à l'océan.
Par conséquent, il semble qu'aucune force convaincante ne puisse nous empêcher dereconnaître la beauté de tel ou tel objet consacré par la tradition.
Que ce soit là une théorie sérieuse, l'auteurl'admet puisqu'il concède que, face à un jugement unanime contraire au nôtre, nous sommes pratiquementcontraints de feindre de trouver beaux certains objets.
Mais cela signifie simplement que nous craignons d'êtrejugés sur notre goût : nos jugements nous exposent à être jugés.
Or il faut accepter ce risque quand au fondde nous-mêmes, nous estimons avoir raison contre tous.
La seconde théorie est celle de tous les auteurs qui ont tenté de définir a priori les règles du beau.
On peut icipenser à l'Art poétique de Boileau.
Le beau rival de la nature a, comme la nature, ses lois qui échappent aucaprice du plaire et du déplaire ; en somme il suffirait' de connaître les règles du beau pour produire à coup sûrun bel objet.
Selon Batteux et Lessing par exemple, est beau ce qui imite la nature, il n'y a pas là matière àdiscussion.
Je vous signale aussi que la scène du sonnet, dans le Misanthrope de Molière a le même sens quenotre passage de Kant, les deux mêmes théories sont successivement représentées plaisamment et rejetées.Là encore le critère décisif du beau n'est pas dans l'objet mais dans le sujet : le jugement de goût est, diraKant, réfléchissant et non déterminant; il exprime la liberté du sujet, non une propriété de l'objet.
Le texte setermine par une justification de cette dénomination même de jugement de goût.
Accorder que l'objetcorrespond aux critères du beau est une chose, le juger beau, c'est-à-dire éprouver en sa présence un plaisirdésintéressé, est tout autre chose.
RÉFÉRENCES :Jugement de goût, jugement esthétique : le terme esthétique est introduit en philosophie par Baumgarten, ildésigne ce qui a trait à la sensibilité.
Il ne s'agit pourtant pas d'un simple sentiment mais d'un jugement : c'estbeau.
Convenablement analysé, ce jugement signifie en fait : l'objet me plaît, et d'une façon toutedésintéressée.
De là l'idée centrale « qu'il n'y a pas de belles choses mais seulement une belle représentationdes choses ».Le jugement logique consiste à penser le particulier comme contenu dans l'universel ; il s'agit alors d'unjugement de connaissance.
Au contraire, l'objet du jugement esthétique est le particulier, il ne porte jamais surles choses en général mais sur un objet unique, de là l'impossibilité de le communiquer.
LE TEXTE AUJOURD'HUI :La validité de l'analyse kantienne s'impose dans ce domaine : nul ne peut vous démontrer que vous devezaimer cet objet, ce paysage, cette oeuvre.
Pourtant, je crains de m'exposer à la dérision et je m'efforceparfois de dissimuler mon jugement derrière celui de critiques « autorisés ».
C'est bien là la preuve que lejugement esthétique, à l'inverse du jugement de connaissance met en jeu toute la personnalité.
Lacommunication avec autrui dans le jugement de goût est une des formes les plus achevées de communicationmais nul savoir et nulle règle ne permettent de l'obtenir à coup sûr.
De là les feintes devant ce qu'il estconvenu d'admirer et un assentiment réticent qui sera d'ordre social et non pas du tout dérivé d'une adhésionpleine et entière..
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