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Introduction à la notion de temps

Publié le 08/01/2020

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temps

Quel sens cette opération de coupure prend-elle par rapport au temps ? Il apparaît que le temps se définit lui aussi et comme séparation d'éléments indivis : les instants qui se succèdent, et comme réunification de ces éléments : le temps qui passe se rassemble en une histoire, une vie, les instants ne se dispersent pas mais s'articulent entre eux selon un ordre. Le temps se caractérise donc à la fois par sa puissance de division et d'exclusion et par sa puissance d'unification et de rassemblement.

Cette double puissance de la coupure est à l'œuvre au sein même du concept de temps. C'est elle en effet qui provoque ce que nous avons examiné plus haut : unité du concept de temps et diversité de ses phénomènes. Tout se passe comme si le temps désignait une réalité tout à la fois identique à elle-même et différente d’elle-même; comme si le temps était à la fois même et autre que soi.

La question de l'être du temps

Une question s'impose alors : Qu'est-ce que le temps?

Très simple en apparence, cette question, qui motive tous les grands traités consacrés au temps dans la tradition philosophique, nous conduit au cœur du problème. On entend, en elle, le mot être. C'est bien l'être du temps qu'il convient d'interroger, et toute pensée philosophique du temps est nécessairement une méditation sur les rapports du temps et de l’être. Toute la difficulté est bien de parvenir à déterminer l'être d'une réalité à première vue contradictoire, même et autre, unifiante et excluante à la fois. Le temps se propose ainsi d'emblée à la pensée comme une • ■ énigme ontologique. L'ontologie, telle qu'Aristote la définit dans la Métaphysique, est la « science de l’être en tant qu'être ». Si le temps doit être soumis à un questionnement ontologique, c'est parce que, comme le dit encore Aristote, dans la Physique, il « n'a qu'une existence imparfaite et obscure », et parce que l'on ne sait pas « s’il faut le placer parmi les étants, ou parmi les non-étants ».

La méditation aristotélicienne sur le temps révèle que le temps est en réalité à la fois étant et non-étant. À peine entrevu, le temps s'évanouit. Il se cache en son phénomène même. Source de tout apparaître sensible, le temps,

Ces conseils ne sont pas de pure forme. Les pièges qu'ils recommandent d'éviter sont en effet tendus à la pensée par le temps lui-même. Reprenons-les :

Le temps qui passe est synonyme de vieillissement et de déclin. Cela est vrai. Cependant, une difficulté se présente aussitôt : peut-on appréhender le passage du temps comme un processus simplement linéaire, un parcours en ligne droite qui, de la naissance à la mort, donnerait à l'existence la forme d'une trajectoire rectiligne ? Si tel était le cas, comment pourrait-on expliquer le travail de la mémoire, les brusques retours du passé dans le présent, qui nous donnent le sentiment que la mort et le néant sont tout autant derrière que devant nous, comme si notre vie était prise en un cercle ?

Cette première difficulté conduit à l'examen du second piège. Une enquête philosophique sur le temps doit certes s'ordonner à l'étude des différentes conceptions du temps dans l'histoire de la philosophie. En effet, peut-on faire autrement que d'aborder le temps d'une manière elle-même chronologique ? Mais, précisément, qu'est-ce que la chronologie ? Il se pourrait bien, au vu des remarques précédentes, que la chronologie ne soit pas elle-même un procès nécessairement linéaire. Dès lors, une enquête simplement historique sur le temps risque de manquer son objet. Une seconde difficulté apparaît : comment concevoir un discours raisonné qui, tout en traversant l'histoire de la philosophie, n'en respecte pas moins la richesse de rythmes, la pluralité de dimensions de la temporalité ?

Si cette richesse et cette pluralité résistent à un examen qui serait une simple chronique, n'est-ce pas parce qu'il est impossible de donner du temps une définition simple, c'est-à-dire univoque? Il existe bien un temps linéaire : le temps de la nature, qui mesure l'alternance du jour et de la nuit, des saisons, le temps universel de l'horloge qui se divise en unités quantifiables. Mais l'on voit tout de suite que ce temps ne peut être le même que celui qui fait de l'existence individuelle une durée concrète au sein de laquelle passé, présent et futur composent continûment les uns avec les autres sans qu'il soit possible de les soumettre à une arithmétique. On pourra certes, pour résoudre la difficulté, opposer temps de la nature et temps

l'être du temps revient nécessairement à tenter de dégager, au sein du temps lui-même, un élément qui ne soit pas soumis au mouvement perpétuel de l'écoulement des instants. Si l'on échoue à dégager un tel élément, il faudra alors conclure que le temps est purement et simplement non-étant. Conclusion qui n'est pas satisfaisante puisque nous sentons tous, à défaut de le savoir, que le temps existe à sa manière.

