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HUME (1711-1776) et la philosophie empiriste

Publié le 22/02/2012

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Vie — Hume appartenait à une famille aisée. Il fit de bonnes études au collège d'Edimbourg — un des meilleurs d'Écosse, devenu par la suite université — dont le professeur de « philosophie » c'est-à-dire de physique et de sciences naturelles, Stewart, était un savant disciple de Newton. Le jeune Hume qui rêve de devenir un homme de lettres et un philosophe célèbre renonce rapidement à des études juridiques et commerciales, passe quelques années en France, notamment à La Flèche où il compose, à vingt-trois ans, son Traité de la nature Humaine, qu'il fit paraître à Londres en 1739. L'ouvrage, nous dit son auteur, « tomba mort-né de la presse ». Cet échec donna l'idée à Hume d'écrire des livres courts, brillants, accessibles à un public mondain. Ses Essais moraux et politiques ( 1742) connaissent un vif succès. Hume s'efforce alors de simplifier et de vulgariser la philosophie de son traité et publie ses Essais philosophiques sur l'entendement humain (1748) dont le titre définitif sera dans une édition suivante (1758) Enquête (Inquiry) sur l'entendement humain. L'ouvrage a du succès, mais ne manque pas d'inquiéter les chrétiens et Hume se voit refuser une chaire de philosophie à l'Université de Glasgow. Hume fera finalement une belle carrière dans la diplomatie. De 1763 à 1765 il est secrétaire d'ambassade à Paris et fêté dans le monde des philosophes. En 1766 il héberge Rousseau en Angleterre puis se brouille avec lui. En 1768 il est secrétaire d'État à Londres. Entre-temps, il a publié une Enquête sur les principes de la morale (1751), une volumineuse Histoire d'Angleterre (1754-1759), une Histoire Naturelle de la Religion (1757). C'est seulement après sa mort que furent publiés en 1779 ses Dialogues sur la Religion Naturelle.
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« le pouvoir de ma conscience sur mon corps.

N'ai-je pas ici la clef du principe de causalité ? Je veux lever le bras etje lève le bras.

N'est-il pas 'évident que ma volonté est la cause du mouvement de mon corps ? Mais à y bienréfléchir cette expérience n'est pas plus claire que la précédente.

Je constate deux choses : d'abord que je veuxlever le bras, ensuite que mon bras se lève.

Je ne sais absolument pas par quelle machinerie neuromusculairecomplexe s'opère le mouvement de mon bras.

Un paralytique veut comme moi lever le bras et il est tout surpris deconstater qu'aucun mouvement ne fait suite à son désir. Et moi dont la langue ou les doigts se remuent si je le veux, je n'ai aucun pouvoir sur mon cœur ou sur mon foie.

Onse souvient que la succession de mon vouloir et de mes mouvements stupéfiait à tel point Malebranche qu'il nevoyait dans ma volonté qu'une occasion à partir de laquelle Dieu produisait le mouvement de mon corps.

Cettehypothèse est aux yeux de Hume, philosophe du XVIIIe siècle, extravagante, mais Hume retient l'analysepsychologique du grand philosophe français.

Ici encore, je constate avec surprise que je veux accomplir certainsmouvements et puis que ces mouvements s'accomplissent.

Mais je ne constate pas le parce que, je n'ai pasl'expérience d'une connexion nécessaire.

L'action de l'âme sur le corps reste énigmatique : « Si nous avions lepouvoir d'écarter les montagnes ou de contrôler les planètes, cette puissance ne serait pas plus extraordinaire ». c) Que dire enfin de l'expérience purement intérieure que je fais de la succession de mes propres idées ? Dois-jeadmettre que ma réflexion attentive est la cause des idées qui me viennent ? Mais tout d'abord selon les cas ouselon les moments les idées viennent ou ne viennent pas.

Le matin les idées viennent mieux que le soir (chezcertains) et mieux avant le repas qu'après.

Ici encore je constate qu'il y a entre mon effort d'attention et mes idéesune succession, mais je ne vois pas entre les deux faits de connexion nécessaire.

La conclusion s'impose donc.

Il n'ya aucune impression authentique de causalité.

Il reste que je crois à la causalité et Hume explique cette croyance àpartir de l'habitude et de l'association des idées.

Pourquoi est-ce que je m'attends à voir l'eau bouillir lorsque je lachauffe ? C'est parce que, répond Hume, échauffement et ébullition ont toujours été associés dans mon expériencepassée, et cette association a déterminé en moi une habitude.

