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KANT: Empirisme et Causalité

Publié le 05/05/2005

Extrait du document

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Que toute notre connaissance commence avec l'expérience, cela ne soulève aucun doute. En effet, par quoi notre pouvoir de connaître pourrait-il être éveillé et mis en action, si ce n'est par des objets qui frappent nos sens et qui, d'une part, produisent par eux-mêmes des représentations et, d'autre part, mettent en mouvement notre faculté intellectuelle, afin qu'elle compare, lie ou sépare ces représentations, et travaille ainsi la matière brute des impressions sensibles pour en tirer une connaissance des objets, celle que l'on nomme l'expérience ? Ainsi, chronologiquement, aucune connaissance ne précède en nous l'expérience et c'est avec elle que toutes commencent. Mais si toute connaissance débute avec l'expérience, cela ne prouve pas qu'elle dérive toute de l'expérience, car il se pourrait bien que même notre connaissance par expérience fût un composé de ce que nous recevons des impressions sensibles et de ce que notre propre pouvoir de connaître (simplement excité par des impressions sensibles) produit de lui-même : addition que nous ne distinguons pas de la matière première jusqu'à ce que notre attention y ait été portée par un long exercice qui nous ait appris à l'en séparer. C'est donc au moins une question qui exige encore un examen plus approfondi et que l'on ne saurait résoudre du premier coup d'oeil, que celle de savoir s'il y a une connaissance de ce genre, indépendante de l'expérience et même de toutes les impressions des sens. De telles connaissances sont appelées a priori et on les distingue des empiriques qui ont leur source a posteriori, à savoir dans l'expérience. (...) Si l'on veut un exemple pris dans les sciences, on n'a qu'à parcourir des yeux toutes les propositions de la mathématique ; et si on en veut un tiré de l'usage plus ordinaire de l'entendement, on peut prendre la proposition : « tout changement doit avoir une cause ». Qui plus est, dans cette dernière, le concept même d'une cause renferme manifestement le concept d'une liaison nécessaire avec un effet et celui de la stricte universalité de la règle, si bien que ce concept de cause serait entièrement perdu, si on devait le dériver, comme le fait Hume, d'une association fréquente de ce qui arrive avec ce qui précède et d'une habitude qui en résulte (d'une nécessité, par conséquent, simplement subjective) de lier des représentations. On pourrait aussi, sans qu'il soit besoin de pareils exemples pour prouver la réalité des principes purs a priori dans notre connaissance, montrer que ces principes sont indispensables pour que l'expérience même soit possible, et en exposer, par suite, la nécessité a priori. D'où l'expérience, en effet, pourrait-elle tirer sa certitude, si toutes les règles, suivant lesquelles elle procède, n'étaient jamais qu'empiriques, et par là même contingentes? KANT

QUESTIONNEMENT INDICATIF

• Qu'est-ce que « nomme l'expérience «? • Est-ce que l'expérience se réduit à « la matière brute des impressions sensibles « ? • Différence entre « être éveillé « et « mis en action «? • Importance des notations : « compare, lie ou sépare «? • Est-ce qu'il est dit que « notre pouvoir de connaître « ne précède pas chronologiquement l'expérience ? Qu'est-ce qui ne précède pas chronologiquement l'expérience ? • Pourquoi « même notre connaissance par expérience «? • Est-ce que le deuxième paragraphe prouve que « notre connaissance par expérience « est « un composé de ce que nous recevons des impressions sensibles et de ce que notre propre pouvoir de connaître produit de lui-même «? Que prouve-t-il ? • Est-ce qu'il est affirmé ici que « notre propre pouvoir de connaître « produit des connaissances avant toute expérience ? • Quel est l'enjeu de ce texte ? Par rapport à qui et à quoi pouvez-vous le situer ? (Cf. Descartes, Hume.)

 

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« Pour comprendre notre pouvoir de connaître, il convient de savoir d'où viennent nos connaissances.La réponse la plus immédiate à cette question consiste à affirmer qu'elles viennent de l'expérience.

En effet, ce sontles exemples qui permettent d'accéder à l'idée (voir texte 1).

L'esprit ne peut inventer ses objets ou, s'il le fait,c'est en imaginant, sans le secours des données sensibles : il ne s'agit alors pas d'une connaissance mais d'uneproduction fictive, qui intéresse l'artiste et non le scientifique ou le philosophe.De ce fait, il ne faut toutefois pas tirer des conséquences hâtives : « Si toute connaissance débute avecl'expérience, cela ne prouve pas qu'elle dérive toute de l'expérience.

» En effet, les impressions sensibles sontdonnées sans liaison, sans ordre : or connaître n'est pas simplement constater mais relier un phénomène à unprincipe explicatif; cela suppose un dépassement de l'expérience immédiate ; mais est-ce possible? Le philosopheécossais Hume (1711-1776) a montré dans Enquête sur l'entendement humain les difficultés auxquelles on se heurtesi l'on veut répondre oui.

