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« Il se faut prêter à autrui et ne se donner qu'à soi-même ». Vous expliquerez et vous discuterez ce précepte de Montaigne ?

Publié le 29/03/2004

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Ils cherchent à jouir totalement de leur être, eux aussi, en se souciant le moins possible de leur entourage. Tyranneaux domestiques, bureaucrates pusillanimes, les Joseph Prud'homme abondent ; ils ne se retirent pas dans les « librairies », mais ils soignent leur confort physique, choisissent leur fauteuil et leurs pantoufles, se consacrent à leurs collections. Ils ne sont que les caricatures de ce que souhaitait Montaigne. A un niveau plus élevé, nous retrouvons les mêmes principes chez le héros des Thibault, Antoine, le médecin. Que ce soit en amour ou en politique, il se refuse à s'engager tout entier, pour préserver l'équilibre qui constitue sa force essentielle. Le Ménalque de Gide et le Philippe de Barrés recherchent l'un la totalité des sensations, l'autre la conquête de sa personnalité. Et leurs tentatives ont suscité de multiples imitateurs. II. L'ÉGOÏSME DE CE POINT DE VUE A l'époque cependant, elles ont suscité aussi de nombreux détracteurs, dont Barrés évoque les « récriminations, les sempiternelles déclamations ». Ses principes, en effet, contredisent l'altruisme inconditionnel prêché habituellement par la morale.
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« l'on songe à J.-J.

Rousseau, à Amiel surtout.

Il risque enfin de perdre tout sentiment de la place exacte qu'il occupe dans le monde : qui ne connaît dans son entourage quelqu'un de ces êtresinsupportables, incapables de parler d'autre chose que d'eux-mêmes ? Tousles grands poètes romantiques ont senti le danger, et sont passés del'effusion lyrique à l'expression de souffrances plus générales.

Lamartine, danssa lettre à Félix Guillemardet, donne à cette évolution des raisons morales.N'oublions pas enfin qu'une vie consacrée par l'homme à lui-même ne reçoitguère de sens dans la mort.

En dehors de toute conception religieuse,l'octogénaire de La Fontaine « se donne des soins pour le plaisir d'autrui ».Quel autre but donner à une existence ? III.

UNE SAGESSE RÉALISTE Beaucoup de moralistes, depuis La Rochefoucauld, ont pensé que ledévouement total était impossible à l'homme.

Maurice Barrés s'insurge lui aussicontre les lieux communs de l'éthique traditionnelle : « Le mieux où l'on peutprétendre, c'est à combiner les intérêts des hommes de telle façon quel'intérêt particulier et l'intérêt général soient dans une commune direction.

»Se prêter à autrui Dès lors, l'attitude de Montaigne devient plus « normale ».S'il se garde en fait du monde extérieur, c'est surtout pour éviter laprésomption et le fanatisme — ces maux qui ont ensanglanté la fin du xviesiècle.

Le goût de la réflexion préalable à toute action pourrait constituer uneleçon salutaire dans notre monde qui semble avoir oublié certains conseils des Essais : « Cette âpreté de violence et de désir empêche plus qu'elle ne sert à la conduite de ce qu'on entreprend ».Sa morale du «juste milieu », celle que prêche Molière, manque d'élévation, mais non de réalisme.Ne se donner qu'à soi-même Dans ces perspectives, le « culte du moi » peut avoir une efficacité remarquable.

Lestrois volumes de Maurice Barrés retracent les étapes significatives d'une évolution : au premier stade, le jeune hérosconquiert sa personnalité propre, mais au troisième il s'insère dans la vie active et l'auteur s'adresse en ces termes àses jeunes lecteurs : « Quand ils se sentiront assez forts et possesseurs de leur âme, qu'ils regardent alorsl'humanité et cherchent une voie commune où s'harmoniser ».Nous rejoignons, à ce niveau, la grande tradition socratique : l'oracle de Delphes proclamait à juste titre l'importancede la connaissance de soi.

L'on insiste, aujourd'hui, sur la nécessité où se trouvent les jeunes rééducateurs de seconnaître profondément et lucidement avant de se lancer dans une vie de dévouement.

Tout métier de ce genresuppose pour celui qui l'exerce la possibilité de se consacrer à soi-même durant une certaine fraction de son temps ;s'il ne se ménage pas cette détente, il risque de ne pas conserver son équilibre. CONCLUSION A coup sûr, cette morale n'est pas celle du héros, mais peut-être est-elle une étape nécessaire à la conquête del'héroïsme.

Elle est sans panache, réaliste, fondée sur cette conception de l'amour-propre dont La Rochefoucauldfera, en un sens tout différent, un système pessimiste ; mais Sénèque, acceptant cette nécessité psychologique,écrivait déjà : « Sache que, quand on est ami de soi-même, on est ami de tout le monde ».. »

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