Jean-Paul SARTRE: La deliberation volontaire est toujours truquée
Publié le 03/04/2005
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Problématique. L'acte volontaire était traditionnellement conçu comme résultant d'une délibération préalable. Mais pourquoi délibérons-nous ? Si la délibération est bien déjà une décision, c'est que nous avons déjà choisi, de sorte que c'est par l'acte préalable de ce choix qu'il faut comprendre le processus volontaire dons son ensemble. Enjeux. Le choix de la délibération n'a peut-être pas la même valeur que la décision d'agir sans délibérer. S'il est vrai que la délibération suppose déjà tout un ensemble de conceptions morales, supposant par exemple que l'action réfléchie est supérieure à l'action irréfléchie, il reste qu'elle garde toute sa valeur comme processus susceptible d'éclairer efficacement la volonté. Le mérite de Sartre est ici de montrer que la délibération n'est pas un processus qui se déploie dans le vide, sans préalable.

«
I.
— CONCEPTION CLASSIQUE
Dans la psychologie traditionnelle.Dans l'analyse traditionnelle de l'acte volontaire, la délibération était au second moment, après la conception, avantla décision et l'exécution.
La volonté étant définie comme une activité dirigée vers une fin consciente et réfléchie ilfaut d'abord qu'une représentation lui offre un but général d'action.
La vie se charge de nous en fournir.
Elle nousmet constamment en demeure d'agir.
Les tendances psychologiques de tout ordre la pressent et l'animent :aujourd'hui, par exemple, je dois pourvoir à ma subsistance, je dois accomplir mes tâches professionnelles, je mesens porté aussi à jouir de tel plaisir, à lire tel livre, à collaborer à telle entreprise charitable.
Notons déjà lacomplexité du problème : que de diversité dans les activités possibles, quel amas de valeurs hétéroclites !Cependant, si j'envisage un instant déterminé de ma vie, je sais en gros ce que j'ai à faire.
Supposons par exemplequ'une journée de vacance s'annonce.
A cette fin, divers moyens se proposent à mon intelligence : c'est laconception.
Mais il faudra choisir, et l'observateur traditionnel ne concevait pas qu'un acte volontaire pût êtreirréfléchi.
C'est alors qu'intervient la délibération : irai-je en excursion parce que j'ai besoin de me détendre ? Maisj'ai d'autre part un travail pressé à terminer; donnerai-je la préférence à celui-ci, ou bien encore à cette visitepromise à un ami depuis longtemps ? J'examine les diverses éventualités, je classe les activités par prioritédescendante, j'ébauche des emplois du temps.
Enfin, je tranche d'un jugement apparemment tout intellectuel que leplus raisonnable est de faire ceci ou cela.
C'est à la volonté maintenant d'entrer explicitement en action : elle doitadhérer à ce jugement, y donner son assentiment dans la vue immédiate de l'action prochaine.
Ce qui a lieu dans ladécision qui met fin à la délibération intellectuelle.
Il ne me reste plus qu'à exécuter.
Au jour dit, je traduis dans lesactes m« décision, je termine le travail prévu, puis je rends visite à mon ami.
L'acte volontaire est complet etachevé.
Dans les théories intellectualistes.Les théories intellectualistes acceptent ce senema et pensent découvrir dans la délibération le noeud de la volition.La critique de J.-P.
SARTRE porte tout particulièrement contre elles.
Dès les origines, la pensée philosophique,portée à l'unification, a voulu surmonter l'opposition entre intelligence et liberté qui apparaît dans l'acte volontaire.La raison est une faculté totalitaire, elle tend à tout s'assimiler, à tout réduire au nécessaire.
Si donc elle montreque telle conduite est plus rationnelle que les autres, vais-je renier ma condition d'être intelligent en optant pourl'absurde ? Le philosophe se résoudra-t-il à voir dans la liberté un pouvoir de négativité, d'irrationalité ? AvecSOCRATE et PLATON, la pensée grecque, trop éprise de clarté, s'y est refusée : « Nul n'est méchant volontairement«.
