INTUITION ET RAISONNEMENT ?

a) Ce que le raisonnement doit à l'intuition. L'intuition est indispensable au discours, sa présence est constante dans les opérations du raisonnement. Pour le mettre en évidence, reprenons la comparaison des longues chaînes de propositions. Au début du processus discursif, il y aura toujours un acte d'intuition car il faut voir le premier maillon de la chaîne. Quelle soit psychologique, sensible ou rationnelle l'intuition illuminera les données initiales au départ du discours, sans parler de cette intuition divinatrice qui donne le branle à l'invention chez l'homme de génie. Au cours du processus discursif, l'intuition ne cesse d'accompagner de sa lumière les démarches opérationnelles de la pensée, elle est comme une vision qui se déplace et grâce à quoi nous évitons d'enchaîner les propositions défectueusement, dans la nuit qui tomberait sans elle sur le travail de l'esprit. Elle balaye de ses feux l'univers du discours et suit de son rayon la danse des idées comme un projecteur permanent. On l'a dit très justement : "A chaque pas dans un raisonnement, la liaison même des idées qui constitue la démonstration n'est pas démontrée mais perçue, sentie, saisie comme valable, nécessaire, évidente" (PARODI). En effet, comprendre un raisonnement c'est pouvoir en suivre le dessin d'ensemble comme aussi les articulations. Ce n'est possible que si l'on a une triple connaissance intuitive : celle des concepts où brille une essence cristallisée, celle du rapport qui relie ces concepts dans des jugements et celle de l'organisation de ces jugements dans la structure du raisonnement. A la fin du processus discursif, il faut encore une vision intuitive de la conclusion obtenue. Comme le voyageur le soir sur la colline mesure du regard le chemin déjà parcouru, la pensée se retourne et perçoit d'un coup d'oeil la route suivie jusqu'au point d'arrivée. Alors le raisonnement est vraiment compris.