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Publié le 21/11/2023
Extrait du document
«
Du statut de l’agent dans l’écriture de soi :
herméneutique de l’autobiographie raisonnée.
« Nous autres humains nous sommes toujours empêtrés dans des histoires.
De chaque
histoire fait partie quelqu’un qui s’y trouve empêtré.
Histoire et être empêtré dans des
histoires vont étroitement ensemble, à tel point que, même en pensée, il est probablement
impossible de le séparer.
»
Wilhem SCHAPP – « Empêtré dans des histoires : l’être de l’homme et
de la chose », (édition la nuit surveillée-CERF, Paris 1992, p13)
« Si « autobiographie » signifie l’écriture de sa propre vie et de ses événements
remarquables, cette écriture ne peut commencer et s’achever que par deux énoncés
proprement imprononçables : « je naquis » et « je mourus », pour cette évidente raison que le
premier ne peut être que la citation de la parole d’un autre « on m’a dit que je naquis » et que
le second est dans sa formulation même un scandale sémantique, logique et métaphysique :
ma mort en son lieu moment et circonstances, ne peut faire l’objet d’un récit que « moi-même
j’écrirais ».
LOUIS MARIN dans « L’écriture de soi » édition du collège de France, PUF
INTRODUCTION
De la citation tirée de Louis MARIN on peut dire que ce sont deux propositions qui
constituent deux événements fondamentaux de son existence : sa naissance et sa mort.
On
peut s’interroger sur la fondation de l’écriture de soi sous l’angle de sa naissance et de sa
mort.
Ne pouvons –nous pas nous demander comment fonder l’écriture de soi par le biais
d’une phénoménologie de « l’être-pour-la- vie », distillée par Paul RICOEUR (dans le
volontaire et l’involontaire) pour la première et une phénoménologie de « l’être-pour-lamort », empruntée à Heidegger, pour la seconde.
Qu’est-ce qui constitue cette double aporie du récit autobiographique ou de l’écriture
de soi ? Que l’on pourrait tout aussi bien nommer « auto-thanato-graphie ».
Cela ne se
résume-t-il pas en cette proposition suivante : « J’écris que j’écris que j’écris….
» ? En effet,
le récit de soi ne finit-il pas enchevêtré dans une cascade infinie de mises en abîme de sa
propre vie ? (W SCHAPP dans « L’être empêtré dans des histoires) ou bien au contraire sur
une ouverture au monde dans lequel le récit de soi ne fait plus sens.
Mais cette posture de l’agent (c’est-à-dire de l’auteur) dans l’écriture de soi par soi
pose plusieurs questions d’ordre logique et ontologique.
G.
GUSDORF dans « Auto-biographie » montre que ce genre littéraire est significatif à plus d’un titre sur le plan
philosophique.
En effet le récit de soi par le processus de l’écriture est particulier voire
singulier.
Le récit de soi n’a –t-il pas une part « rédemptrice », dans l’acte autobiographique
raisonné en ce qui nous concerne, pour l’action de l’agent ?
Autrement dit l’écriture de soi ne permet-elle pas de dépasser un mode dans lequel
l’agent est comme bloqué dans l’action passée pour lui permettre une capabilité sur l’action
future ? (Paul Ricoeur-temps et récit- même paradoxe mais pour la lecture).
Cette capabilité
fustige le temps et l’intime qui sont deux dimensions propres à l’écriture de soi.
Concrètement
que se passe-t-il lors du processus d’écriture de soi ? Il y a une dimension éthique, une praxis
qui permet de passer de l’acte autobiographique à l’action proprement dite de l’agent.
Comment cela se déroule-t-il ? C’est en ce sens que l’on peut se demander si une
herméneutique de l’acte autobiographique en vue de l’action future est possible et dans
quelles mesures.
Par ailleurs, dans l’écriture de soi on ne peut évacuer la question de la connaissance de
soi pour alimenter notre propos, cependant elle a pour fin elle –même elle se situerait dans
une fonction thérapeutique de l’écriture.
Car le « soi » est différent du « moi » en quel sens
nous le déterminerons.
Il y a dans l’acte d’écriture un rassemblement de l’attention.
L’écriture
doit bien en un sens ramener vers soi.
Mais écrire quelque chose c’est écrire sur quelque
chose.
L’écriture a un objet intentionnel.
Elle transporte une intention qui est une expression.
Dès qu’il y a intention il y a une relation sujet/objet.
