KANT: En quel sens peut-on dire que la raison affranchit l'homme de la nature ?
Publié le 01/07/2015
Extrait du document
Une propriété de la raison consiste à pouvoir, avec l'appui de l'imagi-nation, créer artificiellement des désirs, non seulement sans fondements établis sur un instinct naturel, mais même en opposition avec lui ; ces désirs, au début, favorisent peu à peu l'éclosion de tout un essaim de
5 penchants superflus, et qui plus est, contraires à la nature, sous l'appella¬tion de « sensualité' «. L'occasion de renier l'instinct de la nature n'a eu en soi peut-être que peu d'importance, mais le succès de cette première tentative, le fait de s'être rendu compte que sa raison avait le pouvoir de franchir les bornes dans lesquelles sont maintenus tous les animaux, fut, chez l'homme, capital et décisif pour la conduite de sa vie.
KANT
1. sensualité : recherche du plaisir des sens pour lui-même.
1. Dégagez l'idée directrice et la structure de ce texte.
n
chant à la « superfluité «, en constitue un bon exemple et permet de souligner le second aspect, vraiment original, du texte. Car Kant ne se place pas du tout d'un point de vue moral. Son but n'est pas de condamner la sensualité, mais de montrer que cette faculté, que l'on aurait pu considérer comme spécifiquement animale, est en réalité l'apanage de l'homme. Même et peut-être surtout lorsqu'il est sensuel, l'homme est homme. On se trouve donc loin des clichés considérant Kant comme un rationaliste rigoriste.
«
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LA RAISON
• imagination : elle désigne au sens premier la faculté de penser à partir
d'images, perçues ou non à l'extérieur.
Elle peut donc reproduire ces
images ou bien en produire de nouvelles, en faisant entrer
l'homme dans
ce que Kant nomme le règne
du« superflu».
Elle est en quelque sorte un
relais entre la raison et la sensibilité.
• instinct naturel : il est ici opposé à la raison.
Il désigne la faculté, com
mune à tous les animaux, de préserver leur vie et leur intégrité corporelle
(manger, boire, se reproduire, fuir devant le danger ...
).
Mais cette faculté
reste de l'ordre du besoin, enraciné dans le corps.
Elle ne s'élève pas au
registre du désir, qui est toujours mêlé de pensée ou, comme l'explique
plus précisément Kant ici, de raison et d'imagination.
• sensualité : il faut la distinguer de la sensation, qui désigne une affec
tion de
l'âme que l'on rapporte à un objet extérieur (la sensation de froid,
rapportée à de la glace) ; de la
sensibilité, qui permet la sensation (c'est
une sorte de réceptivité de l'esprit) ; et du sentiment, qui ne se rapporte à
aucun objet extérieur précis et désigne un état de
l'âme (de la peine
devant un paysage, par exemple).
La
«sensualité» définit ici une com
plexification voire une perversion de la capacité de
l'âme à ressentir du
plaisir par les sens.
Elle consiste à faire de ce plaisir une fin en soi.
C'est
pourquoi elle rompt avec l'instinct naturel, où le plaisir est le résultat de
quelque chose d'autre, mais non l'objet direct de la recherche.
Un
exemple: si l'on éprouve une sensation de plaisir ou de satiété après avoir
étanché sa soif avec un peu d'eau, on est dans le registre de l'instinct.
Si
on se surprend
à rechercher tel millésime de vin pour partager un bon
repas entre amis, on entre dans le règne de la sensualité.
On le recherche
non parce
qu'on a soif, mais parce qu'on souhaite donner du plaisir à
toute la tablée.
• Intérêt philosophique du texte
L'intérêt philosophique de ce texte est double.
1.
Aspect « classique » du texte : la raison y est présentée comme faculté
spécifiquement humaine de rompre avec le règne naturel.
Cela signifie
que tous les hommes la possèdent, mais sans exclusion de leur part
« ani
male
».
Elle est tout entière offerte à chacun, mais son usage peut être soit
bon, soit mauvais.
Dans la Sixième
Proposition de l'Idée d'une histoire
universelle d'un point
de vue cosmopolitique, Kant utilise une image pour
expliquer cela :
l'homme est fait d'un bois tordu et noueux, mais il a la
capacité de se redresser et de devenir régulier.
En cela, Kant se situe dans
la lignée de Descartes : le
« bon sens » est « la chose du monde la mieux
partagée
», mais tous les hommes ne s'en servent pas à bon escient.
2.
L'éveil de la raison est une arme à double tranchant.
Il rend
l'homme
capable du meilleur comme du pire.
La sensualité, comprise comme pen-.
»
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