Iphigénie de Racine
Publié le 10/04/2013
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Clytemnestre laisse parler sa colère de mère et sa honte d'épouse Vous ne démentez point une race funeste. Oui, vous êtes le sang d' Atrée et de Thyeste. Bourreau de votre fille, il ne vous reste enfin Que d'en faire à sa mère un horrible festin. Barbare ! c'est donc là cet heureux sacrifice Que vos soins préparaient avec tant d'artifice. Quoi ? l'horreur de souscrire à cet ordre inhumain N'a pas, en le traçant, arrêté votre main ? Pourquoi feindre à nos yeux une fausse tristesse ?
Quand les vents sont tombés, quand la parole est équivoque, mensongère, le regard alors constitue le moteur ultime de l'action, résolvant le blocage de la pièce : le tragique racinien est pictural. « Tuer Iphigénie ou ne pas la tuer, disait la tragédie. Et Racine répond : la tuer et « en même temps « ne pas la tuer, car immoler Ériphile, c'est sauver la signification du meurtre sans cependant en assumer l 'absolu. « Roland Barthes.

«
EXTRAITS -- -
«Il l'attend à l'autel pour la sacrifier.
»
Agamemnon révèle à Arcas la sentence des dieux
Nous partions; et déjà par mille cris de joie
Nous menacions de loin les rivages de Troie.
Un prodige étonnant fit taire ce transport :
Le vent qui nous flattait nous laissa dans le port.
Il fallut s'arrêter, et
la rame inutile
Fatigua vainement une mer immobile.
Ce miracle inouï me
fit tourner les yeux
Vers la divinité qu'on adore en ces lieux.
Suivi de Ménélas, de Nestor et d'Ulysse,
J'offris sur ses autels un secret sacrifice.
Quelle fut sa
réponse! et quel devins-je, Arcas,
Quand j'entendis ces mots prononcés
par Calchas :
« Vous armez contre Troie une puissance vaine,
» Si dans un sacrifice auguste et solennel
»Une fille du sang d'Hélène
» De Diane en ces lieux n'ensanglante l'autel.
»Pour obtenir les vents que le ciel vous dénie,
»Sacrifiez Iphigénie.
»
Acte I, scène 1
«A peine son
sang coule et
fait rougir la
terre/ Les Dieux font sur l'autel
entendre le tonnerre.»
Clytemnestre laisse parler sa colère de mère
et sa honte d'épouse
Vous ne démentez point une race funeste.
Oui, vous êtes le sang d' Atrée et de Thyeste.
Bourreau de votre fille, il ne vous reste enfin
Que d'en faire à sa mère un horrible festin.
Barbare ! c'est donc là cet heureux sacrifice
Que vos soins préparaient avec tant d'artifice.
Quoi
? l'horreur de souscrire à cet ordre inhumain
N'a pas, en le traçant, arrêté votre main ?
Pourquoi feindre à nos yeux une fausse tristesse ?
Pensez-vous par des pleurs prouver votre tendresse ?
Où sont-ils ces combats que vous avez rendus ?
Quels flots de sang pour elle avez-vous répandus ?
Quel débris parle ici de votre résistance ?
Quel champ couvert de morts me condamne au silence ?
Voilà par quels témoins il fallait me prouver,
Cruel , que votre amour a voulu la sauver.
Un oracle fatal ordonne qu'elle expire.
Un oracle dit-il tout ce qu: il semble dire ?
Le ciel, le juste ciel, par le meurtre honoré,
Du sang de l'innocence est-il donc altéré
?
Si du crime d'Hélène on punit sa famille,
Faites chercher à Sparte Hermione, sa fille :
Laissez à Ménélas racheter
d'un tel prix
Sa coupable moitié, dont il est trop épris.
Acte IV, scène 4
NOTES DE L'ÉDITEUR discutés).
»Roland Barthes, Sur Racine.
plus travaillées, et jusque dans l'extrême
détail de l'expression.
( ...
) La consistance
verbale a ici la souplesse inflexible de la
musique, qui se prête à tout sans jamais
cesser d'être elle-même.
( ...
)Racine a
trouvé une langue qui chante et signifie à la
fois :
c'est dans la texture du verbe que
s'unissent incantation et démonstration ;
Iphigénie, par-delà l'opposition scolastique
entre poésie pure et impure, nous fait
accéder à la poésie totale.
»
«Toutes
ces
personnes (car il s'agit bien de
revendications individuelles) sont agitées,
opposées ou plus encore liées
ail sein d'une
réalité qui est en fait le personnage central
de la pièce : la famille, (
...
) solidement
constituée, pourvue
d'un noyau complet
(le père, la mère, la fille), de collatéraux
(Hélène, autour de qui on se dispute),
d'ascendants
(mari et femme se les jettent
à la tête) et
d'une alliance prochaine
(les
« droits » du futur gendre sont âprement
1 ERL / Sipa Jcono 2, 3 , 4 grav.
de G.
Leroux/ La Belle Edition , Paris
« La poésie a dans Iphigénie trouvé
miraculeusement son langage.
Si
l'on n'était
sans cesse emporté par le mouvement du
drame, qui donne à chaque vers -volonté
ou fatalité -une valeur d'action,
l'on serait
tenté de voir dans cette pièce une admirable
anthologie de la poésie racinienne.
Plus
encore que dans les autres tragédies, on a
presque à chaque vers une impression de
trouvaille méritée, de perfection, de fini.
A
coup sûr,
Iphigénie est une des pièces les Raymond
Picard, préface
à Iphigénie,
Gallimard.
RACINE06.
»
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