Hume, Enquête sur l'entendement humain, section IV
Publié le 11/04/2012
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«Le pain, que j'ai mangé précédemment, m'a nourri; c'est-à-dire un corps, doué de telles qualités sensibles, était, à cette époque, doué de tels pouvoirs cachés; mais en suit-il qu'il faille que d'autre pain me nourrisse en une autre époque et que des qualités sensibles semblables s'accompagnent toujours de semblables pouvoirs cachés? La conséquence ne semble en rien nécessaire. Du moins faut-il reconnaître qu'ici l'esprit tire w1e conséquence; qu'il fait un certain pas; qu'il y a un progrès de pensée et une inférence qui réclament une explication. Les deux propositions que voici sont loin d'être les mêmes : "J'ai trouvé qu'un tel objet a toujours été accompagné d'un tel effet et je prévois que d'autres objets qui sont semblables s'accompagneront d'effets semblables." J'accorderai, s'il vous plaît, que l'une des propositions peut justement se conclure de l'autre : en fait, je le sais, elle s'en conclut toujours. Mais si vous insistez sur ce que la conclusion se tire par une chaîne de raisonnements, je désire que vous produisiez ce raisonnement. La connexion entre ces deux propositions n'est pas intuitive. On réclame un moyen terme qui puisse rendre l'esprit capable de tirer une telle conclusion si, en vérité, il la tire par raisonnement et argumentation. Quel est ce moyen terme? Il me faut l'avouer, cela dépasse ma compréhension.«

«
la valeur objective des lois définies par l'homme, relèvent alors d'une entre
prise utile au plus haut point.
Et
ce, dans l'exercice courant du jugement
comme dans
la recherche scientifique la plus poussée.
La distinction de la
connaissance et de ce qui n'est pas elle, la rigueur et la fécondité des
démarches cognitives, définissent, entre autres, l'enjeu d'une telle réflexion
critique .
Dans cette perspective , proprement philosophique,
le statut de la
causalité mérite une explicitation approfondie.
Les évidences empiriques,
le scientisme, ne conduisent guère à la lucidité celui qui entreprend de
réfléchir sur
ce qu' il fait, sur le processus de connaissance qu'il veut maîtriser
pour le développer mieux encore.
Le texte de Hume permet de réfléchir
sur
ce type de question, et ce, à partir d'un exemple familier.
Au-delà de la
thèse fort célèbre qu' il véhicule, nous essaierons de dégager l'intérêt philo
sophique d'une problématisation
dont toute approche critique de la
connaissance humaine peut tirer son profit.
Développement
Première partie : étude ordonnée du texte
Quel est
le statut réel du processus mental par lequel j'énonce une rela
tion de cause
à effet entre un phénom ène et un autre? Une telle question
incite à un travail de réflexion sur une opération mentale familière à cha
cun de nous .
La thèse du texte s'inscrit résolument dans la perspective
d 'une problématisation de cette opération mentale : celle-ci, saisie
le plus
souvent comme une déduction nécessaire, fondée en raison, est-elle en fait
autre chose qu'une simple habitude, formée par la répétition
d'un constat
empirique, associant à un objet
les qualités que celui-ci manifeste dans une
expérience?
Une telle thèse, on le voit, est une critique.
Elle semble s'inscrire en faux
contre une sorte d'affirmation dogmatique par laquelle l'homme tend à
extrapoler
sa propre expérience, à lui donner un caractère qu'elle n'a pas.
Conférer à l'observation répétée d'une association entre deux phénomènes
sensibles
la valeur et le statut d'un raisonnement irrécusable, voire d'un
processus causal saisi directement est une sorte d'abus, par lequel l'esprit
manifeste qu'il
se méprend sur son propre pouvoir.
·
Pour entreprendre la démonstration , Hume s'appuie sur un exemple
simple et
quotidien- J'acte de se nourrir -et l'attribution au pain de pro
priétés permanentes intrinsèques que l'expérience répétée
d'un tel acte
semble attester.
La mise en question d'une réalité aussi familière constitue
le premier moment du texte.
Elle a de quoi surprendre.
Mais Hume, en
décidant de cultiver
le paradoxe, semble vouloir heurter les évidences les
mieux assurées, et mobiliser ainsi l'attention du lecteur:
• cet exemple permet
de formuler
la problématique du texte : quel est le
statut réel des conclusions que je tire de l'expérience vécue?.
»
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