Imagination et réalité se contredissent-ils nécessairement ?
Publié le 24/10/2009
Extrait du document
*Il est question ici d'une contradiction : la contradiction est une forme d'opposition très forte entre deux notions, qu' Aristote repérait déjà dans l'Organon. Il ne faut pas confondre contradiction et contrariété : la contradiction implique que de deux propositions opposées l'une ou l'autre soit vraie, à l'exclusion de toute autre (règle du tiers exclu). Par exemple en mathématique, telle figure géométrique est ou non un triangle, et il n'y a pas d'autres possibilités. En revanche, deux contraires peuvent être faux ensembles, ou vrais ensemble selon un certain point de vue. Ainsi la proposition : “ Il y a une vie extraterrestre ” n'est ni vraie ni fausse. Deux notions contradictoires s'opposent donc absolument, s'excluent mutuellement.
*D'autre part, l'imaginaire désigne souvent ce qui est inventé, le réel plutôt ce que l'on constate. Ces deux idées s'opposent certes, mais est-ce d'une manière telle que l'on puisse parler d'une contradiction ?
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corroborent, que les personnes n'ont pas à se “ donner le mot ” pour mentir plus sûrement, est un fait établi : c'estune réalité incontestable.Un fait existant ne peut jamais être établi autrement que par le témoignage de ceux qui y ont assisté et par lestraces qu'il a laissées.
De la même façon un document peut toujours se révéler être un faux, la convergence issuede documents indépendants suffit à établir un fait existant.Nous avons donc bien suffisamment de moyens directs de reconnaître la réalité de la fiction ou du rêve.
L'histoirequ'on écrit n'est pas un roman : elle implique la description des sources et le recueil de témoignages (qui avec letemps deviennent aussi des documents).
C.
Le problème de l'illusionNous avons donc les moyens de reconnaître la réalité telle qu'elle se présente, et celle-ci ne peut être confondueavec un récit inventé, ou un rêve.Mais un problème se pose : prenons l'exemple d'une ruse.
Un homme, par un subterfuge quelconque, fait croire à desspectateurs qu'il peut faire disparaître tel ou tel objet de leur champ de vision.
Doit-on dire, puisque tous leconstatent, que cette disparition est un fait existant ? Le prestidigitateur lui-même sait que ce n'est pas le cas,puisqu'il constate tout autre chose : son subterfuge fonctionne.
Il plonge les autres dans l'illusion.Autrement dit, nous croyions que la définition de l'existence par le constat partagé suffisait à exclure l'imaginaire duréel : le réel, c'est ce que tous constatent ; l'imaginaire, c'est ce qu'un seul croit constater.
Mais tous peuvent enmême temps croire constater quelque chose, et ils confondent alors ce qui existe et ce qu'ils croient exister.Cette définition ne rend pas impossible l' illusion généralisée.
Ce qui existe vraiment ne peut pas se distinguer de ce que tous croient exister.
2.
Ce que l'on constate n'est que la contrefaçon de ce qui existe vraiment A.
Réalité et changementComment tous les hommes pourraient-ils se tromper sur la réalité elle-même ? Dans le cas du prestidigitateur, onpeut rapidement faire toute la lumière, en interrogeant celui qui tire les ficelles.
Mais comment une erreur universelleest-elle possible ?Plaçons-nous dans la situation où nous constatons qu'une chose existe.
Tel fait, tel objet existe : je le vois, letouche, il est devant moi, et je peux le montrer aux autres.
Mais je ne suis pas certain que demain cette mêmechose existera, au même endroit, exigeant de moi le même constat.
Les choses que nous constatons disparaissentparfois : elles changent.
Nous ne pouvons pas affirmer absolument que les choses que nous constatons existent, car elles sont soumises au changement.
B.
Réalité et idéeCe dont on pourrait affirmer pleinement l'existence, c'est ce qui serait toujours identique à soi, qui ne changeraitpas.
Une telle réalité, Platon la nomme Idée.
Si nous croyons que telle ou telle chose que nous constatons “ existe”, c'est parce qu'elle ressemble, pour un moment (avant qu'elle ne change), à l'Idée qui, elle, ne change pas.
Seule l'idée existe pleinement.
L'illusion dans laquelle nous sommes tous plongés consiste à confondre ce qui existeabsolument et ce que nous croyons exister.Nous croyons qu'existe ce que nous livrent nos sens, mais ce que nous livrent nos sens n'est en fait qu'unecontrefaçon, temporaire, de ce qui demeure toujours identique à soi, et qui peut seulement être perçu par lapensée.
Les sens qui font partie de ce qui en nous est soumis au changement, ne nous donnent à saisir que ce quiest soumis au changement.
La pensée, elle, qui peut échapper au changement, nous donne à saisir l'idée.
C.
Le réel imaginaireL'illusion pose un réel imaginaire, celui dans lequel on croit.
Ce réel imaginaire s'oppose au réel tel qu'il peut êtreconçu.
Si le premier existe pour nous, c'est seulement parce qu'il est la contrefaçon du second, qui est absolument. Nous croyons échapper à l'illusion, mais c'est parce que nous y sommes entièrement plongés.Cependant, une fois l'illusion dissipée, par une sorte de conversion à la réalité conçue, la copie ne saurait seconfondre avec le modèle.
L'Idée ne change pas, par opposition à tout ce qui change.
La réalité au sens propre(celle de l'Idée) ne contient rien d'imaginaire : l'Idée n'est aucunement inventée par nous puisqu'elle est de toustemps identique à elle-même, elle n'est pas un semblant de la réalité, elle est la réalité même qui est imitée par leschoses qui nous entourent.Pour celui qui sait, la réalité est contradictoire avec tout ce qui change et qui constitue ce réel imaginaire danslequel tous croient à tort.
Ainsi, même le discours qui doit nous conduire vers les Idées, étant forgé par nous, est del'ordre d'un réel imaginaire : il prend d'ailleurs chez Platon la forme d'un récit, d'une fiction littéraire : le mythe oul'allégorie (la caverne dans la République, le vol de l'âme dans le Phèdre ...). 3.
La certitude de l'existence A.
Nécessité de la certitudeTout ce qui ne change pas est absolument, a une réalité pleine.
Tel est le critère de la réalité.
Mais est-il impossiblede rêver d'une chose qui ne change pas ? Certes, le contenu de nos rêves correspond souvent aux choses qui nousentourent, et qui sont soumises au changement.Mais dressons le tableau d'une hypothèse : posons la proposition mathématique suivante : 2 + 2 = 4.
Tout le mondes'accorde comme moi à reconnaître la validité d'une telle proposition.
Chacun est prêt aussi à reconnaître qu'elle nemontre aucun signe de changement.
Aussi est-il difficile de croire qu'une telle proposition pourrait advenir dans unsimple rêve.Mais rien ne m'assure non plus que ce résultat n'est pas le résultat d'une tromperie ourdie par un prestidigitateur.
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