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Hobbes: Liberté et droit

Publié le 10/01/2004

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La nature a fait les hommes si égaux quant aux facultés du corps et de l'esprit, que, bien qu'on puisse parfois trouver un homme manifestement plus fort corporellement, ou d'un esprit plus prompt qu'un autre, néanmoins, la différence d'un homme avec un autre n'est pas si importante que quelqu'un puisse de ce fait réclamer pour lui-même un avantage auquel un autre ne puisse pas prétendre aussi bien que lui (...). De cette égalité des aptitudes découle une égalité dans l'espoir d'atteindre nos fins. C'est pourquoi, si deux hommes désirent la même chose alors qu'il ne leur est pas possible d'en jouir tous les deux, ils deviennent ennemis. Et dans leur poursuite de cette fin (qui est, principalement, leur propre conservation, mais parfois seulement leur plaisir), chacun s'efforce de détruire et dominer l'autre. Et de là vient que là où l'agresseur n'a rien de plus à craindre que la puissance individuelle d'un autre homme, on peut s'attendre avec vraisemblance, si quelqu'un plante, sème, bâtit, ou occupe un emplacement commode, à ce que d'autres arrivent tout équipés, ayant uni leurs forces, pour le déposséder et lui enlever non seulement le fruit de son travail, mais aussi la vie ou la liberté. Et l'agresseur à son tour court le même risque à l'égard d'un nouvel agresseur.

Ce texte de Hobbes traite à la fois des aptitudes dont la nature dote l'homme et des dérèglements qui procèdent de l'usage qu'il en fait alors qu'aucun cadre juridique ne vient précisément délimiter leur expression.    En effet, Hobbes ne se situe pas ici dans le champ politique de la société civile.    Il évoque la nature des relations qu'entretiennent les hommes lorsqu'ils sont soumis aux seules lois de leurs instincts, de leurs passions ou de leurs intérêts sans que jamais une règle politique vienne s'imposer à eux et les incliner au respect de l'autre.    C'est pourquoi, livrés à eux-mêmes, ils laissent libre cours à l'expression de leurs dispositions naturelles ainsi qu'à la satisfaction de leurs propres désirs.    C'est bien ce que Hobbes entend distinguer en articulant sa pensée à deux idées maîtresses qui épousent le développement du texte en deux paragraphes.    Toutefois, celles-ci se complètent aussi dans la mesure où, si le premier paragraphe dit que les hommes sont égaux selon la nature, le second ajoute qu'ils le sont aussi du point de vue des objectifs et des buts qu'ils cherchent à réaliser.  

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« D'autre part, les aptitudes ici ne sont pas perçues comme des compétences, c'est-à-dire qu'elles ne résultent pasd'un processus d'acquisition à travers un apprentissage. C'est ce qui les rend universelles, ou si l'on veut, démocratiquement distribuées à chacun indépendamment de savolonté propre de les acquérir. "égalité dans l'espoir d'atteindre nos fins". A travers cette expression, Hobbes n'évoque plus le don que la nature fait à l'homme à sa naissance, mais plutôtl'usage "culturel" qu'il peut être conduit à faire de ses dispositions naturelles. La notion de fins, en effet, renvoie à une construction et à une élaboration culturelles qui dépassent le simplechamp des dotations qu'accorde la nature.

C'est aussi le sens qu'il faut accorder au mot "espoir" qui révèle la façondont la volonté vient informer ce naturel informe. L'existence d'un espoir est toujours en ce sens le témoin d'un processus d'acculturation.

Il marque l'emprise de laculture sur la nature, de la volonté sur le déjà-donné. Cependant, l'homme projette aussi la réalisation de ses buts en fonction de ses capacités naturelles à les réaliser. Les unes sont les causes dont les autres seraient ainsi les conséquences ; en somme elles se proportionnent. Par là, Hobbes montre aussi que l'on ne peut pas vouloir quelque chose que nous n'aurions pas l'aptitudeintellectuelle ou physique de réaliser. Mais au-delà, il précise ce que sont ces fins : - d'un côté, il s'agit de l'exigence de survie dans un univers où seule la violence règle les rapports entre les hommes; et c'est même là ce qui occupe "principalement", dit Hobbes, leurs pensées, comme s'il fallait témoigner de lasimple difficulté qu'il y a à survivre dans un climat de violence généralisée.- d'un autre côté, lorsque cette exigence d'autoprotection est satisfaite, l'auteur n'oublie pas que la recherche duplaisir oriente aussi nos actions et donne par là un sens (même si arbitraire et singulier) à notre volonté. III - L'HOMME EST-IL VIOLENT PAR NATURE ? Hobbes décrit à travers ce texte les conditions de l'avènement de la violence lorsque celle-ci n'est pas encadrée parun dispositif éthico-juridique. Cependant, il faut ici distinguer deux significations possibles que l'on peut assigner à l'expression "par nature" : d'un côté, il apparaît que la violence de l'homme est liée à l'existence d'un état de nature dans lequel chacun est enguerre contre tous ; c'est alors le règne de la loi du plus fort et de l'"entre mangerie universelle". Et ce qui est par nature s'oppose ici à la construction politique de la société civile, celle-là même qui, par lamédiation du droit, organise et pacifie les rapports entre les hommes. En ce sens alors, la nécessité du passage de l'un à l'autre, c'est-à-dire la transition d'un état de nature à un étatcivil, impute bien à la nature la responsabilité de l'émergence de la violence en l'homme, et au droit, l'ambition deson éradication. Toutefois, Rousseau décline le problème à rebours ; de son point de vue en effet, le processus de corruption del'homme ne commence qu'à partir du moment où s'est exprimé chez lui le désir d'une appropriation personnelle d'unbien collectif. Or c'est ce dernier acte qui est à l'origine de la constitution de la société civile ; celui-là même qui rejette l'idéalharmonieux d'un état de nature dans lequel la terre n'était à personne quoique les fruits appartinssent à tous. C'est donc bien la société civile qui engendre le passage vers une violence égoïste. Mais d'un autre côté, il faut aussi se demander s'il n'est pas dans la nature de l'homme, c'est-à-dire dans sonessence même, de laisser libre cours à l'expression de sa violence. Hobbes incline en effet de ce côté-là, pour qui l'homme est toujours un loup pour son semblable, c'est-à-dire unprédateur au sein de sa propre espèce. Il rejoint en cela l'hypothèse déjà formulée par Thrasymaque dans sa discussion avec Socrate au début de La. »

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