Hume : Ce n'est pas à tort, dit Sancho au chevalier au grand nez
Publié le 22/03/2015
Extrait du document
«
Textes commentés 55
Voici un extrait du Don Quichotte de Cervantès 1
, cité par le philosophe
«pour ne point prendre notre philosophie à une source trop profonde2 », et le
lecteur appréciera non seulement l'humour, mais encore le recours à
l'exemple pittoresque ou la manière, que l'on retrouve dans les
Dialogues sur
la religion naturelle, de la parole donnée à un autre (Sancho Pança) qui
raconte à son tour (ici, une aventure qui n'a pas été la sienne).
Cet effet de
mise en scène témoigne
du souci d'écrivain de l'auteur.
Cette anecdote vient illustrer la nécessité d'une
délicatesse de l'esprit pour
qu'il accède à (ou s'approche de) la norme véritable
du goût.
Comme pour les
jugements moraux, en effet, et peut-être plus encore, les jugements
esthétiques sont très divers (Hume parle
de « variété capricieuse ») ; pourtant,
l'on peut faire l'hypothèse de principes généraux, c'est-à-dire empêcher le
scepticisme de tomber dans un relativisme excessif.
Comme en morale,
encore, cette norme du jugement
ne se dégage de la gangue des particularités
qu'à les recueillir très largement, les comparer, les interroger sur leurs
principes.
L'entreprise, qui veut dépasser l'effet des
« humeurs » individuelles
et des
« mœurs » collectives, est certainement difficile, de sorte que l'on peut
admettre
« un certain degré de variation dans le jugement3 ».
Toutefois, le
philosophe a
le recours de se tourner vers l'homme de goût, l'expert, en lequel
la règle réside
parce qu'il a raffiné son jugement et finalement l'impose
couramment en société : tels sont, ici, les amateurs qui reconnaissent, chacun
pour sa part, à sa manière et dans les limites qui sont les siennes, la
composition du vin.
Tel est pris, qui croyait prendre : Hume veut nous
prémunir contre les excès d'un relativisme qui empêcherait jusqu'aux
conversations esthétiques et décevrait tout espoir d'évolution
du goût.
En esthétique, comme en morale, le plaisir est premier et seul juge.
Mais,
alors qu'en morale il tire son origine de la sympathie, point de ressort du
même type dans les affaires
de goût ; c'est qu'en réalité « le plaisir et la
douleur
ne se bornent pas à accompagner nécessairement la beauté et la
laideur ; ils en constituent l"essence même4
», et les choses, pour être mieux
appréciées, doivent être plus précisément connues (alors qu'autrui n'est jamais
qu'interprété) : si, donc, l'expérience est toujours requise, la raison prend ici
un rôle plus importants.
!.
Deuxième partie, chapitre XIII.
2.
De la règle du goût, EMPL, p.
271.
3.
Id., p.
278.
4.
TNH Il, i, 8, p.
136.
La philosophie humienne des jugements esthétiques et moraux, montre notre
tendance naturelle vers la beauté et les voies par lesquelles, se raffinant, elle s'en approche.
5.
« si la raison n'est pas une partie essentielle du goût, du moins est-elle l'auxiliaire indispensable de
ses opérations» (De la règle du goût, EMPL, p.
275)..
»
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