Peut-il y avoir une écriture qui soit une
relation sujet/sujet mieux encore une relation de soi à soi ce qui permettrait une relation au
monde ? L’écriture ne peut être enfermée dans cette opposition qui doit être dépassée : elle
n’est pas seulement un éloignement de soi ou bien un rapprochement de soi, elle est autre elle
a une fonction éthique, de surcroît quand elle est écriture de soi par soi.
I – Une approche philosophique et historique.
La notion d’écriture de soi trouve très certainement son origine la plus patente chez
Michel FOUCAULT, notamment dans son texte « l’écriture de soi » publié dans « Corps
écrit » en 1983.
L’auteur y évoquait « les hypomnêmeta » et il écrit en parlant de l’écriture de
soi comme « d’une attention méticuleuse aux détails de la vie quotidienne, aux mouvements
de l’esprit ».
Il y voyait une bonne pratique de santé visant à lever une vérité non plus
métaphysique mais pragmatique, comme pour s’assurer d’une permanence du soi à travers le
temps et l’espace.
Mais pierre HADOT fait remarquer en reprochant à cette thèse que ce n’est
pas « soi » que l’on pratique ; pas plus que ce « soi » que l’on écrit.
On pratique des exercices
pour transformer le « moi ».
Cette polémique sur la formulation même de l’écriture de soi
nous permet de mesurer l’enjeu outre la question formelle de la formulation, elle porte sur la
part du moi et sur celle du soi dans l’écriture.
L’identité est en construction voire en
élaboration et la dynamique narrative organise des situations selon des logiques qu’il s’agit
de mettre en perspective et en œuvre pour parvenir à la constitution du soi et aussi à celle du
sujet et de l’agent.
Rappelons que c’est Philippe LEJEUNE qui dans « Ecriture de soi et lecture de
l’autre » (DIJON 2002, p213-221) explique combien cette formule de « l’écriture de soi » fut
malgré tout un acte de contournement de la notion compliquée et violemment critiquée
d’autobiographie, et cela tout particulièrement sur les plans de la morale, de la psychologie et
de l’esthétique littéraire.
Comment pouvait-on écrire son moi ? Advint alors la notion
d’autofiction entendue comme la mise en fiction de la vie personnelle.
On perçoit que l’enjeu
dépasse la formulation elle-même.
Ne peut-on pas toutefois s’accorder sur une hypothèse
minimale qui tiendrait que l’écriture peut ramener vers « un soi » et que celle –ci possède par
conséquent un objet intentionnel, si bien qu’il y a intentionnalité, il y a dès lors expression
d’une relation sujet /objet de même qu’il y a perception, il y a transcendance dans la mesure
où quelque chose dépasse ?
Ainsi, même au cœur du plus intime (voire de l’in-publié) de l’acte d’écriture on
pourrait convenir qu’il est une écriture de soi, une relation de moi à moi car il ne cesse de se
dégager un horizon d’ipséité.
Le choix de la notion de « soi » orienterait notre réflexion vers
une rhétorique de la lecture, donc de la réception plutôt qu’une rhétorique de l’écriture.
La
notion de texte prévalant nettement sur celle de l’auteur ; cette option guiderait notre réflexion
sur la « temporalité » et « l’altérité ».
En effet, eu égard au premier point celui de la
temporalité nous dirons que tout rapport au temps libère la signification dans un vécu qui
d’ailleurs n’en voit pas toujours la portée.
Raconter ou écrire le passé nous engage toujours à
retrouver les noeuds de la temporalité consciente.
Par exemple, il en est ainsi pour le genre
des Mémoires car il suppose en effet que la durée une fois repensée permette d’accéder à la
subjectivité, de celui qui a été et demeure l’acteur des événements.
La notation de
l’expérience de l’écriture marque la fluidité du temps vécu et le jeu des changements
deviennent alors les structures majeures du dispositif textuel.
Sur le second point celui de
l’altérité, il faut constater combien sur le plan, de la diachronie le parcours reste ici fortement
marqué par le moment augustinien que l’on ne peut jamais vraiment écarter dans le cadre
d’une réflexion sur le soi et ses écritures.
Nous pensons à ce moment du cogito des
confessions, où dans la tradition chrétienne, un homme propose une écriture en forme de
louange et, sans doute, quittant le plan encore grec ou latin de l’ipséité, charge toute la
dimension subjective du moi, mais prenant Dieu à témoin et l’engageant dans son expérience
de conversion.
Tel est ce moment majeur et fondateur dans l’expression littéraire de
l’expérience subjective, qui ne cessera de se prolonger, même encore avec le projet
rousseauiste, qui bien que radicalement différent n’en continue pas moins à prendre à témoin
le jugement des hommes dans un souci de se justifier devant eux pour redresser....
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