Introduction Ce texte de Bergson, extrait du chapitre IV de L’Evolution créatrice, a pour objet d’exposer la racine d’une illusion trop répandue en ce qui concerne notre rapport au réel.
Publié le 07/10/2019
Extrait du document
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Mais qu’est -ce que cela signifie, que la réalité soit " comme " un perpétuel devenir ? Il nous faut, pour y répondre,
regarder les lignes 2 et 3, qui sont une explicitation de la thèse de Bergson.
En quelque sorte, nous av ons là une
description de la réalité.
La réalité est comme un perpétuel devenir, c’est -à-dire, qu’ " elle se fait ou elle se défait,
mais elle n’est jamais quelque chose de fait ".
Le " ou " nous semble ici connoter l’alternative : ou bien la réalité se
fait (c’est -à-dire, est en train de se faire, en voie de formation), ou bien elle se défait (c’est -à-dire, adopte un
mouvement inverse), mais, en tout cas, elle n’est jamais quelque chose d’achevé, de déjà formé (d’ailleurs, elle n’est
pas une chose, un ceci ou un cela, mais un flux). Nous avons là une conception résolument dynamique du réel : la
réalité est toujours " se faisant ", elle est sans cesse en train de changer, et la stabilité serait pour elle une perte de
réalité.
Le réel a, chez Bergson, horreur de l’immobile… La réalité est mouvante et peut adopter des mouvements
inverses, différents ; ces mouvements sont des sortes de changements de direction que prendrait la réalité.
Mais ce
que semble ici nous suggérer Bergson, c’est que le seul " inerte " qu e l’on peut prêter à la réalité, sera une sorte de
" détente ", c’est -à-dire que ce sera toujours du mobile.
Car une chose est sûre : changer, ou ne pas être, telle serait
finalement la thèse de Bergson.
Et nous voilà encore menés à dire que Bergson invers e le rapport être -devenir de la philo classique, car ce n’est plus,
on le voit, le devenir qui est une diminution d’être et appelle donc un jugement de valeur négatif : au contraire, c’est
ce que les philosophes appellent " être " qui se voit dépourvu de t oute réalité.
Pour Bergson, le stable s’oppose à
l’être véritable.
La réalité est mouvante, ou elle n’est pas réelle, tel sera le présupposé latent du texte de Bergson.
Ainsi devons -nous préciser que si Bergson ne dit pas que la réalité est en perpétuel de venir, c’est pour ne pas
exprimer le contraire de sa thèse (car cela reviendrait à " chosifier " la réalité).
Nous devrons nous garder de voir en
Bergson un disciple d’:éraclite, pour qui cette formule signifiait que ce qui nous apparaît est en perpétuel
écoulement et que, par conséquent, il fallait chercher l’être, le réel, ailleurs (mais nous y reviendrons).
Bergson n’a
pas pour préoccupation de fonder le devenir ; au contraire, il voudra nous montrer que le devenir est l’être profond
des choses.
Reste à voir, justement, comment s’appréhende la réalité.
L’absolu est -il, vraiment, connaissable ? Revenons à ce
que dit Bergson au début du texte : il dit que la réalité lui est " apparue ".
Le choix du mot laisse entendre, déjà, que
ce n’est pas par un acte de connaissance au sens habituel du terme que nous pouvons la " connaître " : comme nous
l’avons vu, elle s’expérimente.
Bergson va donc maintenant nous exposer (lignes 3 à 8) comment il faut s’y prendre, pour voir l’absolu.
Ou, en
d’autres termes, comment il est possible d’appréhender que la réalité est véritablement telle qu’il la soutient.
Et,
comme il y a deux faces de la réalité, il nous montre comment on saisit, d’un côté, que l’esprit est bien se faisant, et
de l’autre, que la matière l’est aussi.
Pour saisir, donc, que l’esprit est bien se faisant, il faut avoir recours à l’intuition
(ligne 3).
Celle -ci consiste en une purification, car elle est, comme nous le montre Bergson, un dévoilement.
En effet,
il faut écarter " le voile qui s’interpose entre not re conscience et nous ".
Ce qui présuppose bien entendu que la
réalité de l’esprit est voilée.
Mais, plus encore, cela présuppose que cet absolu qui est l’objet de notre recherche est
en nous (et non " d’ailleurs "), mais qu’il est, donc, caché, par des mé diations " interposées " entre notre esprit et
nous -mêmes.
On notera ici l’importance du temps employé, à savoir, le présent, qui connote l’effectif.
En effet, on peut dire que la
présentation de l’intuition que nous fait Bergson (" telle est l’intuition … ") se ramène à nous dire ceci : que la réalité
soit telle que je vous le dis, c’est ce que chacun de nous peut expérimenter en lui -même (c’est sans doute ainsi
qu’elle sera apparue à Bergson lui -même, qui nous ferait part ici de son expérience originelle… ).
L’expérience
(immédiate, comme nous le verrons) de la conscience fait donc figure de donnée indubitable (quant à la nature de la
réalité) et témoigne de ce que l’absolu est connaissable.
En effet, on peut comprendre ici (lignes 3 à 5) que, comme
la pris e de possession de l’esprit par soi -même est possible, c’est que l’intuition existe ; c’est -à-dire, que non
seulement l’absolu est en nous, mais encore, il est saisissable (du dedans, et de façon immédiate, puisqu’il faut alors
annuler les médiations).
La métaphysique reprend ses droits, et n’a plus besoin de s’envoler vers d’autres cieux…
Mais il nous reste à voir la matière " se faisant " (il est nécessaire qu’elle le soit puisque non seulement elle est une
partie de la réalité, mais encore, ce qui fait d ’elle qu’elle est réelle, c’est justement qu’elle est se faisant).
Cependant,
nous allons sûrement ici rencontrer un problème, car la phrase est au conditionnel.
L’emploi du conditionnel
implique que l’on a, cette fois, quelque chose de non effectif, c’est un idéal, quelque chose qu’il est difficile, voire
impossible, d’accomplir ; c’est ce que l’on peut appeler un passage à la limite.
Mais voyons donc comment il faudrait.
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