Husserl: la sagesse est en quelque sorte une affaire personnelle du philosophe.
Publié le 28/03/2005
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- HUSSERL (Edmond). Né à Prossnitz (Moravie) en 1859, mort à Fribourg-en-Brisgau en 1938. Il fit des études de mathématiques, fut le disciple de Franz Brentano et fut professeur à Halle en 1887, à Göttingen, de 1906 à 1916, et à Fribourg-en-Brisgau de 1916 à 1933, date à laquelle il fut chassé de l'Université, en tant qu'israélite. Il fit, en 1929, une série de conférences à la Sorbonne.
- Husserl combattit le psychologisme. Le problème de la connaissance n'est plus primordial ; dans l'ordre cognitif, c'est la perception qui domine, de même que, dans l'ordre objectif, c'est le perçu. Pour Husserl, « la philosophie est une science « ; elle doit être descriptive. Son but est une description exhaustive de l'existence.
Dans ce texte, la philosophie véritable ne peut reconstruire les sciences et réorganiser leur édifice qu'en refusant tout dogmatisme. Devenir philosophe, c'est donc faire retour sur soi-même, vers le sujet... comme le fit DESCARTES dans ses "Méditations Métaphysiques".
«
est ailleurs, ce qui veut dire qu'il a sans doute échappé à Descartes lui-même.L'essentiel, c'est que la philosophie soit « une affaire personnelle du philosophe », et Husserl insiste en soulignant eten répétant les possessifs : « se constituer en tant que sienne, être sa sagesse, son savoir ».
L'évocation du mot «sagesse » rappelle ici bien entendu l'étymologie du mot « philosophie ».
Mais justement, l'étymologie est un rappeldes origines, c'est-à-dire à la fois de ce qui a été partiellement perdu et de ce qui demeure à jamais au moinsvirtuellement présent.
La quête de la sagesse comme fin suprême de l'activité philosophique semble définir lamanière propre à l'Antiquité grecque et romaine de concevoir la philosophie, donc appartenir au passé.
En revanche,aux philosophes de l'époque classique on ne demande plus d'être des modèles de vie.Pourtant, quelque chose de l'ancien idéal doit subsister, sans quoi nous ne reconnaîtrions aucune continuité dansl'histoire de la philosophie.
Or, ce qui définit le sage par opposition au savant, c'est que sa connaissance est toutintérieure.
Un savant qui enseigne transmet des écrits, et renvoie l'élève à un savoir déjà constitué, et constitué endehors de lui, élève, et de lui, savant.
Un « sage », en revanche, ne peut qu'éveiller, c'est-à-dire susciter le désir etdonner l'impulsion d'une démarche personnelle.Alors, à l'heure où la philosophie est essentiellement universitaire, quand les professeurs ont remplacé les maîtres,quel sens y a-t-il à rappeler que la philosophie était au départ désir de devenir sage ? C'est que je ne sais vraimentque ce que je me suis approprié en ayant fait l'effort de le repenser, ce qui suppose que j'ai préalablement suspendumon jugement en refusant de tenir pour vrai ce que je ne comprends pas vraiment et totalement.Il faut ici bien préciser que cette exigence d'un savoir personnel ne signifie absolument pas que la philosophie seraitaffaire d'opinions subjectives, et que comme on le dit souvent « chacun pense ce qu'il veut ».
Bien au contraire, lesavoir philosophique tend « vers l'universel ».
En effet, je ne sais vraiment que ce qu'une autre conscience pourraitsavoir en suivant la même démarche.
Ce que je sais, je dois pouvoir le « justifier dès l'origine et à chacune de sesétapes », car c'est cela seul que signifie vraiment « comprendre ».
Ainsi, une connaissance n'est pas simplementune vérité établie dont j'aurais été informé, mais elle implique que je sache quels en sont les fondements.Le seul critère de vérité que puisse reconnaître alors « quiconque veut vraiment devenir philosophe » est ce queHusserl appelle « ses intuitions absolues ».
