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HUME, « De la norme du goût », in Essais esthétiques

Publié le 06/01/2013

Extrait du document

hume
 
Texte de Hume sur le goût
 
 
 
           « Parmi un millier d'opinions différentes que des hommes divers entretiennent sur le même sujet, il y en a une, et une seulement, qui est juste et vraie. Et la seule difficulté est de la déterminer et de la rendre certaine. Au contraire, un millier de sentiments différents, excités par le même objet, sont justes, parce qu'aucun sentiment ne représente ce qui est réellement dans l'objet. Il marque seulement une certaine conformité ou une relation entre l'objet et les organes ou facultés de l'esprit, et si cette conformité n'existait pas réellement, le sentiment n'aurait jamais pu, selon toute possibilité, exister. La beauté n'est pas une qualité inhérente aux choses elles-mêmes, elle existe seulement dans l'esprit qui la contemple, et chaque esprit perçoit une beauté différente. Une personne peut même percevoir de la difformité là où une autre perçoit de la beauté. Et tout individu devrait être d'accord avec son propre sentiment, sans prétendre régler ceux des autres. «
 
HUME, « De la norme du goût «, in Essais esthétiques, trad., R. Bouveresse, G.-.F, 2000, p. 127.
 
 
 
Questions :
 
1° Dégagez l'idée principale du texte et les étapes de son argumentation.
2° Expliquez :
a) « aucun sentiment ne représente ce qui est réellement dans l'objet « ;
b) « la beauté n'est pas une qualité inhérente aux choses «.
3° Peut-on se tromper en disant qu'une chose est belle ?
 
 
 
 
 
Question 1
 
            Hume maintient que « la beauté n’est pas une qualité inhérente aux choses, elles-mêmes, elle existe seulement dans l’esprit qui la contemple «. Il n’y a donc de beauté que pour un esprit capable de le ressentir : autant de sentiments, autant de beautés. Le texte s’organise en deux mouvements : une opposition entre vérité et art, puis une conclusion, qui se propose comme thèse.
 

hume

« musique que l’on écoute, mais dans notre esprit, qui brasse des souvenirs.

La preuve : la même mélodie peut éveiller une sensation différente chez quelqu’un d’autre et même pour nous, à d’autres moments de l’existence.

C’est pourquoi, Hume peut affirmer que la « beauté n’est pas une qualité inhérente aux choses ».

En effet, il n’y a de beauté ou de laideur en soi.

Car le beau relève du sentiment.

Puisque celui -ci est proprement subjectif, la beauté l’est aussi.

On pourrait frotter la démarche humienne à celle de Platon qui, dans Hippias majeur , oppose « ce qu’est le beau » - le beau en soi, l’essence de la beauté - et ce qui est beau » - les différentes manifestations du beau, les choses belles.

Hippias cherche des exemples de choses belles : une belle jeune fille, une belle cuillère… Hume répondrait qu’il ne faut se fier qu’à ses sentiments.

: si une jeune fille est belle nous apparaît telle, alors elle est belle.

N'est -ce pas d'abord une conséquence de la thèse de Hume selon laquelle tout sent iment , en tant que sentiment , est juste, et que par conséque nt il n'y a nulle contradiction dans le fait que les hommes éprouvent des sentiments diverses à l'égard des mêmes objets ? Mais, ensuite, cela ne veut -il pas dire, si Hume ici précise cette conséq uence, que cette relativité naturelle du sentiment est communéme nt ignorée, et que les hommes trouvent en général odieux que les autres individus ressentent des sentiments différents des leurs et se mettent en devoir de les faire sentir comme eux ? Ou, s'ils ne peuvent faire changer de sentiment les autres individus, e t qu'ils sont gênés de la différence, n'entrent -t- ils pas en désaccord avec eux -mêmes à cause de leur propre sentiment ? Deux cas de figures se présentent lorsqu’on affirme qu’une chose est belle.

Soit on en est intimement convaincu, parce que notre sensation ne laisse place à aucun doute ; soit on la dit telle pour se conformer à un jugement répandu, sans même ne rien resse ntir.

Dans la première hypothèse, on est sincère avec soi -même, mais rien ne nous assure que la chose soit belle dans l’absolu : elle l’est pour nous, mais l’est- elle pour les autres ? Dans la seconde lecture, on se trompe soi -même, par crainte de passer p our quelqu’un qui a mauvais goût, et l’on se conforme au goût des autres.

Mais peut -on affirmer que La jeune fille à la perle est belle, si on n’éprouve pas au fond de nous un sentiment esthétique ? Pourquoi untel s’extase- t- il devant une toile de Vermeer, alors qu’un autre la trouve laide ? La question posée porte sur la nature du jugement esthétique.

Se demander si l’on peut se tromper en disant qu’une chose est belle revient à affronter un paradoxe : comment ne pas faire confiance à son assentiment dev ant une œuvre d’art ? Comment partager ce sentiment pour être en mesure de discuter du beau ? Comment être fidèle à ce qu’on ressent sans pour autant compromettre la possibilité même d’une esthétique comme « science » du beau ? Ne peut -on pas se tromper sur nous -mêmes ? À moins de supposer que l’on se mente à soi -même, on ne peut pas se tromper en affirmant qu’une chose est belle.

Car on ne peut pas supposer que la chose diffère de ce qu’elle paraît.

C’est l’argument essentiel de Hume qui radicalise son relativisme : si l’on tombe en extase devant une sculpture de Rodin ou tel tableau au fond du grenier, alors l’œuvre est belle pour soi.

La beauté n’est pas en soi mais pour soi.

Puisqu’il n’y a d’autre critère du beau que celui du sentiment, propre à chac un, alors on ne peut se fourvoyer en affirmant qu’une chose est belle.

Plus précisément, le critérium du beau est celui du plaisir.

« Tout objet qui tend à causer du plaisir à son possesseur, ou qui, en d’autres termes, est la cause propre du plaisir, pla ît sûrement au spectateur par une subtile sympathie avec le possesseur.

» (Hume, Traité de la nature humaine).

La chose belle est donc celle qui suscite le plaisir, qui contente les sens, et le sentiment de plaisir est exhibé comme la preuve nécessaire et suffisante de la beauté.

Mais l’épreuve esthétique est -elle la preuve de la beauté d’une œuvre d’art ?. »

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