J.J. Rousseau - "Rêveries du promeneur solitaire", quatrième promenade
Publié le 27/02/2008
Extrait du document
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d'autres demeures et tue plusieurs personnes, alors il sera bien évident que celui qui l'a allumé sera responsable decette destruction, quant bien même il pourrait dire qu'il ne prévoyait pas les conséquences aussi désastreuses deson acte.
L'enchaînement des causes et des effets nous échappe ainsi totalement, et en suivant le déterminisme,nous pourrions même dire que nous ne pouvons absolument pas prévoir ce qui se passera à l'autre bout du mondesuite à notre mensonge.
Aussi, un « mensonge innocent », c'est à dire un mensonge dont nous pouvons savoirabsolument qu'il ne produira aucun mal est impossible.
Le mensonge est toujours un mal : sa portée immorale nepeut être justifiée.
Il y a ici une inspiration probable pour Kant lorsqu'il rédigea quelques années après Du prétendu droit de mentir.
III/ la classification des mensonges Nous venons donc d'établir que le mensonge, acte qui n'est jamais innocent, est un genre commun àplusieurs choses qui peuvent et doivent même être distinguées.
C'est à cela que se consacre Rousseau dans ladernière partie du texte.
Derrière le même terme de mensonge se cachent différents sens qu'il s'agit de renommerplus précisément.
Comme il a été établi que le mensonge était un acte conscient et volontaire, il s'agit maintenantde savoir en vue de quoi cet acte est accompli.
Rétablissant ici un intérêt pour la finalité, Rousseau voit dans celle-ci le moyen de distinguer les différentes espèces de mensonge.
Lorsqu'il s'agit simplement de « tromper », c'est àdire de déclarer vrai quelque chose sans chercher précisément à faire mal (même si ce dernier peut apparaître),Rousseau distingue la tromperie qui a pour but l'avantage de celui qui ment de la tromperie qui vient en aide àautrui.
Le premier est ainsi nommé « imposture »: en effet, en mentant délibérément sur nous-mêmes, afin d'êtreconsidéré comme quelqu'un que nous ne sommes pas, nous donnons aux autres une fausse image de nous-mêmes.Nous usurpons donc notre identité pour construire une identité factice que les autres se représenteront.
La secondeespèce de mensonge est appelé la « fraude ».
Lorsque nous mentons pour le compte de quelqu'un d'autre, nousencourageons cette fois la propagation d'une fausse image de cette personne.
Il ne s'agit plus uniquement ici dedonner une fausse image de soi, mais de contribuer à changer l'image d'autrui.
Enfin, la « calomnie », « la pireespèce de mensonge » contribue à donner une image d'autrui plus négative que ce qu'il est véritablement.
Elle estdonc l'inverse de la fraude et ne peut être une simple tromperie puisqu'elle n'est pas utilisée pour l'avantage d'autrui,mais à son complet désavantage.
La calomnie est donc l'apogée de l'immoralisme.
Voilà les trois sortes de mensongequi peuvent être déterminées comme telles.
Qu'en est-il alors de ce mensonge (qui n'en est pas un), et quiconsisterait à ne pas dire exactement la vérité, mais sans en tirer d'avantages ou de désavantages? Nous avons vuque le mensonge était toujours un mal, plus ou moins important.
Or, il n'y a ici aucun mal : il s'agit de quelque chosed' inventé purement gratuitement et sans conséquences.
Le terme de mensonge ici ne cache pas un autre terme, iln'est pas du tout approprié à ce qu'il s'agit de désigner.
Il n'y a que de la « fiction », qui le plus souvent sera utiliséedans une œuvre littéraire ou même des Confessions . Conclusion: -Le mensonge est une tromperie qui peut être employée à bonne ou mauvaise fin. - Il n'est cependant jamais innocent. - Un « mensonge » gratuit et sans conséquences n'en est donc pas un. -Une fiction de l'esprit purement gratuite et sans conséquences ne nuit pas à la morale..
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