Le mot « intuition » ne doit pas induire en erreur en étant pris comme unsynonyme de « pressentiment », ce qui entrerait en contradiction avec l'exigence de justification énoncée plushaut.
Il faut considérer qu'une intuition désigne une saisie directe d'une vérité par une conscience, si bien que par «intuition absolue » nous devons entendre ce que l'esprit comprend entièrement d'un seul regard avec la force del'évidence.Récapitulons en remarquant que la vérité est soumise à une double exigence.
Elle doit d'abord être « objective »,c'est-à-dire être conforme au réel tel qu'il est et non tel que je l'imagine.
Ceci suffit généralement au commun deshommes, ou à tous ceux qui ne souhaitent pas devenir vraiment philosophes.Mais elle doit être aussi « subjective », à condition de bien comprendre ce terme et de n'y voir aucun droit àl'arbitraire des opinions.
Cela veut dire qu'une vérité n'est telle que si elle est intégralement reconnue par laconscience qui peut alors en rendre compte tant à elle-même qu'à une autre conscience.
Bien entendu, il ne fautpas opposer l'aspect objectif et l'aspect subjectif de la vérité comme s'il s'agissait de deux thèses qui secombattent, mais bien de comprendre qu'il n'y a de vérité que dans cette relation entre un sujet et un objet.Ceci définit la phénoménologie, méthode à laquelle Husserl a attaché son nom comme son inventeur.
Laphénoménologie se veut une recherche parfaitement rigoureuse des essences, à partir de la façon dont elles seprésentent à la conscience, et non telles qu'elles seraient en soi, indépendamment de la manière dont on lesappréhende concrètement.
L'habileté du texte, c'est qu'il vise à faire de la phénoménologie non pas un courant depensée parmi d'autres, mais bien la réalisation la plus pure de toute entreprise philosophique.Il reste à expliquer pourquoi le philosophe doit faire « voeu de pauvreté en matière de connaissance ».
L'expressionrenvoie à la vie religieuse, le voeu de pauvreté étant l'un des trois voeux que prononce le moine au moment où il sesépare définitivement du monde.
Son emploi par Husserl s'inscrit donc dans la continuité du champ lexical del'initiation comprise comme rupture avec le monde profane.Faire voeu de pauvreté, c'est renoncer à toute propriété personnelle.
Le philosophe est donc celui qui n'estpropriétaire d'aucune connaissance, ce qui confirme que lorsque Husserl fait de la philosophie une « affairepersonnelle du philosophe » cela n'implique en rien que celui-ci se détermine par la possession d'opinions qui luiseraient propres.
On pourra se souvenir ici de Socrate disant ne rien savoir, sinon qu'il ne savait rien.Une telle affirmation n'a rien à voir avec une quelconque affectation de modestie ; au contraire, c'est pour expliqueren quel sens il serait l'homme le plus sage d'Athènes que Socrate est amené à la prononcer.
Mais si je ne sais quece que je peux « justifier dès l'origine et à chacune de ses étapes », alors je n'ai d'autre savoir véritable que mapensée présente, et ce que j'ai su autrefois, il me faudra le repenser.
La vérité est ici comme tel ou tel bien quepeut utiliser le religieux mais qu'il ne peut s'approprier.
D'autre part, puisque la vérité est ce qui se présente à laconscience comme pouvant être comprise, elle ne saurait appartenir à personne.Mais si ce renoncement à la possession de la vérité définit la philosophie (on peut rappeler que l'étymologie en faitl'amour de la sagesse et non sa possession), alors on peut en reconsidérer l'utilité.
Elle n'est pas faite pouraugmenter la quantité d'informations dont dispose l'humanité et qu'elle peut utiliser dans son projet technique dedomination de la nature.
Si la philosophie est comme une vocation, dont l'appel ne cessera jamais, c'est qu'elle apour fonction de réaliser au mieux l'idéal de liberté de l'esprit, liberté dont la manifestation « négative » (commeabsence de contraintes) est la suspension du jugement, et dont la forme positive (comme épanouissement de soi)est la saisie pleine et entière du sens..
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