Nous verrons qu'un des moments du temps, le présent, permet, en sa fragile stabilité, de tisser le lien de l'être et du temps. Certes, le présent est fugitif, il ne se donne qu’un instant, destiné à passer, à se séparer du présent qu'il sera. Mais dans le temps où le présent est présent, il se rassemble auprès de lui-même et acquiert, un moment, la constance de la présence intemporelle. Il rend possible la saisie de la temporalité par la pensée. Le présent est le mode temporel qui rend le temps présentable, c'est-à-dire pensable. Nous verrons que tous les grands philosophes « de la tradition tentent de donner au présent le statut de gage ontologique de la présence du temps.

La résistance du temps

La difficulté, cependant, n'est pas résolue pour autant. Comprendre le temps à partir du présent, confronter le temps à l'éternité, n'est-ce pas penser le temps à partir de Vintemporel et donc, en un certain sens, annuler le temps lui-même?

Cette difficulté est mise au jour par Heidegger dans son ouvrage Être et temps (1927), ouvrage qui opère un véritable bouleversement de la conception traditionnelle du temps. Nous venons de le voir, penser le temps à partir du présent revient en quelque sorte à réparer son défaut d’être, à lui donner la plénitude et la constance qui lui manquent. Or c'est très précisément ce postulat que la pensée de Heidegger remet en question. En effet, elle remet absolument en cause le privilège du présent. Ni l'être, ni le temps ne peuvent, selon Heidegger, se présenter.

Déterminer l'être, ou la substance, comme présence revient, selon Heidegger, à commettre une confusion onto-logique, à confondre l'être et l'étant. Qu'est-ce à dire ? La

temps

« Ces conseils ne sont pas de pure forme.

Les pièges qu'ils recommandent d'éviter sont en effet tendus à la pen­ sée par le temps lui-même.

Reprenons-les : Le temps qui passe est synonyme de vieillissement et de déclin.

Cela est vrai.

Cependant, une difficulté se pré­ sente aussitôt : peut-on appréhender le passage du temps comme un processus simplement linéaire, un parcours en ligne droite qui, de la naissance à la mort, donnerait à l'exis­ tence la forme d'une trajectoire rectiligne? Si tel était le cas, comment pourrait-on expliquer le travail de la mémoire, les brusques retours du passé dans le présent, qui nous donnent le sentiment que la mort et le néant sont tout autant derrière que devant nous, comme si notre vie était prise en un cercle? Cette première difficulté conduit à l'examen du second piège.

Une enquête philosophique sur le temps doit certes s'ordonner à l'étude des différentes conceptions du temps dans l'histoire de la philosophie.

En effet, peut-on faire autrement que d'aborder le temps d'une manière elle­ même chronologique? Mais, précisément, qu'est-ce que la chronologie? Il se pourrait bien, au vu des remarques pré­ cédentes, que la chronologie ne soit pas elle-même un pro­ cès nécessairement linéaire.

Dès lors, une enquête simple­ ment historique sur le temps risque de manquer son objet.

Une seconde difficulté apparaît : comment concevoir un discours raisonné qui, tout en traversant l'histoire de la phi­ losophie, n'en respecte pas moins la richesse de rythmes, la pluralité de dimensions de la temporalité? Si cette richesse et cette pluralité résistent à un examen qui serait une simple chronique, n'est-ce pas parce qu'il est impossible de donner du temps une définition simple, c'est-à-dire univoque? Il existe bien un temps linéaire: le temps de la nature, qui mesure l'alternance du jour et de la nuit, des saisons, le temps universel de l'horloge qui se divise en unités quantifiables.

Mais l'on voit tout de suite que ce temps ne peut être le même que celui qui fait de l'existence individuelle une durée concrète au sein de laquelle passé, présent et futur composent continûment les uns avec les autres sans qu'il soit possible de les sou­ mettre à une arithmétique.

On pourra certes, pour résoudre la difficulté, opposer temps de la nature et temps. »

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