L'idée de causalité, par exemple, n'a aucune légitimité : chaque phénomène est situé dansun temps et un espace particuliers ; ainsi, rien ne peut nous autoriser à tirer des règles universelles.

Il y a un fosséque l'on ne pourra jamais combler entre ce que l'expérience offre, des faits singuliers, et ce que la connaissanceexige, des règles universelles et nécessaires.L'idée de causalité serait donc une illusion produite par l'habitude que nous avons de voir les phénomènes semblabless'enchaîner.

La seule solution pour dépasser le scepticisme de Hume et rendre compte des lois physiques et deconsidérer que la connaissance est produite par l'association des impressions sensibles et des règles venant del'esprit lui-même.Cela suppose l'existence de connaissances a priori, c'est-à-direqui n'empruntent rien à l'expérience.

L'exemple des mathématiques permet de confirmer cette hypothèse ; en effet,les objets mathématiques ne sont pas dérivés de l'expérience.

Même la géométrie euclidienne, qui semblecorrespondre à notre expérience immédiate, est une connaissance de l'esprit seul : la droite est infinie, sans partie,sans épaisseur ; comme telle, elle est un pur objet de l'esprit.

Les mathématiciens ont bien compris cela, quirefusent de donner à un dessin la valeur d'une démonstration.Il est possible d'avoir des connaissances qui, par leur nature abstraite, nécessaire et universelle, dépassentl'expérience, concrète, contingente et singulière, parce que l'esprit peut accéder à des connaissances a priori.L'expérience elle-même peut confirmer l'existence de principes a priori : la notion d'expérience est ambiguë, elledésigne à la fois le donné sensible et une connaissance de l'objet.

Ces deux dimensions ne sont pas conciliables : sil'expérience était le donné sensible, elle ne serait qu'un ensemble de sensations ; or il ne peut y avoir connaissancesans relation ordonnée ; l'expérience elle-même est donc subordonnée à un principe qui dépasse les phénomènes etles rend connaissables.

Si les phénomènes n'étaient pas liés entre eux a priori, nous ne pourrions rien percevoir. KANT (Emmanuel). Né et mort à Königsberg (1724-1804).

Fils d'un sellier d'origine écossaise, il fit ses études à l'Université de Königsberg, et s'intéressa davantage à la physique et à la philosophie qu'à la théologie.

En 1755, ilest privat-dozent de l'Université de sa ville natale, puis il est nommé professeur extraordinaire de mathématiques etde philosophie.

En 1770, il devient titulaire de la chaire de logique et de métaphysique.

Il vécut dans une demi-retraite pendant onze ans ; puis, commença la publication de ses grands livres, les trois Critiques.

La Révolutionfrançaise l'enthousiasma, et l'on raconte qu'il ne se détournait de sa promenade, minutieusement réglée, que pouren aller apprendre les nouvelles.

Il fut, en 1793, réprimandé par Frédéric-Guillaume II pour deux ouvrages sur lapolitique et la religion.

A la mort du Roi, il reprit sa plume et dévoila l'affaire.

Kant mourut le 12 février 1804, aprèsune très longue agonie.

— A ses débuts, Kant fut un disciple de Leibniz et de Wolff.

Il considère la science commeun fait, dont la possibilité, plus que l'existence, doit nous préoccuper.

La lecture de Rousseau lui fait aussiconsidérer la moralité comme un fait.

Nous retrouvons, en conclusion du système kantien, comme postulats, lescroyances dont Kant a ruiné la valeur dogmatique.

Lui-même a défini son entreprise ainsi : « J'ai remplacé le savoirpar la foi.

» — Le monde sensible est seul donné à notre expérience et à notre connaissance : ce sont les faits, lesdonnées de la sensation.

Le monde intelligible est une« illusion théorique».

Le pouvoir de la raison pure est illusoire.Les principes de l'entendement pur ne sont pas applicables aux noumènes, mais seulement aux phénomènes ; c'estla dialectique transcendante.

La raison doit reconnaître ses propres limites ; limiter la raison, c'est réaliser sonobjectivité.

— La connaissance se ramène à deux éléments : le monde sensible, ou phénomènes liés à l'espace et autemps et le monde intelligible, ou chose en soi, noumènes, pur objet de pensée.

L'intuition et le concept sont lessources de la connaissance.

— Mais, intellectuellement, il nous est impossible de parvenir à la connaissance dumonde intelligible.

— L'espace et le temps sont les conditions de toute connaissance ; pour qu'un objet possède uneréalité objective, il faut qu'il soit placé dans l'espace et le temps.

L'espace et le temps sont les formes a priori detoutes les données empiriques.

C'est ce qu'analyse Kant dans son esthétique transcendantale ou analyse de lasensibilité.

Les représentations données par ces deux éléments sont liées entre elles par la raison finie, à l'aide descatégories, ou principes de l'entendement pur.

Les catégories (analytique transcendantale) qui dessinent les limites. »

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