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Jean-Paul Sartre, L'Être et le Néant, 3e partie, I, 1. « J'ai honte de ce que je suis »

Publié le 05/04/2012

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sartre

« J’ai honte de ce que je suis. La honte réalise donc une relation intime de moi avec moi : j'ai découvert par la honte un aspect de mon être. Et pourtant, bien que certaines formes complexes et dérivées de la honte puissent apparaître sur le plan réflexif, la honte n'est pas originellement un phénomène de réflexion. En effet, quels que soient les résultats que l'on puisse obtenir dans la solitude par la pratique religieuse de la honte, la honte dans sa structure première est honte devant quelqu'un. Je viens de faire un geste maladroit ou vulgaire : ce geste colle à moi, je ne le juge ni ne le blâme, je le vis simplement, je le réalise sur le mode du pour-soi. Mais voici tout à coup que je lève la tête : quelqu'un était là et m'a vu. Je réalise tout à coup la vulgarité de mon geste et j'ai honte. Il est certain que ma honte n'est pas réflexive, car la présence d'autrui à ma conscience, fût-ce à la manière d'un catalyseur, est incompatible avec l'attitude réflexive : dans le champ de ma réflexion, je ne puis jamais rencontrer que la conscience qui est mienne. Or autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même : j'ai honte de moi tel que j'apparais à autrui. Et, par l'apparition même d'autrui, je suis mis en mesure de porter un jugement sur moi-même comme sur un objet, car c'est comme objet que j'apparais à autrui. Mais pourtant cet objet apparu à autrui, ce n'est pas une vaine image dans l'esprit d'un autre. Cette image en effet serait entièrement imputable à autrui et ne saurait me « toucher «. Je pourrais ressentir de l'agacement, de la colère en face d'elle, comme devant un mauvais portrait de moi, qui me prête une laideur ou une bassesse d'expression que je n'ai pas ; mais je ne saurais être atteint jusqu'aux moelles : la honte est, par nature, reconnaissance. Je reconnais que je suis comme autrui me voit. «

Jean-Paul Sartre, L'Être et le Néant, 3e partie, I, 1.

L'existence d'autrui ne peut pas m’être indifférente. En effet, autrui est pour moi aussi bien source de joie que de malheur. Autrui m’apporte joie et bonheur dans l’expérience de l'amitié, comme il peut m’apporter peine et malheur dans l'expérience conflictuelle de la querelle. Mais n'est-il pas fondamentalement plus que cela pour moi dès lors que son apparition face à moi entraînerait une modification de mon être ?

Plan :

Introduction

I. La honte : un phénomène de réflexion ?

a) Structure réflexive

b) Une structure secondaire

II. La honte: un phénomène intersubjectif

a) La nécessité d’autrui

b) Autrui comme « médiateur « entre moi et moi

II. La signification de la honte

a) Du moi comme objet

b) De l’image de moi comme objet

Conclusion

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« mutation que Sartre interroge ici dans l'expérience affective de la honte qui permet d'identifier le rôle d'autrui par rapport à moi qui ne sera pas seulement révélateur de ce que je suis, ni seulement formateur de ce que je suis, mais plus radicalement créateur de mon être.

I.

La honte : un phénomène de réflexion ? a) Structure réflexive Le choix de la honte n'est pas le fruit du hasard m ais relève d'une option philosophique selon laquelle ce n'est que dans des situations négatives que l'être s'affirme dans sa vérité.

Il semble que la honte soit un sent iment que j'éprouve en moi, réflexive quand je m'appréhende dans mon intériorité.

Là, je me découvre comme sujet honteux.

La honte porte donc sur mon être, c'est-à-dire sur ce que je suis.

Dans la honte, le « je » se dédouble et peut alors s'établir une relation entre un moi qui est observé et un moi qui observe.

Cette honte semble donc être une attitude « réflexive ».

b) Une structure secondaire Cependant, Sartre émet une réserve à cette première thèse.

La honte ne serait pas « originellement » mais seulement secondairement, un phénomène de r éflexion.

C'est distinguer là le niveau de la réflexion de la consc ience sur elle-même et le niveau de ce qui précède toute réflexion et se vit sur le mode exist entiel de l'irréfléchi.

Or, cette distinction permet à Sartre d'écarter les formes complexes et d érivées de la honte « qui renvoient à la pratique religieuse de la honte ».

En effet, on peu t faire l'expérience de la honte dans la solitude mais cette expérience n'est pas première ; elle est une pratique, le résultat d'un choix par lequel le sujet peut décider, par exemple , de s'humilier dans un but religieux ascétique.

Mais c'est là une expérience particulièr e et sophistiquée et intellectuelle de la honte dont on se sert pour affirmer son infériorité par rapport à Dieu.

Or, Sartre entend saisir la structure première de la honte et s'attacher à s on expérience ordinaire et banale.

II va, contre toute attente, faire apparaître autrui comme condition même de la honte.

Comment au cœur même d'un souci apparemment purement réflexif autrui peut-il apparaître ? II.

La honte: un phénomène intersubjectif a) La nécessité d’autrui « La honte dans sa structure première est honte devant quelqu'un ».

Autrui apparaît dès lors comme celui devant qui la honte peut s'épr ouver.

Loin d'être un phénomène de pure réflexion, la honte se pense originairement co mme un phénomène intersubjectif, qui n'a de sens qu'entre des consciences et non dans la sol itude.

Autrui n'est pas ici réfléchi, pensé ou conceptualisé.

Autrui est d'abord quelqu'un que je rencontre et ce tte dimension de la rencontre décisive est bien soulignée ici par Sartre.

« Voici tout à coup que je lève la tête : quelqu'un était là et m'a vu ».

Autrui me surprend et sa présence s'impose à mo i.

Ce qui est décisif, c'est la rencontre d'un être dont je ne sais rien s inon qu'il est autre que moi.

Autrui apparaît dans cette expérience de la rencontre comme une tra nscendance, c'est-à-dire comme un être dont la présence s'impose à moi sur le mode ir réductible de l'altérité.

Cette rencontre se vit dans l'expérience du regard.

Je regarde autrui qui m'a regardé.

Autrui a donc déjà un avantage sur moi dans le sens où son regard s'est posé sur moi avant que je ne le vois et cette antériorité temporelle d u regard d'autrui, je la vis sur le mode de la passivité : il « m'a vu ».

Que va faire apparaître ce regard d'autrui, ce rapport « d'être vu par autrui » ?. »

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