Hobbes, léviathan, chapitre XIII
Publié le 12/04/2012
Extrait du document
« Il peut sembler étrange, à celui qui n'a pas bien pesé ces choses (1) que la nature puisse ainsi dissocier les hommes et les rendre enclins à s'attaquer et à se détruire les uns les autres : c'est pourquoi peut-être, incrédule à l'égard de cette inférence tirée des passions, cet homme désirera la voir confumée par l'expérience. Aussi, faisant un retour sur lui-même, alors que partant en voyage, il s'arme et cherche à être bien accompagné, qu'allant se coucher, il verrouille ses portes; que, dans sa maison même, il ferme ses coffres à clef; et tout cela sachant qu'il existe des lois, et des fonctionnaires publics armés, pour venger tous les torts qui peuvent lui être faits : qu'il se demande quelle opinion il a de ses compatriotes, quand il voyage armé; de ses concitoyens, quand il verrouille ses portes; de ses enfants et de ses domestiques, quand il ferme ses coffres à clef. N'incrimine-t-il pas l'humanité par ses actes autant que je le fais par mes paroles? Mais ni lui ni moi n'incrirninons la nature humaine en cela. Les désirs et les autres passions de l'homme ne sont pas en eux-mêmes des péchés. Pas davantage ne le sont les actions qui procèdent de ces passions, tant que les hommes ne connaissent pas de loi qui les interdise; et ils ne peuvent pas connaître de lo.is tant qu'il n'en a pas été fait; or, aucune loi ne peut être faite tant que les hommes ne se sont pas entendus sur la personne qui doit la faire. «
«
à propos d'une telle inférence (du fait qu'elle n'est pas tant logique que
construite sur une théorie anthropologique concernant
les passions) n'a-t
il pas besoin d'être levé par le constat effectué directement sur l'expérience
ordinaire?
• Deuxième moment (deuxième phrase): une introspection est invoquée
et suscitée, qui
met en évidence l'omniprésence de la méfiance à l'égard des
hommes,
ou des hommes entre eux.
Et ce, à tout propos et hors de propos
semble-t-il; puisque lois et policiers sont censés exercer leur protection .
Divers exemples de la vie quotidienne attestent
la réalité de cette méfiance,
qui contraste avec
la dénégation purement verbale dont elle fait souvent
l'objet.
• Troisième moment (troisième phrase) :l'invocation du comportement
de défiance permet alors de prendre à témoin celui qui douterait de la validité
de
la thèse hobbesienne concernant l'humanité et, en quelque sorte, de
faire apparaître une contradiction majeure entre
le comportement humain
le plus répandu
et la protestation que suscite sa caractérisation la plus
réaliste.
• Quatrième moment (les trois dernières phrases) : reconsidération du
sens de la thèse avancée, et du jugement de valeur qu'on croit spontané
ment devoir lui attacher.
Une connaissance de la nature humaine et de ses
tendances ne vaut pas
ipso facto condamnation : celle-ci ne peut procéder
que d'une loi et d'une convention fondatrice choisissant la personne
propre à la faire .
C'est dire qu'en deçà de
la genèse du politique et des lois
civiles, la nature humaine, telle qu'e
lle est, ne peut faire l'objet d'aucun
jugement négatif.
Désirs et actions ne sont pas d'emblée des péchés, dit
Hobbes, prenant ainsi
le contrepied de toute la tradition chrétienne (et
notamment de
la thématique du péché originel).
Strudure du texte
• Première partie (première phrase) : présentation des réserves suscitées
par la thèse hobbesienne et annonce d'une argumentation destinée à les
lever .
• Deuxième partie (deuxième phrase) : exposé de l'argument, sous la
forme d'une série d'exemples descriptifs attestant la réalité en acte de la
méfiance des hommes entre eux.
• Troisième partie (les quatre dernières phrases): retour sur la signification
de la thèse en jeu , et sur la condition requise
pour tout jugement assimilant
désirs et actions humaines à des péchés.
Thèse centrale
L'existence d'une défiance naturelle des hommes les uns envers les autres
est attestée par de multiples comportements de la vie quotidienne : ceux-c i
contrastent singulièrement avec
la dénégation théorique de cette défiance..
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