KANT, Critique de la raison pure: L'espace n'est pas un concept empirique.
Publié le 16/11/2010
Extrait du document
L'espace n'est pas un concept empirique qui ait été tiré d'expériences externes. En effet, pour que certaines sensations puissent être rapportées à quelque chose d'extérieur à moi (c'est-à-dire à quelque chose situé dans un autre lieu de l'espace que celui dans lequel je me trouve), et de même, pour que je puisse me représenter les choses comme en dehors et à côté les unes des autres, — par conséquent comme n'étant pas seulement distinctes, mais placées en des lieux différents —, il faut que la représentation de l'espace soit posée déjà comme fondement. Par suite, la représentation de l'espace ne peut pas être tirée par l'expérience des rapports des phénomènes extérieurs, mais l'expérience extérieure n'est elle-même possible avant tout qu'au moyen de cette représentation. KANT, Critique de la raison pure.
— espace : forme nécessaire à la connaissance par les sens, « forme a priori de la sensibilité «, chez Kant ;
— concept : représentation abstraite et générale ;
— empirique : qui est tiré de l'expérience sensible, dont la source est a posteriori, extraite de l'expérience ;
— sensation : donnée sensible non encore élaborée ;
- représentation : ce qui est présent à l'esprit ;
— fondement : ce sur quoi repose la construction ;
«
Le problème soulevé par ces lignes est celui de savoir si nos représentations sont relatives à l'objet ou bien à des formes issues de la constitution du sujet. Nous répondrons, avec Kant, que la constitution du sujet détermine connaissance et représentations (thèse dite « idéaliste »). Quel est l'intérêt des lignes proposées ? Montrez que l'espace est une forme (A). Néanmoins, cette forme est construite (B).
Bibliographie
KANT, Critique de la raison pure, p.
55 sq., PUF (Collection Quadrige).
Introduction
Quelle est l'idée directrice de ce texte ? L'espace, loin d'être extrait de l'expérience sensible, est, au contraire, le fondement (subjectif) qui la rend possible.
Surgit ainsi, pour nous, le
problème de savoir si nos représentations sont relatives à l'objet ou bien à la constitution du sujet humain.
• Ces lignes, extraites de l'Esthétique transcendantale (étude des formes a priori de la sensibilité), présentent la structure suivante : après avoir énoncé sa thèse (Première partie : « L'espace [...] externes »), Kant opère une démonstration dans la seconde (« En effet [...I fondement ») et, enfin, énonce sa conclusion dans la troisième («Par suite [...] représentation »).
Étude ordonnée
Première partie : « L'espace . ..
externes.
La première phrase énonce la thèse kantienne concernant l'espace.
Bien entendu, cette thèse s'insère dansune problématique historique qui lui donne sens.
Contre Berkeley, Leibniz et Newton, Kant établit sa proprevision, qui n'est paradoxale qu'en apparence.
L'espace, à savoir le milieu dans lequel prennent place nosperceptions et représentations, ne peut être un concept empirique, c'est-à-dire une idée abstraite et générale extraite de l'expérience sensible.
Le philosophe Berkeley (1685-1753) faisait de l'espace une réalité construite.Telle est la théorie du « génétisme », selon laquelle la perception de l'espace est acquise, et non pointnaturelle.
Au contraire, Kant, dès la première ligne de notre texte, rejette cette idée d'une formation empiriquede l'espace, à partir de synthèses de sensations données hors du sujet (« expériences externes »).
Quelle estla nature de l'espace ? Il n'est pas engendré à partir de l'expérience externe.
C'est une intuition a priori.
Telle est la proposition que Kant va démontrer dans la suite du texte.
On remarquera que, d'une part, Kant rejette l'idée d'une acquisition de l'espace à partir de l'expérience et que, d'autre part, l'espace n'est pas définicomme un concept, à savoir une représentation abstraite et générale.
Loin d'être conceptuel, l'espace est uneintuition pure, une forme de notre sensibilité pure, a priori.
A.
Seconde partie : « En effet [...] fondement ». B.
Pour quelles raisons ne peut-on faire de l'espace un concept empirique, à savoir une idée ou une catégorie tirées del'expérience et dont la source se trouverait dans cette dernière ? Kant, dans ce passage de l'Esthétique transcendantale, en explicite deux.
Dans le premier fragment du texte (« pour que [...] trouve »), il rappelle que les sensations — à savoir les données sensibles non encore élaborées, données antérieures à la perception, beaucoup plus construite — doivent être mises en relation avec des éléments « extérieurs à moi », c'est-à-dire situés en dehors de moi.
Par conséquent, la « représentation de l'espace » — la forme organisatrice présente à l'esprit — doit exister en moi préalablement pour organiser les sensations, et ce à titre de « fondement », c'est-à-dire de base sur quoi repose la construction.
Si l'espace désigne cette base rendant possible l'organisation des sensations(empiriques), il ne peut être un simple produit, puisqu'il est lui-même présupposé par l'expérience externe.
Donc l'espace n'est pas un concept empirique.
Ce n'est ni un concept (issu de l'entendement) ni un fruit de l'expérience,mais une intuition a priori.
Seconde raison (« pour que je puisse [...] différents ») : les « choses », c'est-à-dire les diverses réalités empiriques, doivent s'organiser en des « lieux différents », c'est-à-dire en diverses portions de l'étendue, en différentes situations spatiales.
Ici encore, toute l'expérience présuppose l'espace, qui est fondement, base, principe d'organisation, ce à quoi on réfère l'expérience, et qui, dès lors, ne saurait résulter de cette dernière.
En somme, le raisonnement de Kant est le suivant : comment ce qui est présupposé par toute l'expérience pourrait -il en dériver ? Ce serait faire une faute de raisonnement que de rapporter l'espace aux intuitions empiriques, comme s'il en était le produit, alors qu'en réalité il en est le fondateur.
Condition de possibilité de l'expérience, l'espace n'en dérive nullement.
Il y a là une argumentation très puissante, que Kant conduit aussi à propos du temps et qui varévolutionner la démarche philosophique.
Le fondement de l'expérience ne saurait résulter de cette dernière.
L'argumentation ayant été ainsi déployée, Kant est en mesure de conclure et de légitimer sa proposition première.
Troisième partie : « Par suite [...] représentation »..
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