Influence de la pensée sur le langage et du langage sur la pensée. — Montrer comment cette influence a été exagérée, au xviiie siècle, par Condillac et son école.

Exorde et proposition. — Dans la réalité et dans l'état actuel de l'intelligence humaine, l'homme ne pense qu'avec le secours des mots; on ne peut séparer la pensée du langage que par une abstraction, comme on ne peut séparer le langage de la pensée que par une autre abstraction; il y a corrélation entre le développement de la pensée et celui du langage; on ne peut concevoir une idée sans concevoir dans le même temps le mot que nous avons l'habitude d'associer à cette idée, et de même tout mot correspond à une idée. Néanmoins la pensée est antérieure au langage, c'est elle qui engendre le langage, elle est la cause et il n'est que l'effet ; si l'influence est réciproque, le premier progrès est toujours dû à la pensée ; le langage n'est que l'instrument de la pensée, il ne faut donc pas lui attribuer le pouvoir d'engendrer la pensée ni dire avec Condillac que Pari de raisonner se réduit à une langue bien faite.