Imagination et Entendement

« 118 PSYCHOLOGIE prement dite, c'est-à-dire la faculté de comprendre en percevant des .

rap­ ports qui échappent à l'animal, suffit à ussurer un rendement supéneur: Les hommes réputés intelligents ont aussi une expérience et un savoir qm interviennent constamment dan-s les jugement8 qUJ'ils portent.

Leur activité mentale est aidée par l 'imaginaU.on, faculté polymorphe à laquelle on attribue des fonctions assez diverses : celle de penser par images et de faire revivre le pa8sé dans ses• apparences concrètes, celle d'ébaucher, à partir d'expériences antérieures, des constructions inédites, non seulement d'ordre sensoriel ou expérimental, mais encore d'ovdre strictement ration­ nel; c'est en effet à l'imagination de leurs auteurs qu'on impute la pre­ mière idée des grandes théories scientifiques tout comme celle d'une œuvre picturale ou rûmanesque.

L'imagination joue donc dan8 la vie intellectuelle un rôle fort important que nous allons tâcher de [préciser.

* • * Au sens large, le terme de « vie intellectuelle » désigne l'ensemble des fonctions qui contribuent à nous faire connaître et à nous faire com­ prendre les cho·ses.

Nou-s commençons d·onc par observer le rôle de l'ima­ gination dans l'activité plus humble d'où nous viennent no8 connaissances.

La connaissance semble débuter par la perception.

En réalité, nous ne percevons guère sans avoir, au préalable, imaginé ce que nous allons per­ cevoir; qu'on observe ce qui o;e passe quand nous attendons un ami ou un parent à la sortie d'une gare ou d'une salle de 8pectacle : nous proje­ tûns au-devant de la sensation attendue des images qui la renforcent et la complètent.

Faute de ces images, quand nous voyons quelque chose p·our la première fois, la vue manque d'abord de netteté; nous devons procéder à une sorte d'inventaire et enregistrer des images qui viendront ensuite faciliter l'interprétation des données sensorielles.

Il n'y a rpas de bonne perception sans préperception; or, prépercevûir, c'est imaginer.

Grâce aux images enregistrées je p·erçois même plus qu'il n'est effecti­ vement donné à mes sens.

Je reconnai.s ma mère ou mon frère à leur allure et, même lorsqu'ils sont éloignés on dans 1 'ombre, je vois leur visage.

Il 8erait P'lus juste de dire que je 1 'imagine.

C'est en effet l 'ima­ gination qui supplée à l'insuffisance des données sensorielles.

cc Percevoir, a dit BERGSON, finit par n'être plus qu'une occasion de se souvenir >>, mais la mémoire qui intervient dans la perception c'est princ~palement la mémoire imaginativ~; aussi, pourrait-on dire aussi ju8tement que percevoir finit par n'être plus qu'une occasion d'imaginer.

La mémoire, nous venons de le dire, est en partie faite du pouvoir de conserver du passé des images concrètes : la mémoire imaginative constitue la forme élémentaire de l'imagination.

Mais, de plus, dans le rappel des 8ouvenirs, l'imagination intervient sous sa forme constructrice : comme dans la perception, elle comble les vides et supplée à l'insuffisance de.s données mémorielles, en sorte que s.e souvenir c'est, dans une grande mesure, imaginer; dans 1 'évocation laborieuse des souvenirs lointains et dans leur localisatiûn, c'est l'imagination qui s'évertue à multiplier les combinaisQns dans lesquelles le détail cherché apparaftra enfin à >Sa place e:K'acte dans le temps et dans l'e8pace.

Nous pourrions faire des nbservations du même genre à propo·s de l'as·so­ ciation qui a tenu une place si importante dans la psychologie du s•iècle dernier : associer, c'est surtout imaginer.

Il est 8ans doute des as.sociations. »