ARISTOTE, le père de l'analyse classique de l'acte volontaire, n'a pas en définitive d'autre opinion.
Ces premiersphilosophes, il est vrai, étaient encore fort loin de la notion moderne de la liberté dont l'élaboration est beaucoupplus tardive.
Mais la tendance intellectualiste a traversé les siècles.
Un acte absurde ne saurait être un actehumain, il ne saurait être rapporté à la responsabilité personnelle.
Si la volonté est une faculté humaine, il fautqu'elle soit une forme d'intelligence et l'acte volontaire une forme de jugement.
« La volonté, écrit SPINOZA, n'estqu'un certain mode de pensée, comme l'intelligence.
» Ici nous sommes aux antipodes de la doctrine de SARTRE.
Lesjeux se font par la délibération.
CRITIQUE. — L'expérience pourtant montre invinciblement le contraire.
Souvent, malgré la délibération, nous n'agissons pas.
Les tendances instinctives contrebalancent le jugement de la raison.
Parfois même la décision n'estpas décisive.
Seule l'exécution nous paraît la garantie d'un acte authentique de volonté.
La délibération peut eneffet être considérée comme un pouvoir inhibiteur de la volonté.
C'est pourquoi l'excès de délibération est souvent lepropre des faibles.
L'aboulique s'en remet aux événements pour la conduite de sa vie.
Non qu'il ne voie commentsortir de son marasme, mais il ne sait pas se décider.D'ailleurs, une seconde épreuve va encore diminuer le prestige de la délibération.
En effet, comment serait-ellepossible sans, un acte de volonté qui la précède ? Cela, la doctrine traditionnelle le tenait déjà contrel'intellectualisme.
Pas de délibération si l'on ne veut délibérer.
C'est la volonté qui fixe l'attention sur telle fin.Ces concessions ne sont évidemment d'aucune valeur aux yeux de J.-P.
SARTRE.
VOUS restez, nous dirait-il, dans ledomaine des analyses abstraites, votre critique n'est que la continuation de la comédie de la conscience claire.Reconnaissons avec lui une certaine insuffisance de la théorie classique des quatre moments.
M.
SARTRE n'a pasété le premier à l'attaquer.
L'activité humaine est beaucoup plus complexe qu'un schéma intellectuel pourrait lelaisser croire.
Il est facile aux philosophes de reconstituer dans leur bureau le processus mental idéal.
Mais qu'enest-il en réalité ? N'avons-nous jamais délibéré seulement « pour la forme .» sachant bien que la décision était prised'avance ? Et même lorsqu'il nous a semblé être parfaitement de bonne foi, pouvons-nous assurer que la délibérationavait l'importance que nous pensions ? La psychologie moderne a révélé la puissance des mystérieux ressorts del'inconscient.
Ne serait-ce pas à ce niveau que les jeux se font ? La délibération ne serait-elle pas que la projectiondans la conscience claire des décisions de ce moi enfoui ? En tout cas, nous pressentons la nécessité decomprendre l'acte volontaire de façon plus synthétique.
Le schéma classique est un peu trop simpliste, peut-être àtransformer, sûrement à améliorer.
II.
SIGNIFICATION HUMAINE DE LA DÉLIBÉRATION
Excès de la critique de M.
Sartre.Il s'agit de bien voir la position de M.
SARTRE.
Ce moi que la conscience nie, ce n'est pas le moi inférieur et viscéralde FREUD, c'est au contraire le véritable moi humain, le moi libre qui se crée à chaque instant et que la consciencene fait qu'anéantir en voulant le faire apparaître.J.-P.
SARTRE, comme nous l'avions noté, sépare de manière paradoxale la liberté et la volonté.
Le paradoxe ne va-t-il pas ici jusqu'à la contradiction ? Qu'est-ce qu'une volonté qui n'est pas engagement libre ? Qu'est-ce qu'une.
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