J.-J. Rousseau, Du contrat social I, 6: « Trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant ? »
Publié le 22/03/2015
Extrait du document
Je suppose les hommes parvenus à ce point où les obstacles qui nuisent à leur conservation dans l'état de nature l'emportent par leur résistance sur les forces que chaque individu peut employer pour se maintenir dans cet état. Alors cet état primitif ne peut plus subsister, et le genre humain périrait s'il ne changeait sa manière d'être.
Or comme les hommes ne peuvent engendrer de nouvelles forces, mais seulement unir et diriger celles qui existent, ils n'ont plus d'autre moyen pour se conserver, que de former par agrégation une somme de forces qui puisse l'emporter sur la résistance, de les mettre en jeu par un seul mobile et de les faire agir de concert.
Cette somme de forces ne peut naître que du concours de plusieurs : mais la force et la liberté de chaque homme étant les premiers instruments de sa conservation, comment les enga¬gera-t-il sans se nuire et sans négliger les soins qu'il se doit ? Cette difficulté ramenée à mon sujet peut s'énoncer en ces termes.
« Trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant ? « Tel est le problème fondamental dont le contrat social donne la solution.
J.-J. Rousseau, Du contrat social I, 6
«
Rousseau, Du contrat social 35
Le livre un du Contrat social, posant les bases de la philosophie
politique rousseauiste, établit le fondement de l'autorité politique.
Après
avoir récusé l'origine naturelle des sociétés politiques, puis, au chapitre
quatre, l'absolutisme contractuel, Rousseau en vient au seul fondement
possible des sociétés politiques légitimes : le contrat d'association.
Le
chapitre éponyme
«Du pacte social» nous introduit au moment où s'ins
tituent les sociétés politiques pour mettre fin à l'état de guerre.
Le début
du chapitre six du livre un confronte la nécessaire sortie de cet état avec
l'exigence de préserver l'essence humaine, c'est-à-dire la liberté.
Le texte
se déroule en trois parties : le premier paragraphe rappelle la nécessité de
quitter l'état de nature, les deux paragraphes suivants qui constituent la
deuxième partie présentent respectivement la possibilité physique et les
conditions anthropologiques de la sortie de cet état.
Le quatrième para
graphe, dernière partie
du texte, rassemble les données qui constitueront
le pacte fondateur.
Le premier paragraphe nous renvoie au moment où, dans les termes
du
Discours sur l'inégalité, «les choses en étaient [ ...
] venues au point
de
ne pouvoir plus durer comme elles étaient' ».
Ces «choses» ou ce
« point » désignent les relations interhumaines au terme de l'état de
nature, ce que le texte appelle
« les obstacles », c'est-à-dire la généralisa
tion des conflits interindividuels.
Le point de vue est individuel, le
registre est physique, l'enjeu consiste tout entier à se conserver
- les
« forces » désignant ici l'ensemble des moyens pouvant être mis en œuvre
à cette fin
- et cette visée même, qui est celle de tous les individus, se
transforme en obstacle pour autrui : nous sommes, dès le début du texte,
très proche de Hobbes.
Et nous y restons lorsque Rousseau reprend, au début du deuxième
paragraphe, la modélisation physique pour considérer les moyens de
sortir de cet état.
Cette modélisation permet de quitter le point de vue
individuel et d'aborder
le collectif, au point de vue duquel les forces se
composent, s'agrègent en s'additionnant.
La construction de cette somme
indique la constitution progressive de l'unité sociale par l'institution
l.
Discours sur /'inégalité p.
164; cf.
également p.
174: «les choses en étant venues à ce point, il est facile d'imaginer le reste ».
Le « moment » en question est un moment de la
reconstruction théorique de l'évolution de la nature humaine.
Que l'on évite donc de poser la question de sa réalité historique, elle est inessentielle.
Cf.
sur ce point, récemment encore, E.
Blondel, Rousseau (Paris, Ellipses, 2000) p.
58..
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