IPSEITE ET ALTERITE CHEZ HEIDEGGER ENTRE SARTRE ET KIERKEGAARD
Publié le 01/06/2012
Extrait du document


«
2
qu'il existe facticiellement comme tel, il est un être-avec le Dasein d'autrui.
Se comprenant la plupart du
temps à partir des choses, l'autre est compris sur le mode de l'étant subsistant.
Le prochain, même s'il n'est
pas dans une proximité imm édiate, est compris dans son mode d'être- là-avec à partir des choses.
Néanmoins, l'être -au -monde est toujours un être -avec autrui.
« Les “autres” sont à chaque fois là avec
dans l'être -au -monde ”
4.
Le mode d'être du Dasein d'autrui tel qu'il est rencontré de manière intramondaine
se distingue de l'être -à -portée -de -la -main et de l'être -sous -la -main.
La rencontre des autre ne part pas du
Moi privilégié et isolé.
« En effet, la clarification de l'être -au -monde a montré que ce qui “est” de prime
abord n'est poi nt un simple sujet sans monde, et que rien de tel n'est non plus jamais donné.
Et en fin de
compte, tout aussi peu est donné de prime abord un Moi isolé sans les autres.
»
5 Le Dasein se comprend
de prime abord à partir de son « monde » en prenant autrui sur la base de son « monde ».
Car « c'est dans
la préoccupation du monde ambiant que les autres font encontre comme ce qu'ils sont ; ils sont ce qu'ils
font »
6.
Le Dasein quotidien entretient le « souci d'une différence à l'égard des autres » : « L'être -l'u n-avec-
l'autre (Miteinandersein) , à son insu, est tourmenté par le souci de cette distance.
Pour le dire
existentialement, il a le caractère du distancement .
»
7 Moins ce distancement est conscient, plus le Dasein
quotidien exerce une influence sur autrui.
Le distancement est donc la source de l'emprise d'autrui sur le
Dasein .
S'il n'est pas d’emblée lui- même, c'est que les autres lui ont retiré son être.
Les autres disposent de
ses possibilités.
L'essentialité du On réside dans sa domination des autres.
Il gît au sein de l'être -l'un -avec-
l'autre quotidien.
Le Dasein qui m'est propre se dissout dans le mode d'être des autres de telle sorte que s'évanouissent
toute différenciation .
« C'est dans cette non -imposition et cette im -perceptibilité que le On déploie sa
véritable dictature.
»
8 Sans attirer l'attention, il étend son emprise sur le Dasein.
Aussi, le On que nous
sommes de prime abord prescrit le mode d'être de la quotidienneté : « Nous nous réjouissons comme on se
réjouit ; nous lisons, nous voyons et nous jugeons de la littérature et de l'art comme on voit et juge ; plus
encore nous nous séparons de la “masse” comme on s'en sépare ; nous nous “indignons” de ce dont on
s'indigne.
»
9 P aradoxalement, ce souci de la distance prend le visage de l'aplanissement de la différ ence.
C'est ce qui définit la médiocrité (Durchschnittlichkeit) comme mode existential du On.
C elle-ci ravale
toute primauté, l'originalité tombe dans le familier, toute excep tion est soigneusement écartée.
Toute
supériorité est silencieusem ent rabattue ; tout ce qui est originaire est taxé de trivial ; tout ce qui se
conquiert est à sa disposition ; tout mystère est privé de sa puissance.
Bref, dans ce nivellement, aucune
grandeur ne peut émerger.
« Distancement, médiocrité, nivellement cons tituent, en tant que guises d'être
du On, ce que nous connaissons au titre de la “publicité”.
»
10 La publicité (Öffentlichkeit) règle toute
explicitation du monde, du Dasein , de l'être-avec.
Le On est indifférent à toutes différences, à l'écart de
l'être -So i authentique.
La publicité obscurcit tout ce qui est profond et fait passer ce qu'elle a voilé pour
bien connu et accessible à quiconque.
Elle fournit d'avance tout jugement, elle prédonne toute décision.
Il
le décharge de toute décision, de toute respons abilité jusqu'à sa charge d'être.
Personne n'a à se déclarer
parce que le On se propose de prendre tout en charge.
Au lieu d'assumer sa propre décision, chaque -un
(Einzelne) laisse le On décider pour lui.
Mais quand le On décide, en définitive personne ne décide.
Il
peut prendre tout en charge puisque personne n'a à répondre de rien devant personne.
« Mais, insiste
Heidegger, il y a plus encore : avec cette décharge d'être, le On complaît au Dasein pour autant qu'il y a en
lui la tendance à la légèreté et à la facilité, et c'est précisément parce que le On complaît ainsi
4
Heidegger, Sein und Seit, 1927, M.
Niemeyer, Tübingen, 14 éd., 1977, § 26, p.
[118] ; Etre et Temps , trad.
E.
Martineau,
Authentica, Paris, 1985, p.
103.
(Heidegger souligne.) Sauf indications contraires, les textes allemands seront donnés en référence
dans l’édition des œuvres complètes de Heidegger, parues dans la Gesamtausgabe (GA) chez V.
Klostermann, Frankfurt/Main.
On
indiquera entre crochets la pagination du t exte allemand, puis la page du texte traduit.
5 Ibid., § 26, p.
[116], 101.
Le Dasein se singularise dans son rapport à autrui selon la perspective du devenir -historial
(Geschehen) , de la joie communicationne lle, il laisse l’être de l’autre en sa liberté.
L e Dasein angoissé fait retour sur lui -même pour
rattraper son être -avec .
Cf.
Was ist Metaphysik ? , 1929, GA 9, p.
[113], [115] ; Qu’est -ce que la métaphysique ?, trad.
H.
Corbin,
Questions I, Gallimard, Paris, 1987, p.
60.
; Dans « Hegel Begriff der Erfa rhung », in Holzwege , GA 5, p.
[179], le Dasein destinal
comme être avec -autrui s’énonce comme co -destin, devenir -historial de la communauté.
L’angoisse individualisante se fait gaieté
(Heikerkeit), Sein und Zeit , p.
[118], joie (Freude) pour l’autre, in Einfü hrung in die Metaphysik , 1925, GA 40, p.
[3], Nietzche I ,
1936 -39, Neske, Pfüllingen, [56].
La camaraderie en tant que « compagnons d’angoisse », se lève de la communauté par l’angoisse
de ma mort.
Que dire de la voix de l’ami, de la fidélité, de la so llicitude dans Sein und Zeit, § [74], du respect mutuel, dans Kant
und das Problem der Metaphysik, 1929, GA 47, § 30, p.
[207] ; Kant et le problème de la métaphysique, trad.
A.
de Waelhens et
W.
Biemel, Gallimard, Paris, 1953, p.
294.
N’a- t- il pas thématisé l’amour ? Cf.
Prolegomena zur Geschichte des Zeitbegriffs ,
1925, GA 20, p.
[61] ; Höderlins Hymnen « Andenken », 1941/42, GA 52, § 54, p.
[161] ; Brief über den « Humanismus », 1946,
GA 9, p.
[316]
6 Ibid., § 27, p.
[126], 107.
(Heidegger souligne.)
7 I bid.
8 Ibid., § 27, p.
[126], 108.
9 Ibid.
10 Ibid., § 27, p.
[127], 108..
»
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