J'aimerais mieux des détails sur Racine et Despréaux, sur Quinault, Lulli, Lebrun, Poussin, Descartes, etc., que sur la bataille de Steinkerque.... Il ne reste plus rien que les noms de ceux qui ont conduit des bataillons... mais les grands hommes dont je vous parle ont préparé des plaisirs purs et durables aux hommes qui ne sont pas encore nés. » (Voltaire à Thiériot, 15 juillet 1735).
Extrait du document
«
VOLTAIRE
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Voltaire a élargi le domaine de l'histoire.
Il a fait une large
place à l'histoire des idées, des arts, de la civilisation.
C'est
ce point de vue qui apparaît, dès 135, dans la lettre à Thiériot.
I.
Légitimité
de ce point de vue.
1.
Voltaire a raison de s'insurger contre ceux qui ne veulent
voir dans l'histoire que les actions des rois ou des conquérants.
Il y a d'autres choses également intéressantes, dans
leurs conséquences pour la vie tout entière de la nation
commerce, industrie, religion, philosophie, sciences et arts....
Tout cela était assez négligé avant lui.
2.
Il est certain que les savants ou écrivains dont il parle
ont été les bienfaiteurs de l'humanité (tandis que les conqué-
rants en ont été parfois les fléaux...) et que leurs oeuvres sur-
vivent aux empires et aux nations.
H.
Ce point de vue n'est pas le seul.
1.
niais il faut noter d'abord que ce qui reste d'eux, ce sont
leurs
oeuvres et que des anecdotes sur leur vie n'ont que peu
d'intérêt en soi.
On ne sait rien d'Homère.
On a mieux que sa
biographie.
Un vers de Virgile vaut mieux que tous les potins
de Suétone....
Tandis que les généraux valent par leurs actions,
et ce sont ces actions qui s'insèrent dans la trame de l'histoire
qui est le récit et l'explication du passé.
Ne substituons pas
l'histoire-anecdotes à l'histoire-batailles.
2.
Le récit des guerres en constituera toujours une partie
importante,
car ce sont elles qui font et défont les empires.
Exemples...
Même si on se place au point de vue de la civilisa-
tion, elles ont une influence considérable...
Marathon, Actium,
Poitiers, La Marne...
Sans Marathon, nous n'aurions, sans
doute, ni Sophocle ni Démosthène....
3.
Et l'histoire militaire
a
aussi sa
dignité et comporte des
enseignements très précieux.
Il ne faut pas seulement y voir
les assassinats, pillages et destructions...
On peut en tirer de
grandes et nobles leçons : patriotisme, sacrifice, désintéresse-
ment, héroïsme, etc....
Il y a dans la vie autre chose
à
consi-
dérer que les plaisirs purs et durables que procurent les arts
et les lettres.
On sent l'épicurien dans la lettre de Voltaire.
Il ne faut donc pas être exclusif.
Voltaire ne l'a, d'ailleurs,
pas été...
Cf.
Charles XII;
et dans
le Siècle de Louis XIV il
y a.
»
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