Je mets l'eau sur le feu et je dis par une habitudepuissante : l'eau va bouillir.

Si je « forme une conclusion qui déborde dans le futur les cas passés dont j'ai eul'expérience » c'est que l'imagination irrésistiblement entraînée, par le poids de la coutume, glisse d'un événementdonné à celui qui raccompagne d'ordinaire.

J'ai l'air de devancer l'expérience tandis qu'en fait je cède à unetendance créée par l'habitude.

La nécessité causale n'existe donc pas réellement dans les choses.

« La nécessitéest quelque chose qui existe dans l'esprit, non dans les objets.

» Le scepticisme de Hume L'empirisme de Hume apparaît alors comme un scepticisme ; donner l'explication psychologique de la croyance auprincipe de causalité, c'est refuser à ce principe toute valeur.

En effet, il n'y a dans l'idée de causalité que le poidsde mon habitude et de mon attente.

Je m'attends invinciblement à voir bouillir l'eau que j'ai mise sur le feu.

Maiscette attente n'est pas fondée en raison.

Après tout il pourrait se faire — sans contradiction — que cette eauchauffée se transforme en glace ! « N'importe quoi, dit Hume, peut produire n'importe quoi ».

Dans le domaine despropositions logiques A ne peut être non A.

Mais dans les « matters of fact » tout peut arriver.

Ce roi du Siam qui fitmettre à mort son ambassadeur norvégien (parce que ce dernier se moquait de lui en prétendant que dans sonpays, l'hiver, les rivières devenaient si dures qu'on pouvait y faire glisser des traîneaux ! ! ) avait bien tort de nier unfait contraire à son expérience.

Le principe de causalité entièrement expliqué par une illusion psychologique n'a plusla moindre valeur de vérité.

Pascal qui avait déjà esquissé cette analyse psychologique de l'induction le disait en uneformule saisissante : « Quiconque ramène la coutume à son principe l'anéantit ». Le scepticisme de Hume nous apparaît donc, à l'encontre de ce que dira Hegel comme un scepticisme absolu.

PourHegel au scepticisme antique qui doute surtout des sens pour préparer la conversion de l'esprit au monde desvérités éternelles, s'oppose un scepticisme moderne,— dont Hume serait le chef de file — qui nie seulement lesaffirmations de la métaphysique et fonde solidement les vérités de la science expérimentale.

En réalité, lescepticisme de Hume, en dissolvant le principe de causalité, frappe de suspicion la science expérimentale toutentière.

Dans tous les principes de la connaissance Hume découvre en fait les illusions de l'imagination et del'habitude.

Même l'unité du moi — qui nous paraît naïvement une évidence — est pour Hume illusoire.

Pour Humec'est aussi l'imagination qui identifie le moi et ce qu'il possède ou comme nous disons l'être et l'avoir.

A la limite, jen'ai pas ma réputation et même mes souvenirs, mes idées et mes rêves autrement que ce costume ou cette maison.Simplement l'imagination, habile à masquer la discontinuité de toutes choses, glisse aisément d'un état psychique àun autre et construit le mythe de la personnalité, collection d'avoirs hétéroclites qui se donne pour un être.

Car oubien je suis mes « états » et mes « qualités » et je ne suis pas moi-même ou bien je suis moi-même et je ne suisplus rien. Seulement Hume est le premier à reconnaître que son scepticisme tout absolu qu'il soit est artificiel.

Hume, commetout le monde, lorsqu'il met de l'eau sur le feu est persuadé qu'elle va bouillir.

Quand il réfléchit en philosophe, dansson cabinet, il est sceptique.

Quand il rentre dans la vie courante ses « conclusions philosophiques semblents'évanouir comme les fantômes de la nuit à la naissance du jour ».

Si, dit-il curieusement, « après trois ou quatreheures d'amusement je voulais revenir à mes spéculations celles-ci me paraîtraient si froides, si forcées et siridicules que je ne pourrais trouver le cœur d'y pénétrer tant soit peu ».

La croyance au principe de causalitéabsurde sur le plan de la réflexion, est naturelle, instinctive.

La théorie de Hume est donc tout à la fois undogmatisme instinctif et un scepticisme réflexif.

Scepticisme et dogmatisme ne se partagent pas chez lui selon lesdomaines du savoir, mais selon les niveaux de la pensée.

Nul plus que lui n'a séparé la vie et la philosophie.

Il vitselon les croyances instinctives du bon sens expérimental.

Il philosophe en sceptique selon une réflexion rigoureuse. »

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